Un médecin jaloux tue sa femme pour avoir triché. Son meilleur ami prend sa défense devant le tribunal. Après l'acquittement de son client, l'avocat commence à soupçonner sa propre femme d'adultère. Il veut également la tuer et être acquitté de la même manière.
Un baiser devant le miroir est une œuvre qui masque sous son argument criminel et judiciaire un récit de mœurs plus complexe. Sous le frivole d’une relation adultère, derrière la respectabilité et l’amour apparent de couples nantis se dessine en creux des rapports hommes/femmes mesquins et primaires. Cette dualité s’amorce lors de la scène d’ouverture voyant la rencontre enjouée entre Lucy Bernsdorf (Gloria Stuart) et son amant (Walter Pidgeon). Les mots doux, la sophistication de la robe de Lucy, le faste romantique du décor et la sensualité à fleur de peau entre les amants tisse une atmosphère chatoyante dont le plaisir semble décuplé par la nature illégitime de cette relation. La silhouette de l’époux trompé Walter (Paul Lukas) vient faire basculer le ton et l’ambiance, jette un voile d’inquiétude et impose une sourde violence quand, de jalousie meurtrière, il abat de trois coups de feux Lucy qui se déshabillait dans la chambre de son amant.
Son ami et avocat Paul (Frank Morgan) va essayer de le défendre en plaidant un moment de folie. Pour comprendre le geste de Walter, Paul lui demande les circonstances qui l’y ont amené. Ce dernier dépeint alors méticuleusement le processus qui lui fit comprendre que sa femme en aimait un autre, lorsqu’il l’observa à son insu se maquillant devant son miroir avant de retrouver l’amant. Le changement de son expression, de son langage corporel qu’il vit en reflet dans ce miroir alors qu’il manifestait sa présence lui fit, avant les faits, saisir la terrible trahison. Si plaider la folie passagère est d’abord une stratégie pour Paul, cela devient une réelle conviction quand, dans un mimétisme sadique, il constate par le même dispositif l’adultère de sa propre femme Maria (Nancy Carroll).N'étant pas armé lorsqu’il verra les retrouvailles de Maria et son homme, Paul évite de céder aux instincts meurtriers qui le traversent aussi. Cependant sa plaidoirie pour défendre le geste de son ami n’en sera que plus habitée. C’est assez captivant à l’aune des combats féministes actuels et notamment des féminicides au sein des couple de se pencher sur le traitement du film. On a parfois l’impression de regarder une version premier degré de la comédie Divorce à l’italienne (1961) traitant d’un sujet similaire, l’absolution judiciaire du meurtre au sein du couple. Cela ne signifie pas que cela était possible dans la société américaine des années 30, mais qu’en tout cas les hommes estimaient possible de se défendre ainsi de leur geste. James Whale nous fait habilement endosser le point de vue masculin pour lequel découvrir qu’il est trompé développe chez lui une fracture psychique, momentanée dans le geste terrible de Walter, et tout aussi inquiétante sans le passage à l’acte pour Paul.L’étude de caractères est passionnante, d’autant plus quand elle est soumise à l’éloquence de l’avocat pour justifier l’horreur. Ainsi sa tirade disant qu’il ne faut pas traiter pareillement le vivant qui a vrillé et la morte qui a fautée place l’adultère et le meurtre sur une même échelle d’infamie. C’est l’exposition d’une certaine forme de psychologie masculine, assez crue et impitoyable. La conclusion est d’ailleurs des plus ambiguë, douce d’un côté en amorçant un semblant de possible réconciliation entre Paul et Maria, mais révoltante de l’autre avec l’acquittement de Walter dont le geste est « justifié ».Sorti en dvd zone 2 français chez Elephant Film
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