A Vienne au début de
la Première Guerre mondiale, Marie, une jeune femme qui a perdu son mari sur
les champs de bataille, doit se prostituer pour survivre. Remarqué par le chef
des services secrets austro-hongrois, elle est engagée pour servir son pays, en
usant de ses charmes pour débusquer les espions adverses et obtenir des
informations stratégiques. Parmi ses cibles, un officier russe avec lequel elle
va entretenir une relation ambigüe.
Agent X27 est le
troisième film de la mythique collaboration entre Marlène Dietrich et Josef von
Sternberg. L’Ange bleu (1930) tourné
en Allemagne au sein de la UFA fut le film de la révélation dans une œuvre dont
la star était cependant Emil Jannings. Cœurs
Brûlés (1930) introduisait Marlène Dietrich au sein du cinéma hollywoodien
mais là encore il s’agissait avant tout d’un véhicule pour sa vedette masculine
Gary Cooper. Agent X27 est donc la
production qui va réellement poser les fondations du mythe Dietrich, au centre
du premier contrat de trois films signés par l’actrice et Josef von Sternberg
au sein de la Paramount. Le scénario est une évocation très romancée du destin
de Mata Hari, espionne et séductrice à l’aura aussi sulfureuse que mythique
ayant notamment exercé durant la Première Guerre Mondiale.
Le goût de l’exotisme et du rococo cher à Sternberg se
prêtait bien à l’image de courtisane et aux talents de danseuse prêtés à Mata
Hari. Le début du film surprend ainsi avec une stylisation au service du
morbide ou s’entremêle l’érotisme (cette première image où Marie remonte ses
bas) et la mort avec cette foule amoncelée devant un bâtiment où une prostituée
vient de trouver la mort. C’est presque une forme de prophétie pour Marie
(Marlène Dietrich) dont la séduction sèmera la mort, directement à ses victimes
dupées ou indirectement (les inserts sur les scènes de guerre) suite aux
informations qu’elle aura soutiré et transmise. Le récit apparaît ainsi comme
une parenthèse où ce commerce de ses charmes peut avoir une valeur pour la
nation (c’est un sursaut patriotique qui déclenche son recrutement par les
services secrets) ou faire office de rédemption pour elle-même.
Ainsi le ton du film surprend avec cette amertume ressentie
lors de certaines prouesse de Marie, comme lorsqu’elle démasque le traitre général
von Hindau (Warner Oland).
Tout le côté badin et érotique qui précède dissimule
de faux-semblants dans l’attitude, dans les objets à l’usage inattendu (cette
cigarette contenant des informations). Le côté charnel est factice, et du moins
s’il ne l’est pas il se doit d’être interrompu par le devoir de la nation. Cette
facette sera nettement plus floue dans le duel que se livreront Marie et le
lieutenant Kranau (Victor McLaglen étonnant dans ce registre séducteur). Ils
défendent certes les intérêts de leur pays, mais leur affrontement représente
un jeu de séduction ludique qui sous l’ironie (excellente apparition impromptue
de Kranau dans la chambre de Marie) les humanise grandement. Le film bascule
ainsi dans le serial d’espionnage aux atmosphères très différentes et où
Marlène Dietrich fait véritablement office de caméléon. Entre la grâce
sautillante de la scène de bal masqué et celle où elle est une femme de ménage
dans une auberge logeant l’ennemi russe, il faut presque un temps pour la
reconnaître, l’élégance mutine succédant au charme plus cru et agressif (et
sans maquillage).
Les sentiments se devinent dans le refus d’en finir
définitivement avec l’autre, le triomphe de l’un ou l’une appelant à des
retrouvailles pour une revanche. Le travail formel de von Sternberg vise à
façonner un cocon qui laisse exister cet entre-deux, notamment par l’onirisme
qu’apportent les longs fondus enchaînés souvent vecteur de souvenirs où se mêle
danger et plaisir (le chat bien évidemment). Seulement les enjeux de leur temps
vont rattraper les personnages et la mort devra bien céder à l’un ou l’autre,
dans la grande tradition des couples masochistes du cycle Dietrich/von
Sternberg comme Shanghai Express
(1932). C’est là le grand dessein de Marie, qui choisira de sauver son
partenaire de jeu plutôt qu’une nation qui l’utilise et n’a jamais plus en elle
que la prostituée qu’ils ont recrutée. L’écho entre le premier et le dernier
geste du personnage au début puis à la fin du film, lorsqu’elle rajuste son
bas, témoigne de cette conscience et affirme son individualité.
Sorti en bluray et dvd zone 2 français chez Elephant Films
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