Le jeune lieutenant
Drogo est affecté à la défense d’une forteresse isolée d’une contrée désertique
montagneuse. La garnison est chargée de parer à l’éventuelle attaque des
terribles Tartares. C’est le temps qui va se révéler être le pire ennemi des
hommes du fort, minant leur vie dans une attente interminable sans que les
fabuleux Tartares se manifestent jamais...
Au sortir du succès de Le Professeur (1972) qui l’a remis en selle, Valerio Zurlini se voit proposer
par Jacques Perrin (acteur emblématique de ses premiers succès comme La Fille à la valise (1961) et Journal Intime (1962)) l’adaptation du
plus fameux roman de Dino Buzzati, Le
Désert des Tartares paru en 1940. Convaincu par le scénario d’André-Georges
Brunelin, Zurlini se lance donc dans la grande aventure de ce qui sera son plus
ambitieux et dernier, grande production internationale au casting hétéroclite
et prestigieux.
Peintre d’un romanesque où il se plu à illustrer les joies
et douleurs d’un premier amour dans ses œuvres les plus fameuses, Zurlini avait
amené cette veine romantique vers une tonalité plus résignée avec Le Professeur. Un état d’esprit qui se
prête bien à l’atmosphère désenchantée du Désert
des Tartares, avec un récit en contrepoint de toutes les promesses de son
postulat. Dépaysant et fantomatique, film d’aventures sans action et statique,
film de guerre sans combat, Le Désert des Tartares est un grand film sur l’ennui
dont les émotions ne vibrent qu’au rythme atrophié des attentes déçues de ses
personnages.
Le jeune lieutenant Drogo (Jacques Perrin) est affecté à la
défense d’une forteresse isolée de l’Empire (le lieu, la période et l’empire
régnant resteront flous durant tout le film) menacée par les Tartares dans une
région montagneuse et désertique. Rêvant d’exploits et d’aventures, Drogo va
rapidement déchanter, sentiment annoncé d’emblée par le regard admiratif que
lui lance tous les officiers rencontrés et amusés par son enthousiasme. Dès la
première séquence en plein désert, la photo de Luciano Tovoli fait dans l’anti Lawrence d’Arabie (1962), faisant de ces
terres ensablées un mausolée exprimant plus la désolation que l’appel de l’aventure.
Les officiers sont des momies à l’attitude résignée tel Filimore (Vittorio
Gassman), commandant de la forteresse à la présence quasi spectrale tant il
semble extérieur aux évènements de ces lieux dont il a la responsabilité. Tous
semblent en fait usés et finalement éteint par l’attente d’un ennemi qui ne se
sera jamais manifesté, ces Tartares invisibles. Le souvenir de leur possible
présence est entouré d’une aura quasi mythologique qui aura presque fait perdre
la raison à certains comme Ortiz (Max Von Sydow) finissant par progressivement
croire qu’il a rêvé les apercevoir.
Le récit dépeint ainsi de quelle façon peu à peu cette
torpeur finit par gagner un Drogo à son tour rongé par le dépit et l’ennui. L’expérience
du combat rode le soldat à l’imprévu, le met sur le qui-vive et affute ses
capacités. Ces sentiments d’urgences, de danger et d’adrénaline sont inconnus
pour nos personnages qui face à une situation inattendue appliqueront
machinalement le règlement quitte à abattre l’un des leurs qui aura daigné
prendre un risque.
Les rares moments d’exaltation s’avéreront terriblement vain, une partie de chasse faisant office d’exercice et l’ascension d’un mont enneigé faisant figure de suicide masqué pour le fragile Amerling (Laurent Terzieff). L’entité de l’armée semble être un prolongement de cet immobilisme au-delà même des murs de la forteresse, condamnant ses hôtes à l’attente éternelle sans espoir d’échappatoire. Seul les plus éteint auront droit au départ, l’extérieur n’ayant plus aucun attrait après avoir gâché leurs meilleures années dans cette geôle à ciel ouvert.
Les rares moments d’exaltation s’avéreront terriblement vain, une partie de chasse faisant office d’exercice et l’ascension d’un mont enneigé faisant figure de suicide masqué pour le fragile Amerling (Laurent Terzieff). L’entité de l’armée semble être un prolongement de cet immobilisme au-delà même des murs de la forteresse, condamnant ses hôtes à l’attente éternelle sans espoir d’échappatoire. Seul les plus éteint auront droit au départ, l’extérieur n’ayant plus aucun attrait après avoir gâché leurs meilleures années dans cette geôle à ciel ouvert.
Pour les autres, l’attente sera devenue une addiction, un
espoir fou que l’on guette autant que l’on redoute. La folie latente se
manifeste ainsi par la vision incertaine de cet ennemi à l’horizon réelle ou
rêvée. Jacques Perrin offre une prestation incroyablement habitée, vieillissant
et se désagrégeant sous nos yeux par la seule force du désespoir. Et lorsque
cette longue attente sera enfin comblée, le feu sera éteint depuis trop
longtemps. Drogo se raccroche vainement à ce défi qu’il n’est plus en mesure de
relever, Zurlini réveillant subtilement des sentiments vils entre les soldats
qui auront su partager leur dépit mais pas la possible gloire qui se profile (Simeon
(Helmut Griem) jubilant presque d’évincer un Drogo amoindri).
Le plus important aura donc été d’accepter ce vide sans fin,
le film exprimant avec une puissance rare la quête existentielle du livre.
Zurlini aura su rendre cela par la seule image, par la grâce de sa mise en
scène, par la force évocatrice de son décor (la cité antique de Bam en Iran
malheureusement détruite par un tremblement de terre en 2003, le film étant un
ultime témoignage de sa splendeur) et la musique envoutante d’Ennio Morricone.
Dans une ultime séquence magnifique, les ennemis tartares apparaissent enfin au
loin telles des ombres irréelles et ne sont qu’un bruit de cavalcades incertain
pour un Drogo qui n’apercevra jamais cet adversaire qu’il a tant attendu et
espéré.
Sorti en dvd zone 2 français et bluray chez Pathé
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire