Un maître d'arme qui
vit reclus croise la route de deux jeunes épéistes que les intentions opposent
: ravir l’épée ou défier le maître pour la gloire.
L’une des manières pour les chantres de la Nouvelle Vague
hongkongaise de faire leur révolution, c’est notamment en malmenant des genres
emblématiques du cinéma local. En 1979 Tsui Hark signe ainsi son premier film Butterfly Murders qui s’avère totalement
atypique dans son traitement du wu xia pian (film de sabre chinois). Un an plus
tard pour son galop d’essai The Sword
Patrick Tam va à son tour offrir une vision singulière du genre. Le postulat
est un pur archétype du wu xia pian, et notamment des adaptations à succès de
Gu Long réalisée par Chu Yuan (La Guerre des Clans (1976), Le Complot de clans
(1977), Le Sabre Infernal (1976)). Le
jeune sabreur Li Mak-yin (Adam Cheng) en vue de tester ses aptitudes recherche
le maître d’arts martiaux reclus Ching Ti-yi (Eddy Ko) tandis que le
collectionneur d’épées Lin Wan (Norman Chu) manipule et observe les évènements
à distance afin de s’approprier une arme maudite. Chu Yuan traitait ce type d’intrigue
sous forme de récit feuilletonesque à tiroir où au bout de l’aventure était
questionnée cette vaine quête de puissance dans le monde des arts martiaux.
Patrick Tam pour une même réflexion aura un traitement très
différent. Comme dans chacun de ses meilleurs films, les personnages sont en
quête d’un ailleurs qui s’incarne dans un prétexte, un palliatif qui peut être
l’hédonisme dans Nomad (1982) ou le
gangstérisme avec My heart is that eternal rose (1989). Chaque tentative de sortir de cette impasse enfonce un
peu plus les protagonistes malgré leur effort. Dès lors le réalisateur instaure
une atmosphère suspendue où chaque joute martiale repose sur une notion de
culpabilité et de renoncement. Li Mak-yin a ainsi renoncé à sa bien-aimée Yin
Siu-yu (Qiqi Chen) désormais mariée à Lin Wan, et c’est nourri de ce regret
lorsqu’il recroise sa route qu’il va défier le vieux maître d’art martiaux
reclus.
Petit Galet (Jade Hsu), la fille de ce dernier traversera également
cette idée de culpabilité et de renoncement, aveuglée par la vengeance (et une
forme de jalousie amoureuse) puis comprenant trop tardivement son erreur. Ching
Ti-yi et et Lin Wan représente les deux pôles opposés de ces sentiments à
travers la figure de l’épée maudite, la culpabilité de cette arme funeste rattrapant
le premier tandis que la volonté de possession du second accélère sa perte d’humanité.
Le doyen a compris la vacuité de cette course à la puissance, que ces cadets ne
constateront lors du dernier affrontement qui les laisse hagards, ensanglantés
et le regard interrogatif quant aux raisons qui les ont menés à ce moment.
La bande-son de Joseph Koo accentue cette mélancolie et ce
ressenti d’errance, striés par de saisissantes scènes de combat. Patrick Tam
paie son tribut au chambarra japonais en privilégiant les cadrages dynamiques
et les environnements réalistes, autant pour se détacher de la tradition de
filmage studio de la Shaw Brothers que pour imposer un style dynamique où les
chorégraphies de Ching-Siu-tung sont dynamisée par la caméra à l’épaule et un
montage heurté qui autorise les idées les plus folles (il est très fortement
recommandé de se passer l’ultime passe d’arme au ralenti pour apprécier tous
les détails invisibles au premier coup d’œil).
Patrick Tam aura déroulé un
rythme lent, teinté de spleen existentiel où les duels sont les manifestations
d’un mal-être qu’ils ne sauront jamais apaiser. La catharsis violent et vain
annoncent une fois de plus ceux de Nomad,
My heart is a eternal rose ou encore Burning Snow (1988). Et il faut attendre
la dernière scène pour retrouver le leitmotiv du personnage face à la mer et en
attente de quelque chose. C’est dans cet horizon que sera jetée l’épée maudite
pour, enfin, trouver un sens nouveau à l’existence. Une belle réussite toute en
fascinante épure.
Sorti en dvd zone 2 français chez HK Vidéo
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