Un embouteillage
bloque sur une autoroute romaine des gens venus de tous les horizons, véritable
microcosme de la société. Au cours de l'insupportable attente se déchainent les
passions et les haines...
Le Grand embouteillage
s’inscrit dans une tendance générale où, en cette fin des années 70, la comédie
italienne et ses grands auteurs (Dino Risi, Mario Monicelli, Ettore Scola…)
tendent vers une tonalité plus sombre, désenchantée voire nihiliste quant à
leur vision la société italienne et la nature humaine au sens large. Luigi
Comencini s’inscrit donc dans ce mouvement, même si finalement Le Grand
embouteillage est l’aboutissement extrême d’un constat désabusé qu’il a dans
nombre de ces films des années 70. L’Argent de la vieille (1972), Mon dieu,comment suis-je tombée si bas ? (1974), La Femme du dimanche (1975) ou encore Un vrai crime d’amour (1974) dessinent un Italie (contemporaine ou
passée) rongée par l’idéologie, le consumérisme et l’individualisme (sans
distinction de classe) qui éloignent les individus et mène la société vers une
impasse où Comencini se montre même visionnaire avec l’écologie abordée en filigrane
dans Un vrai crime d’amour.
Le Grand embouteillage
réduit donc à l’essentiel la trame et le cadre d’un récit choral où il s’agit d’observer
l’humain dans c qu’il a de plus vil. La nature même de cet environnement relève
d’une absurdité bien moderne puisque cet embouteillage monstrueux résulte de
deux projets industriels inaboutis, un lotissement immobilier pas construit qui
laisse un sinistre no man’s land et une autoroute pas terminée qui explique l’engorgement
insensé que nous observons. Comencini fait montre d’un brio narratif
époustouflant pour nous promener d’un protagoniste à l’autre, de caractériser
un personnage ou un groupe en quelques vignettes et parfois sans dialogues,
semant des graines où un élément cocasse aboutira à l’horreur plus tard (le
petit groupe de voyeurs qui s’avéreront abjects…).
Le ton est d’abord celui d’une
comédie italienne classique avec cette grinçante études de caractères où
justement s’expriment les maux évoqués plus haut avec ce père napolitain
honteux de sa fille enceinte qu’il souhaite voir avorter, ce patron cynique et
méprisant collant une ambulance pour doubler la file de voiture. Les
personnages sont soit d’une malveillance ordinaire, soit plus purs mais
condamnés par le cynisme, la volonté de possession de leur congénère ou tout
simplement le conditionnement capitaliste auxquels ils sont condamnés à céder.
Le malheureux ouvrier transporté en ambulance pense ainsi plus à l’indemnité qu’il
touchera qu’au retard pris qui retarde (fatalement au final) son arrivée à l’hôpital.
L’innocence et la jovialité ordinaire sont balayées avec ce mari (Gérard
Depardieu) se découvrant trompé, et surtout cette jeune musicienne à la beauté
innocente violée.
L’arrivée de la nuit signe l’éveil des bas-instincts les
plus vils, la chronique amusée basculant dans le vrai cauchemar pour se
conclure sur la gueule de bois du matin. Le casting prestigieux (justifiée par
la coproduction) se mêle parfaitement aux anonyme et exprime des éléments
parlants comme l’anxiété avec Patrick Dewaere, l’absence de communication dans
le couple Annie Girardot (seule actrice française à jouer en italien, les
autres sont postsynchronisés)/Fernando Rey.
Le seul sortant du lot car jouant
quasiment son propre rôle est Marcello Mastroianni, dans un des segments les
plus cinglants illustrant à la fois la désinvolture des puissants (Mastroianni
prêt à séduire la femme (Stefania Sandrelli) de l’homme qui l’héberge) et la
déshumanisation des pauvres (cette même femme étant jetée en pâture par son
époux dans l’espérance d’un poste). La durée invraisemblable du bouchon éloigne
le film de toute notion de réalisme, l’embouteillage et ses multiples faux
départs symbolisant l’impasse dans laquelle se situe une humanité engoncée dans
ses travers, impuissante face à ses démons.
Sorti en dvd zone 2 français chez Carlotta
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