Hiroki est un lycéen plein de vie, qui aide ses
parents au temple pendant son temps libre, et qui aimerait bien aussi
se rapprocher d’une jeune fille, belle, mystérieuse et solitaire… mais
qu’il n’a encore jamais osé aborder. Un jour, alors qu’il rangeait des
vieilles affaires de famille devant l’un des autels du temple, un
brusque coup de vent viendra emporter des photos… Rien de bien grave au
demeurant. Et pourtant… très rapidement une drôle de jeune fille, au
visage blanc et paraissant capable de passer un peu partout, va faire
irruption dans sa vie : Sabishinbô (cœur solitaire).
Lonelyheart
est au sein de la filmographie de Nobuhiko Obayashi le dernier volet de
la trilogie d'Onomichi. Cette série de films a pour spécificité de se
dérouler au sein de la ville natale du réalisateur, Onomochi, et de
croiser à un récit adolescent un postulat surnaturel
métaphore/contribution à la maturité du personnage principal. Ce sont
les aptitudes à voyager dans le temps de l'héroïne de The Little Girl Who Conquered Time (1983) ou l'échange de corps fille/garçon de I are you, You am me
(1982). Les deux premiers films semblaient porter plus d'attention aux
personnages féminins (même indirectement avec le garçon coincé dans un
corps de fille de I are you, You am me) alors qu'au premier abord, Lonelyheart
semble plus focalisé sur le point de vue de son héros masculin Hiroki
(l'acteur fétiche d'Obayashi, Toshinori Omi). C'est d'ailleurs
littéralement sur ce point de vue que s'ouvre le film lorsque, du zoom
de l'objectif de son appareil photo, il observe la ville depuis depuis
ses hauteurs.
La thématique centrale du film s'y révèle à travers deux
éléments à priori antinomiques. D'un côté l'objectif arpente la maison
d'Hiroki où sa mère (Yumiko Fujita) s'affaire à des tâches ménagères, ce
qui permet à l'adolescent de fustiger le côté terre à terre de
celle-ci et souligner leurs différences. De l'autre Hiroki zoome sur le lycée féminin voisin, et plus
particulièrement sur cette élève qui vient s'exercer seule au piano
après les cours. Cette jeune fille dont il tombe instantanément
amoureux, il va la dénommer Sabishinbô (cœur solitaire). Obayashi
déploie ainsi dans un même mouvement deux problématiques typiquement
adolescentes, l'incompréhension du monde des adultes (et plus
spécifiquement les parents), et le mélange d'euphorie et de désespoir
provoqué par le premier amour. On peut trouver ces éléments plutôt
opposés mais ils vont habilement se rejoindre, et Obayashi glisse un
indice de ce lien avec le morceau qu'Hiroki "entend" Sabishinbô jouer, «
Tristesse »de Frédéric Chopin qui est également le morceau préféré de
sa mère.
Le film semble dans un premier temps bien plus potache
et moins mélancolique que les précédents films de la trilogie,
multipliant les facéties loufoques d'Hiroki et ses amis sources de
nombreux gags. Le surnaturel s'invite cependant à nouveau dans le cadre
d'un temple bouddhiste (le père d'Hiroki étant prêtre) comme dans I are you, You am me,
lorsque Hiroki disperse de vieilles photos familiales alors qu'il range
les lieux. A partir de cet instant va ponctuellement surgir dans sa vie
une facétieuse jeune fille au masque de cire également surnommée
Sabishinbô. D'abord seulement visible par notre héros, elle apparait
progressivement à tous, semant la zizanie dans son entourage et semblant
omnisciente quant aux petits secrets de chacun.
Si un Hiroki ahuri
mettra le temps avant de comprendre son identité, le spectateur aura
vite saisi que la magie du temple a matérialisé sa mère telle qu'elle
était adolescente sur une des photos perdues. L'importance n'est pas
dans cette révélation mais plutôt sur le lien qui unit le premier amour
vivace d'Hiroki et cette apparition du passé, puisque les deux
Sabishinbô ont les mêmes traits (ceux de l'actrice Yasuko Tomita).
Obayashi travaille ainsi les émotions en écho, les dépits amoureux
d'hier et d'aujourd'hui partageant le même visage, et leurs douleurs se
rythmant aux notes de Chopin. La réconciliation du présent et de
l'ancien qui nous hante annonce le traitement mythologique et
introspectif du magnifique The Deserted City (1984) à venir.
Cependant le côté filial le rapproche aussi grandement du superbe Chizuko's Younger Sister
(1991), quatrième itération qu'Obayashi donnera à son cycle d'Onomochi
et où il sera question de deuil fraternel. L'aspect humoristique initial
s'estompe ainsi progressivement au fil des révélations qui rapprochent
les deux axes du film. Hormis les purs éléments narratifs, ce lien
passé/présent se dessine à travers la très belle relation mère/fils. La
complicité taquine des deux fonctionne à merveille, la mère faussement
sévère mais sensible à la veine artistique du fils (les photographies de
femmes nues de celui-ci qu'elle regarde avec lui sans sourciller) et ce
dernier plus amusé que réellement agacé des remontrances. Dès lors la
compréhension plus intime qui s'amorce peu à peu offre des moments
poignants comme quand Hiroki jouera la fameuse mélodie de Chopin au
piano devant sa mère. Deux émotions se rejoignent là, celle de l'amour
perdu dont la douleur est vivace, et celle dont ne demeure qu'un
souvenir tendrement entretenu. La mère console le fils et inversement
dans un sentiment implicite qu'Obayashi parvient merveilleusement à
faire passer, bien aidé par l'interprétation habitée de Yumiko Fujita
(formidable)) et Toshinori Omi. C'est d'ailleurs très intéressant qu'Obayashi ait travaillé ce mimétisme du dépit amoureux entre la mère et le fils plutôt que le père qui reste en retrait.
Formellement Obayashi parvient à
donner une fois de plus un visage inédit à cette ville d'Onomichi qu'il
a tant filmé (c'est d'ailleurs amusant d'avoir des réminiscences des
autres films dans certains lieux bien identifiables où l'on a vu
d'autres évènements). Le cadre insulaire donne pour l'essentiel une
dimension ensoleillée reflétant l'aspect juvénile et bondissant initial,
mais l'histoire se déroule pourtant bien à l'automne. La photo de
Yoshitaka Sakamoto traduit donc bien cette entre-deux, à la fois
lumineux et estival, mais aussi mélancolique et automnal dans le travail
sur la couleur (tout cela annonçant le fabuleux travail chromatique de The Deserted City).
L'immédiateté comique (toutes les pochades lycéennes, les apparitions
improbables de Sabishinbô) alterne avec un romantisme qui endosse la
fulgurance (le premier échange de regard à vélo) et la pure rêverie
contemplative lors de l'hypnotique scène du retour en ferry au
crépuscule. Un joli film en apparence plus léger que le reste de la
trilogie mais tout aussi profond.
Sorti en dvd zone 2 japonais
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sous-titres français ou anglais dispos? ^^
RépondreSupprimerDemandez moi ça plutôt par mail, je devrais pouvoir vous aider ^^
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