En 1933, huit femmes,
qui forment un groupe populaire parmi leurs camarades, sortent diplômées d'une
prestigieuse université. D'origines et de conditions diverses, chacune s'engage
dans une voie différente et va devoir prendre son destin en main, en se positionnant
par rapport à leur carrière et aux hommes.
Le Groupe voit
Sidney Lumet adapter le roman éponyme de Mary McCarthy, immense best-seller
publié deux ans plus tôt. Le roman se situait dans les années 30, ère de mues
sociétales et idéologiques qui trouve son écho à la période de parution du
livre (et donc de sortie du film) avec la résurgence des courants féministes, l’avènement
de la contreculture. L’histoire est un récit choral suivant huit femmes
fraîchement diplômées universitaires et qui s’apprête en embrasser chacune des
carrières pleine de promesses dans ce contexte progressiste. Seulement leurs
ambitions seront intrinsèquement liées à leurs vies personnelles et plus précisément
le rapport aux hommes, ce qui sera sources de déconvenues.
On connaît depuis Douze hommes en colère (1958) le talent de Lumet pour dresser de captivants
portraits de groupe et ce film ne fait pas exception. L’idéal que s’imaginent
les jeunes femmes passe encore par le mariage et voit notamment Kay (Joanna
Pettet), la plus en vue du groupe, épouser Harald (Larry Hagman) un dramaturge
prometteur. De même Priss (Elizabeth Hartman) et ses convictions politiques
marquées sera une des premières mariées, avec Sloan (James Congdon) fervent
militant républicain. Ce tableau trop idyllique dissimulera des maux
domestiques terribles en violence conjugale, alcoolisme, et un foyer vu comme
un terrain d’application d’une idéologie avec Sloan imposant à Priss un
allaitement naturel pour le nouveau-né. Tout le récit fonctionne ainsi, à travers
les obstacles rencontrés par les héroïnes qui représentent un courant de ses
années 30.
C’est notamment vrai à travers le personnage de Polly (Shirley
Knight), confrontée à l’avènement de la psychanalyse par son père
maniaco-dépressif, ce qui la poussera dans les bras d’un homme marié (Hal
Holbrook) se complaisant dans sa thérapie puis enfin d’un psychiatre (James
Broderick) plus bienveillant qu’elle va épouser. Le recul de l’écriture du
livre et de la production du film dans les 60’s permet un regard passionnant
sur le sujet, la psychanalyse se présentant à la fois comme un prétexte à
tergiverser (la thérapie d’Hal Holbrook qui lui autorise toutes les lâchetés
masculine, et cela anticipe certains personnages de Woody Allen), des mots qui
autorisent excentricité et irresponsabilité pour le père de Polly et enfin le
vrai salut intime avec le fiancée psychanalyste. L’autre aspect intéressant est
que sous l’amitié réelle qui lie les protagonistes, toute sororité idéaliste
est absente pour laisser s’exprimer petites bassesses et méchancetés gratuites
entre elle.
Le film avance ainsi sous forme de gazette dont les anciennes
camarades d’université sont le sujet, chaque ellipse fonctionnant au rythme des
mariages, naissances et autres réussites professionnelles. Lumet glisse les
moments-clés entre ces annonces solennelles à l’inverse des célébrations de
groupes festives, on retrouve les héroïnes en plus petit comité et où entre
conversation téléphoniques ou déjeuner au restaurant, les langues se délient
pour vilipender les absentes en difficultés. Le but n’est pas de fustiger une
vague mesquinerie féminine, mais surtout de dénoncer le paraître qui s’impose
aux femmes et les poussent à masquer leur fêlures dans le commentaire et la
critique d’autrui. Kay est ainsi la plus prompte à conseiller les autres sur
leur vie sentimentale alors que son mariage est un désastre. Sa seule
déconvenue à la fin du film alors qu’elle est aux abois sera que Polly
« sache » qu’elle est internée plutôt que la joie de recevoir sa
visite d'un visage ami.
Le personnage de Libby (Jessica Walter) est à ce titre fascinant de contradiction, dégageant un sex-appeal ravageur et se vantant de ses multiples conquêtes masculines mais qui s’avère en fait frigide et rétive à leur contact (ce qui occasionnera une scène d’agression marquante). Le destin de chacune est si intéressant et représentatif en soi que l’on regrette que l’histoire en abandonne certaines en route comme Dottie (remarquable Joan Hackett) et son traumatisme sentimental initial ou encore la mystérieuse Lakey (Candice Bergen) et son homosexualité assumée. Lumet baigne l’ensemble dans une photo pastel de Boris Kaufman dont l’écrin chatoyant tisse un tableau nostalgique et idéalisé illusoire. Le réalisateur construit à l’inverse des montées dramatiques en quasi temps réel où la violence psychologique comme physique frappent de plein fouet. C’est notamment vrai pour les joutes domestiques de Kay et Harald (Larry Hagman qui prépare son JR de Dallas en époux alcoolique et abusif) où la perfection du cadre - les couleurs blanches des murs, la géométrie parfaite et l’ameublement raffiné de l’appartement – est trahie par les panoramiques et mouvement de caméras vif qui accompagnent les débordements du couple.
Le personnage de Libby (Jessica Walter) est à ce titre fascinant de contradiction, dégageant un sex-appeal ravageur et se vantant de ses multiples conquêtes masculines mais qui s’avère en fait frigide et rétive à leur contact (ce qui occasionnera une scène d’agression marquante). Le destin de chacune est si intéressant et représentatif en soi que l’on regrette que l’histoire en abandonne certaines en route comme Dottie (remarquable Joan Hackett) et son traumatisme sentimental initial ou encore la mystérieuse Lakey (Candice Bergen) et son homosexualité assumée. Lumet baigne l’ensemble dans une photo pastel de Boris Kaufman dont l’écrin chatoyant tisse un tableau nostalgique et idéalisé illusoire. Le réalisateur construit à l’inverse des montées dramatiques en quasi temps réel où la violence psychologique comme physique frappent de plein fouet. C’est notamment vrai pour les joutes domestiques de Kay et Harald (Larry Hagman qui prépare son JR de Dallas en époux alcoolique et abusif) où la perfection du cadre - les couleurs blanches des murs, la géométrie parfaite et l’ameublement raffiné de l’appartement – est trahie par les panoramiques et mouvement de caméras vif qui accompagnent les débordements du couple.
La scène de dîner amical dans le même décor est
également une merveille de malaise progressivement distillé, entre révolte
muette et éclats de colère. Les scènes réunissant le groupe constituent tout au
long du film une manière de faire le point faussement positif de la vie de
chacune, même si la lassitude précède désormais ces retrouvailles avec la
répétition des scènes où se négocient l’achat collectif du cadeau de l’évènement
à venir. La dernière scène collective tombe le masque et accepte la faillite
des espérances puisqu’il s’agira d’une scène d’enterrement, et d’autant plus de
celle qui avait ouvert l’opportunité de cet avenir radieux. Un Lumet méconnu
mais vraiment à découvrir, notamment grâce à la brillante interprétation
collective d’actrices qui (hormis Candice Bergen) n’auront pas forcément la
carrière escomptée par la suite.
Sorti en dvd et bluray français chez BQHL
Sorti en dvd et bluray français chez BQHL
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