James Bond est chargé
d'enquêter sur la mort très suspecte de l'agent 009. Pourquoi avait-il donc cet
inestimable œuf Fabergé dans la main ? 007 assiste à la mise aux enchères de
l’œuf, le richissime Kamal Khan en fait l'acquisition. Ce prince indien exilé
semble nourrir de secrètes accointances avec le général soviétique renégat
Orlov. Mais quel lien y a-t-il entre l’œuf, les complots du tandem russo-indien
et la désirable, bien que mystérieuse, Octopussy ?
Rien que pour vos yeux
(1981) avait été le Bond du retour sur terre après les extravagances spatiales
de Moonraker (1979). Seulement cet
épisode plus sobre (pour du James Bond s’entend) semblait finalement peu adapté
à la personnalité espiègle du Bond incarné par Roger Moore. La même année que Rien que pour vos yeux sortait en salle Les Aventuriers de l’Arche perdue de
Steven Spielberg, grosse sensation du cinéma de divertissement qui par son
exotisme et son action échevelée qui donnait un petit coup de vieux à la
franchise James Bond. Octopussy
devait donc faire retrouver un certain panache à la saga sur ce terrain de l’entertainment
tout en trouvant le juste équilibre entre démesure et rigueur narrative oubliée
depuis L’Espion qui m’aimait (1977).A la
même période le producteur Kevin McClory codétenteur des droits de Opération Tonnerre (1965) parvient à en
monter le remake, Jamais plus jamais
(1983) qui sortira donc en concurrence directe du Bond officiel et qui fait
même revenir Sean Connery. Ces enjeux multiples incitent Cubby Broccoli à faire
revenir un Roger Moore un temps sur le départ (l’acteur américain James Brolin
fit même un bout d’essai prometteur) pour avoir un nouveau film avec tous les
atouts de son côté.
Le scénario d’Octopussy
résout l’équation schizophrène de Moonraker
et Rien que pour vos yeux, en
combinant fantaisie et contexte de Guerre Froide dans un tout harmonieux à
travers les deux environnements du film. D’un côté l’on se trouve dans une Inde
luxuriante et bariolée où Bond remonte la piste de contrebandier d’œuf Fabergé,
et de l’autre la grisaille de l’Allemagne de l’est où un général russe veut
déclencher une catastrophe nucléaire. En Inde John Glen joue donc la carte du
dépaysement et du mystère dans la formule Bond. On est presque dans le conte
sur certaines atmosphères (Magda (Kristina Wayborn) qui quitte la chambre de
Bond en déployant son sari à sa fenêtre), dans l’aura de magnificence que
dégagent vues des palais indiens. L’action et les antagonistes participent à
cette dichotomie, le suave et retors Kamal Khan (Louis Jourdan) et l’insaisissable
Octopussy (Maud Adams pour son deuxième
rôle majeur dans un Bond après L’Homme au pistolet d’or (1974)) s’inscrivant dans l’irréalité des environnements
traversés. Dès lors John Glen convoque l’inconscient mythologique (et tout de
même un peu colonial anglais) indien rehaussé de la modernité bondienne avec
une scène de safari dont Bond est le gibier et qui lorgne sur l’imagerie des
productions Alexander Korda (tous le bestiaire du Livre de la Jungle y passe). Tout cela fonctionne grâce à une
outrance qui se fond dans l’action (la course de taxi trépidante) même si les
fautes de goût d’antan peuvent ressurgir tel ce cri de Tarzan entamé par Bond
fuyant de lianes en lianes.
Le monde du cirque fait le lien avec la trame européenne et
la photo Alan Hume traduit avec le même brio la facticité assumée de la partie
indienne que le réalisme froid de Berlin est. John Barry de retour à la bande
originale réussit le même exploit avec l’alternance de thèmes plus rêveurs et
romantiques avec d’autres plus entêtant et martiaux. On savoure le suspense au
cordeau avec un Roger Moore impliqué qui convainc particulièrement lorsqu’il en
finit avec les jumeaux lanceurs de couteau. Là où la retenue de Louis Jourdan
contrebalançait l’excès du cadre indien, la folie larvée du Général Orlov (Steven
Bercoff) détonne dans l’environnement sobre de l’Allemagne de l’est et crée
ainsi une dynamique intéressante dans cet équilibre entre rigueur et démesure.
L’un des grands atouts du film est d’ailleurs d’apporter un renouvèlement
bienvenu aux scènes d’actions, convoquant modernité sans être envahit par les
gadgets (le pré-générique est parmi les plus mémorables de la saga) et inventivité
dans le plus pur esprit bd (les thugs et leurs scie circulaires).
La dernière
partie est d’ailleurs un modèle du genre puisqu’à un suspense à la bombe
haletant et dans cette veine réaliste succède un climax assez fou mettant en
valeur les amazones acrobates d’Octopussy. On peut regretter que John Glen soit
un peu timoré à les filmer en action vu leurs aptitudes mais une nouvelle fois
l’excès coloré fait mouche. De l’arrivée de Bond en ballon jusqu’à une
cascade folle en avion, la promesse de grand spectacle est assurée jusqu’à la
dernière minute. Hormis un certain manque d’implication émotionnelle (la
relation Bond/Octopussy ne convainc pas complètement), probablement le meilleur
Bond de Roger Moore avec L’Espion qui m’aimait
(1977) d’autant qu’il remportera le duel des 007 au box-office face à Jamais plus jamais. Il aurait mieux valu
finir sur ce coup d’éclat au vu du ratage à venir de Dangereusement votre (1985).
Sorti en bluray et dvd zone 2 français chez Sony
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