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dimanche 8 mars 2020

The Sword - Ming jian, Patrick Tam (1980)



Un maître d'arme qui vit reclus croise la route de deux jeunes épéistes que les intentions opposent : ravir l’épée ou défier le maître pour la gloire.

L’une des manières pour les chantres de la Nouvelle Vague hongkongaise de faire leur révolution, c’est notamment en malmenant des genres emblématiques du cinéma local. En 1979 Tsui Hark signe ainsi son premier film Butterfly Murders qui s’avère totalement atypique dans son traitement du wu xia pian (film de sabre chinois). Un an plus tard pour son galop d’essai The Sword Patrick Tam va à son tour offrir une vision singulière du genre. Le postulat est un pur archétype du wu xia pian, et notamment des adaptations à succès de Gu Long réalisée par Chu Yuan (La Guerre des Clans (1976), Le Complot de clans (1977), Le Sabre Infernal (1976)). Le jeune sabreur Li Mak-yin (Adam Cheng) en vue de tester ses aptitudes recherche le maître d’arts martiaux reclus Ching Ti-yi (Eddy Ko) tandis que le collectionneur d’épées Lin Wan (Norman Chu) manipule et observe les évènements à distance afin de s’approprier une arme maudite. Chu Yuan traitait ce type d’intrigue sous forme de récit feuilletonesque à tiroir où au bout de l’aventure était questionnée cette vaine quête de puissance dans le monde des arts martiaux. 

Patrick Tam pour une même réflexion aura un traitement très différent. Comme dans chacun de ses meilleurs films, les personnages sont en quête d’un ailleurs qui s’incarne dans un prétexte, un palliatif qui peut être l’hédonisme dans Nomad (1982) ou le gangstérisme avec My heart is that eternal rose (1989). Chaque tentative de sortir de cette impasse enfonce un peu plus les protagonistes malgré leur effort. Dès lors le réalisateur instaure une atmosphère suspendue où chaque joute martiale repose sur une notion de culpabilité et de renoncement. Li Mak-yin a ainsi renoncé à sa bien-aimée Yin Siu-yu (Qiqi Chen) désormais mariée à Lin Wan, et c’est nourri de ce regret lorsqu’il recroise sa route qu’il va défier le vieux maître d’art martiaux reclus. 

Petit Galet (Jade Hsu), la fille de ce dernier traversera également cette idée de culpabilité et de renoncement, aveuglée par la vengeance (et une forme de jalousie amoureuse) puis comprenant trop tardivement son erreur. Ching Ti-yi et et Lin Wan représente les deux pôles opposés de ces sentiments à travers la figure de l’épée maudite, la culpabilité de cette arme funeste rattrapant le premier tandis que la volonté de possession du second accélère sa perte d’humanité. Le doyen a compris la vacuité de cette course à la puissance, que ces cadets ne constateront lors du dernier affrontement qui les laisse hagards, ensanglantés et le regard interrogatif quant aux raisons qui les ont menés à ce moment. 

 La bande-son de Joseph Koo accentue cette mélancolie et ce ressenti d’errance, striés par de saisissantes scènes de combat. Patrick Tam paie son tribut au chambarra japonais en privilégiant les cadrages dynamiques et les environnements réalistes, autant pour se détacher de la tradition de filmage studio de la Shaw Brothers que pour imposer un style dynamique où les chorégraphies de Ching-Siu-tung sont dynamisée par la caméra à l’épaule et un montage heurté qui autorise les idées les plus folles (il est très fortement recommandé de se passer l’ultime passe d’arme au ralenti pour apprécier tous les détails invisibles au premier coup d’œil). 

Patrick Tam aura déroulé un rythme lent, teinté de spleen existentiel où les duels sont les manifestations d’un mal-être qu’ils ne sauront jamais apaiser. La catharsis violent et vain annoncent une fois de plus ceux de Nomad, My heart is a eternal rose ou encore Burning Snow (1988). Et il faut attendre la dernière scène pour retrouver le leitmotiv du personnage face à la mer et en attente de quelque chose. C’est dans cet horizon que sera jetée l’épée maudite pour, enfin, trouver un sens nouveau à l’existence. Une belle réussite toute en fascinante épure. 

 Sorti en dvd zone 2 français chez HK Vidéo

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