Gin, un homme ruiné,
Hana, une femme transgenre versant volontiers dans le sentimental et Miyuki,
une adolescente fugueuse, vivent dans la rue. Un soir de Noël à Tokyo, les
trois sans-abris trouvent un bébé au milieu des ordures et une clé de consigne
de gare dans son couffin. Ils décident alors de retrouver la mère du
nouveau-né, qu'ils appellent Kiyoko « enfant pur » en attendant. Commence pour
eux une formidable aventure qui, par un incroyable concours de circonstances,
les confrontera en six jours1 à leurs passés respectifs.
Troisième film de Satoshi Kon, Tokyo Godfathers semble constituer un aparté dans son œuvre par
rapport aux débuts de Perfect Blue
(1997) et Millenium Actress (2001) et
au testament Paprika (2006). Tous ces
films explorent la thématique chère au réalisateur de la réalité subjective,
des liens poreux entre réel et imaginaire, conscience et folie. Avec son cadre
réaliste, ses préoccupations sociales et son récit terre à terre Tokyo Godfathers en semble bien éloigné
mais en fait le réalisateur reste totalement cohérent et a simplement déplacé le
curseur quant aux éléments qu’il souhaite mettre en avant mais toutes ses
thématiques sont pourtant bien présentes.
Le soir de noël, trois sans-abris, le dur à cuir Gin, le
transsexuel Hana et la fugueuse Miyuki font la découverte d’un bébé abandonné
au milieu des poubelles qu’ils fouillaient. Ne sachant que faire du nourrisson
et ne se décidant pas à le ramener à la police, le groupe va se servir des
maigres indices accompagnant les affaires du bébé pour retrouver sa famille. C’est
parti pour un périple délirant dans Tokyo hivernal et cette quête sera
également intérieure en confrontant les personnages à leurs passés et donc aux
raisons qui les ont amenés à vivre dans la rue.
Chaque œuvre de Satoshi Kon
distille est savant mélange entre cette idée de réalité subjective, une
réflexion et un regard sur la société japonaise et une exploration de l’intime
à travers les doutes et les attentes des héros. Le thriller sert la perte de
repère de Perfect Blue pour ce qui
est à la fois une vision des fans obsessionnels des Idol pop japonaises mais
aussi un récit passage à l’âge adulte mouvementé pour son héroïne. Millenium Actress usait de cette veine
tourbillonnante pour un voyage à travers l’histoire du Japon, réel et cinéphile
et servait également un touchant regard sur le temps qui passe, la recherche de
l’amour fou.Tokyo Godfathers
reprend tous ces éléments et cette fois la réalité subjective s’orchestre par
la manière dont intervient le merveilleux et le conte dans une réalité
sinistre.
Chacun des personnages traîne un lourd passif : Gin a perdu sa
famille en cédant à l’alcool et au jeu, Miyuki fuit son père à cause d’un acte
terrible qu’elle regrette et Hana erre depuis la mort de son amant. Tous trois
ont reformé une famille dysfonctionnelle, turbulente mais soudées pour survivre
à la dure loi de la rue. Ces révélations s’amorce en fragment au fil de l’aventure,
chaque rencontre, environnement et situation réveillant un peu plus les souvenirs
entre deux gags. Satoshi Kon fait naître la magie de la fange, l’inattendu ne
naissant plus du déséquilibre mental (Perfect
Blue) ou de la passion éperdue (Millenium
Actress) des héros mais au contraire de leur bonté. Leurs intentions sont
si nobles qu’il semble prêt à tout surmonter, l’esprit de noël faisant surgir
les miracles réel (la péripétie finale) ou rêvé (l’hilarante apparition d’une
fée qui s’avère quelque peu différente de ses consœurs) mais toujours servit
par des intentions bienveillantes.
Il fallait bien cela pour contrebalancer un
envers sinistre pour illustrer le quotidien de nos sans-abris, entre mépris
ordinaire des quidams, violence gratuite des jeunes en quête de sensation et
bien sûr un froid tenace qu’il faut surmonter. L’humour peut parfois désamorcer
la noirceur (les passagers du bus se protégeant de la puanteur de nos trois
clochards) mais le Tokyo que nous montre Satoshi Kon est loin des clichés
habituels avec cette traversée des bas-fonds, les conditions de vie insalubre d’exilés
sud-américains ou encore le spleen urbain que véhicule la cité pour qui a du
vague à l’âme comme cette mère suicidaire. Visuellement le réalisateur s'appuie sur cet entre-deux avec des personnages hyper expressif et aux réactions cartoonesque (aspect déjà présent mais sous un jour inquiétant et monstrueux dans Perfect Blue) contrebalancé par une réaliste et froide de Tokyo, Kon bénéficiant là de son plus gros budget et pouvant donner libre cours à son ambition.
Comme dans tout conte, tout est bien qui finit bien, nos
protagonistes ayant tous droit à un salut inespéré. Le miracle de noël a bien
eu lieu sous la férule inspirée de Satoshi Kon qui met en retrait certaines
obsessions (le clin d’œil cinéphile entre autre le film étant inspiré du Fils
du désert de John Ford) pour offrir une émotion sans artifice.
Sorti en dvd zone 2 français chez Sony
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire