C'est à la tombée du
jour que Jungle Julia, la DJ la plus sexy d'Austin, peut enfin se détendre avec
ses meilleures copines, Shanna et Arlene. Le trio attire les regards dans tous les bars et
dancings du Texas. C'est ainsi que Mike, cascadeur au visage balafré et
inquiétant, est sur leurs traces, tapi dans sa voiture indestructible. Tandis
que Julia et ses copines sirotent leurs bières, Mike fait vrombir le moteur de
son bolide menaçant...
Le côté cinéphile référentiel des dialogues et des
situations, les clins d’œil à la pop culture, tout cela était présent à des
degrés divers dès les premiers films de Quentin Tarantino. La relecture du film
hongkongais City on fire de Ringo Lam
et les envolées sur le Like a Virgin
de Madonna dans Reservoir Dogs (1992),
les références à la littérature pulp dans Pulp
Fiction (1994) et l’hommage à la Blaxploitation de Jackie Brown (1998) étaient des témoignages de la culture du
réalisateur et témoignaient de sa capacité ludique à les insérer dans des
intrigues se suffisant cependant à elles-mêmes.
Cette dimension méta allait réellement devenir le moteur
de son cinéma avec le diptyque Kill Bill
(2003-2004). Dans le premier volet, Tarantino signait un chef d’œuvre pop
truffé d’emprunts au cinéma d’exploitation qu’il adore, allant des films de la
Shaw Brothers au chambarra sanglant de Meiko Kaji comme Lady Snowblood et abordait enfin son thème fétiche de la vengeance.
La deuxième partie sans se délester totalement de cette idée constituait
pourtant une sorte de retour au réel, la vengeance étant plus difficile à se
dessiner, que ce soit par la douleur physique (Uma Thurman n’étant plus la
walkyrie indestructible du Volume 1)
ou le dilemme moral à travers les liens complexe liant La Mariée à Bill. Kill Bill Volume 1 (2003) représentait
en quelque sorte le monde de tous les possibles du cinéma tandis que Kill Bill Volume 2 (2004) nous ramenait
sur terre, la coquille vide jouissive était contredite par un réel plus
profond. Une idée pas si surprenante quand on se souvient des éclats de Pulp Fiction suivi de l’atmosphère
intimiste de Jackie Brown.
Death Proof, pris
à tort pour une récréation moins ambitieuse représente un jalon majeur de son œuvre
puisque célébrant définitivement le triomphe de la fiction et qui nous mènera
vers l’uchronie cinéphile du génial Inglorious Basterds (2009). Le projet est au départ une célébration de la série dans
un double-programme comprenant deux sketches, Planet Terror (2007) de Robert Rodriguez et donc Death Proof. Le tout est entrecoupé de
fausses-bandes annonces, d’imperfections (passage de la couleur au noir et
blanc, pellicule rayée, bobine manquante) tentant de reproduire les projections
chaotiques des série B d’antan.
Le tout sortira sous cette forme dans un film
de trois heures et sera un échec retentissant. Pour rattraper le désastre
financier, les réalisateurs et leurs producteurs décident de ressortir les
films séparément et dans des versions longues constituant des long-métrages
indépendant. Si Planet Terror est un
divertissement déjanté et amusant (et un des rares rayons de soleil de la
filmographie sinistrée de Robert Rodriguez), Boulevard de la mort est d’un tout autre calibre, décevant pour les
fans obtus du genre (qui seront tout aussi décontenancé devant Inglorious Basterds bien plus que le
film de commando bourrin attendu) et jubilatoire pour le cinéphile et friand du
réalisateur qui signe là son film le plus tarantinesque.
Les jeunes femmes, rigolardes attachantes et
naturelles s’inscrivent dans le monde réel, Tarantino montrant sobrement leur
vulnérabilité sous leurs airs turbulents (Jungle Julia envoyant un texto à un
flirt qui ne viendra pas, Butterfly attirée sans se l’avouer par le charme
viril et inquiétant de Stuntman Mike). Stuntman Mike est l’élément perturbateur
qui s’immisce dans ce réel, pure figure de cinéma décalée (le moment où il
déroule son cv de cascadeur à une audience ignorant tous des productions
auxquelles il fait référence) mais monstre omniscient et indestructible qui
déroulera un programme meurtrier parfaitement huilé. Tarantino souligne cela
par une complicité inconfortable avec le spectateur qui connaît par cœur le
programme du slasher, Stuntman Mike
adressant un grand sourire satisfait face caméra avant d’aller trucider les
jeunes filles dans une scène de collision stupéfiante, montant en puissance et explosant
comme un orgasme.
La deuxième partie semble dérouler le même programme,
Stuntman Mike ayant désormais pour cible un autre groupe de filles composé de
Kim (Tracie Thoms), Zoé (la cascadeuse Zoë Bell dans son propre rôle), Abernathy
(Rosario Dawson) et Lee (Mary Elizabeth Winstead). La caractérisation de
personnages semble suivre le même moule décontracté mais avec une différence
majeure : toutes ces filles évoluent dans le milieu du cinéma. Les
conversations futiles sur les hommes sont bien là mais avec un détachement
amusé que le premier groupe n’avait pas (Kim se vantant fièrement de se balader
avec une arme, Abernathy moquée par ses amis d’être trop timorée niveau sexe) et
surtout l’aspect référentiel surgit par la culture de ces jeunes filles. Fans de
voiture et admiratrices des grands road movie motorisés des 70’s ouvertement
cités (Point Limite Zéro (1971), Larry le dingue Mary la garce (1974) elles
sont justement en route pour essayer la légendaire Dodge Challenger blanche de Point Limite Zéro qu’un quidam local
vend.
Leurs côté casse-cou se manifestera le temps la préparation et la mise en
œuvre d’une cascade pour le fun, et c’est précisément là que surgira Stuntman
Mike pour les terroriser. Notre meurtrier a cette fois trouver à qui parler,
nos héroïnes n’étant de simples victimes mais également des PERSONNAGES de
cinéma qui montreront une toute autre résistance (au point de ne pas craindre de laisser la copine pom pom girl seule en compagnie d'un redneck concupiscent). On frissonne d’abord le temps
d’une périlleuse course poursuite où elles subissent les coups de boutoir de
Stuntman Mike avant de jubiler comme jamais devant la revanche dévastatrice de
ces femmes.
Les tunnels de dialogues de Tarantino ne sont là que pour rendre le surgissement de l’action plus jouissif encore (le final de Kill Bill Volume 1 est resté dans toutes les mémoires) et sa mise en scène virtuose nous offre une cavalcade frénétique et palpitante. Cet allergique aux effets numériques lâche donc un morceau de bravoure « à l’ancienne » tout en vrai dérapages, crissement de pneus et cascades nerveuses où chasseur et proie s’inverse pour notre plus grand plaisir.
Les tunnels de dialogues de Tarantino ne sont là que pour rendre le surgissement de l’action plus jouissif encore (le final de Kill Bill Volume 1 est resté dans toutes les mémoires) et sa mise en scène virtuose nous offre une cavalcade frénétique et palpitante. Cet allergique aux effets numériques lâche donc un morceau de bravoure « à l’ancienne » tout en vrai dérapages, crissement de pneus et cascades nerveuses où chasseur et proie s’inverse pour notre plus grand plaisir.
Stuntman Mike est ramené au réel d’un coup de feu
bien senti et perd de sa superbe en pleurnichant de douleur (Kurt Russell est
aussi génial pour se rendre intimidant que ridicule) tandis que le groupe de
filles se fait plus féroce que jamais, jurant et riant aux éclats. La
conclusion met en scène une véritable raclée de cinéma, stylisée et outrancière
où Stuntman Mike mord la poussière sous les assauts girl power.
Le manifeste est la fois cinéphile et féministe, célébrant le triomphe d’un monde imaginaire et tarantinesque (les références à son univers son multiples pour les plus attentifs avec l’apparition de Michael Parks pour le même personnage qu’Une nuit en enfer (1995) pour la plus voyante). Dans sa totale croyance en le pouvoir du cinéma et après donné son compte aux tueurs machos, Tarantino était prêt à défier la grande Histoire dans son chef d’œuvre Inglorious Basterds.
Sorti en dvd zone 2 français chez TF1 vidéo
Le manifeste est la fois cinéphile et féministe, célébrant le triomphe d’un monde imaginaire et tarantinesque (les références à son univers son multiples pour les plus attentifs avec l’apparition de Michael Parks pour le même personnage qu’Une nuit en enfer (1995) pour la plus voyante). Dans sa totale croyance en le pouvoir du cinéma et après donné son compte aux tueurs machos, Tarantino était prêt à défier la grande Histoire dans son chef d’œuvre Inglorious Basterds.
Sorti en dvd zone 2 français chez TF1 vidéo
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire