Jack Carter, tueur à la solde du gang Fletcher de Londres, revient dans sa ville natale de Newcastle pour l'enterrement de son frère Frank. Carter soupçonne très vite que cet homme sans histoire a été assassiné. Glenda et Doreen, la maîtresse et la fille de Frank, de vieilles connaissances de Carter, ou Cyril Kinnear, le chef de la pègre locale, ont aussi leurs idées sur la question.
Get Carter est un
des polars les plus emblématiques des 70’s et témoin de cette courte période où
le cinéma anglais montrera un intérêt fort pour le genre avec des œuvres âpres
et réaliste comme Salaud et The Offence sorties au même moment. Un
élan qui sera coupé court pour un temps avec l’échec commercial et/ou l'accueil critique mitigé
mais avec le temps ils connaîtront une vraie reconnaissance, en
particulier ce Get Carter faisant
désormais office de film culte.
Le film est l’adaptation du roman noir Jack's Return Home
de Ted Lewis paru en 1970. Le
postulat évoque un pendant anglais du Point de non-retour (1967) de John
Boorman avec un héros vengeur, indestructible et entièrement voué à son
objectif. L’argument pécuniaire de Boorman est ici remplacé par une vengeance
fraternelle lorsque le tueur Jack Carter (Michael Caine) quitte Londres pour un
retour à son Newcastle natal afin retrouver les meurtriers de son frère dont la
mort apparait faussement accidentelle. Là aussi s’arrête la comparaison avec
Boorman puisque aux ambiances psychédéliques et à la menace indicible du Point
de non-retour s’oppose ici un froid réalisme. C’est un choix dû à la
présence de Mike Hodges à la réalisation, ce dernier signant son premier film
de fiction alors qu’il est issu du documentaire. C'est précisément cette veine
qu’attend de lui le producteur Michael Klinger qui l’impose à la MGM tout en
cédant au casting d’un Michael Caine inattendu dans un registre aussi sombre
(et qui sera finalement coproducteur) mais aussi Britt Ekland supposée apporter
un peu de glamour.
Ce réalisme se
traduit par la description crue de la très cinégénique ville de Newcastle
(Doncaster dans le roman de Ted Lewis) avec ses rues en pente, son architecture
sinistre et son cadre portuaire désertique, le tout sous un ciel grisâtre
accentuant ce sentiment de désolation. La dimension sociale du film naît de
cette esthétique et offre un contrepoint parfait au personnage glacial, brutal
et individualiste de Carter. Visage impassible, regard opaque et présence
hiératique, Michael Caine impose un personnage charismatique et intimidant. Le
changement de statut de l’acteur s’incarne à travers l’opposition que semble
constituer ce héros londonien seul contre tous dans ce cadre provincial. Caine
à ses débuts était plutôt associé aux classe populaires en vrai lads qu’il
était mais dès son premier grand rôle Zoulou (1964) on lui confiera plutôt
des personnages élégant, raffiné et/ou aristocratiques loin de ses origines
ouvrières. Cette opposition de la capitale contre la province, de la classe
aisée face au prolétariat et du nord contre le sud s’illustre ainsi par la
prestance de Caine déambulant en costume trois pièces bleu dans les bars
miteux, les arrières- cours crasseuses et les terrains vagues déserts. Sa
beauté et son élégance constitue une première opposition à cette description
naturaliste, en faisant un étranger par ce simple distinguo visuel avant que sa
droiture et détermination ne s’oppose à la corruption ambiante.
Après une première
partie où Carter jauge les forces en présence à travers la pègre locale, cette
opposition se traduit par une violence sèche et cruelle où notre héros va
remonter la piste des meurtriers au fil des indices. Hodges iconise superbement
la présence menaçante de Carter, ce dernier capable de lâcher un bon mot tout
en lançant un regard assassin ou avant de lâcher un coup de poing. De même il
impose une virilité toute puissante et typique des héros masculins de l’époque,
que ce soit durant cette séquence érotique par téléphone quand par sa seule
voix il fait se tortiller de plaisir Britt Ekland ou encore lorsqu’une étreinte
calmera d’office une logeuse revêche.
Peu à peu cette froideur rend le
personnage distant, tant chaque protagonistes, même ceux prêt à l’aider ne
semble pour lui que des pions servant sa vendetta. Semant la mort dans
directement ou indirectement avec une même indifférence, il ne semble guère se
démarquer de ceux qu’il affronte. Seulement les actes de ces derniers s’avéreront
si horribles (on parle ici de pornographie et d’abus sexuel sur mineur) que les
pires exactions de Carter finissent néanmoins par revêtir un héroïsme ambigu.
Entres les hommes d’affaires véreux, les manipulatrices uniquement motivée par
le gain et les pervers libidineux en tout genre Carter apparait comme un ange
de la mort salvateur. Les truands et autres hommes de main constituent une
sacrée galerie de trogne inquiétante dominé par Ian Hendry et John Osborne. Les
morceaux de bravoure tiennent parfaitement l’équilibre entre spectaculaire
retenu et nervosité plus réaliste par la mise en scène inventive de Mike
Hodges. La jubilation précède toujours le dégoût à chaque action de Carter.
Après avoir fait suivre deux adversaire, Carter observe ainsi sans émotion sa
voiture couler alors qu’il a enfermé une femme dans le coffre. Après avoir
défenestré un homme et s’être éloigné sans un regard, le point vue quitte
Carter pour s’attarder sur l'endroit de la chute du cadavre soit une voiture où se trouvaient
deux fillettes.
Cette idée culmine lors du final où après avoir accompli sa
vengeance Carter croise les balles d’un homme de main tout aussi impitoyable et
détaché que lui. Michael Caine sera parvenu à arracher une douloureuse
expression d’humanité dans la scène la plus insoutenable du film, mais cette
vulnérabilité loin de symboliser une rédemption possible de Carter trace au
contraire son point de non-retour sanglant dans le carnage final. Un grand
film, dur comme l’acier, froid comme la mort et dont Hodges ne tutoiera la noirceur que bien plus
tard avec Seule la mort peut m’arrêter (2003).
Sorti en dvd zone 2 français et bluray chez Warner
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