Un
jeune homme erre dans
une librairie du quartier Shinjuku à Tokyo et y vole des livres. Il se fait
prendre par une jeune fille qui se présente comme employée et qui l’amène chez
le directeur de la librairie. Le lendemain, elle reprend le voleur la main dans
le sac. Ensemble, ils vont effectuer une sorte de quête de l’extase sexuelle
qui va les conduire tantôt chez un psychologue spécialisé, tantôt au milieu
d’une troupe de théâtre de rue...
Journal d’un voleur de
Shinjuku est une œuvre témoignant d’une révolution sociale et politique en
marche et universelle pour Nagisa Oshima. Les différentes ruades de ses œuvres précédents
se voulaient centrées sur la société japonaise mais la donne change quelque peu
avec le traitement expérimental de Journal
d’un voleur de Shinjuku. Au cours de cette année 1968, Oshima a
effectivement voyagé à travers le monde pour présenter La Pendaison et observer l’insurrection comme un phénomène global,
avec en point d’orgue un Festival de Cannes mouvementé puis annulé. Le
réalisateur souhaite donc dans ce nouveau film capturer les pulsations de ce
phénomène mondial par le prisme du Japon, et plus précisément au centre de
cette contre-culture dans le quartier de Shinjuku.
Malgré ce parti-pris, Journal
d’un voleur de Shinjuku est paradoxalement moins politisé que certaines œuvres
plus virulentes d’Oshima qui ont précédées. Plutôt qu’un message politique, c’est
un climat d’agitation que le réalisateur cherche à saisir à travers ses deux
personnages principaux. Un jeune garçon (Tadanori Yokoo) ne trouve de plaisir
sexuel que dans l’adrénaline qu’il ressent quand il vole des livres au sein d’une
librairie du quartier. Il est pris la main dans le sac par Umeko (Rie Yokoyama),
supposée employée de l’établissement qui le dénonce au patron. Ce dernier
décèle la connexion entre eux et les invite à se rapprocher, ce qui conduira à
une quête commune de l’extase sexuelle.
C’est le prétexte pour Oshima à des
expérimentations formelles diverses, que ce soit dans la texture avec le
passage du noir et blanc à la couleur, dans le ton avec ce filmage façon
reportage où le couple assiste à une discussion de salon sur le plaisir sexuel
où les intervenants sont Kei Sato, Rokko Toura ou Fumio Watanabe soit le
casting de La Pendaison. Cette extase
charnelle se recherche dans la mise en scène des fantasmes (cette auberge qui
simule les averses pour accélérer le rapprochement des amants) ou les
expériences extrêmes quand Umeko subira un viol.
L’arrière-plan culture et politique traduit de façon
sociétal le tumulte intime qui agite les personnages. Tout au long du récit on
a ainsi une sorte d’horloge mondiale en insert qui exprime la fièvre
révolutionnaire tandis que pour les protagonistes ce bouillonnement passe par
les références littéraires. Une scène est emblématique de cela lorsqu’Umeko
arpente de nuit les rayons de la librairie et que la bande-son est inondée des
passages des livres et auteurs dont elle s’empare comme Henry Miller, Simone
Weil ou bien évidemment Jean Genet puisque le titre du film est une référence à
son Journal d’un voleur. Tout cela
constituera néanmoins une impasse pour le couple qui ne trouvera sa résolution
que dans la théâtralité. C’est là que fonctionne l’artifice à son zénith par
son inventivité et son immédiateté, à l’image des happenings urbain improbables
d’un groupe d’acteurs qui inscrit qui inscrit cette agitation au cœur du réel.
Si tout cela est passionnant sur le fond et intrigant sur la
forme, il faut bien reconnaître que ce patchwork peut aussi paraître abscons
et plutôt difficile d’accès. Un vrai objet singulier emblématique de son
époque, mais clairement pas la meilleure porte d’entrée au cinéma de Nagisa
Oshima.
Sorti en bluray et dvd zone 2 français chez Carlotta
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