Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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lundi 11 janvier 2016

I wish - Kiseki, Hirokazu Kore-eda (2011)

Koichi vit avec sa mère à Kagoshima, séparé de son frère Ryûnosuke suite au divorce de leurs parents. Ryûnosuke vit avec son père dans une ville éloignée mais les deux frères gardent contact et complicité. Ils ont la nostalgie de leur vie d'avant et souhaiteraient être à nouveau une famille unie de quatre personnes. L'inauguration prochaine du Shinkansen dans l'île de Kyushu les amène à croire que leur vœu se réalisera s'il est exprimé au moment et à l'endroit où les deux premiers trains à grande vitesse se croiseront sur ce trajet. C'est le cadre d'un voyage initiatique des deux frères et de leurs amis.

Après les réussites  de Nobody knows (2004) et Still Walking (2008), Hirokazu Kore-Eda explorait à nouveau avec justesse et brio le monde de l’enfance avec ce beau I wish. A l’origine du film il y a une image qui obsède le réalisateur, issue justement d’un des plus beaux films sur l’enfance, Stand by me (1986) de Rob Reiner. Cette image est celle d’un groupe d’enfants marchant le long d’une ligne de chemin de fer. L’idée de I wish sera de broder une intrigue permettant à Kore-eda de reprendre à son compte cette image dans un nouveau récit initiatique sur l’enfance. Un détail pratique (les rails du Shinkansen -TGV japonais - se situent en hauteur et ne peuvent arpentés en plus de n’être visible que de haut et de loin) l’obligera à remanier son premier jet au scénario mais la moteur de l’intrigue est bien là.

La partie encore rêveuse et innocence de l’enfance se confronte aux premiers écueils de la dure réalité à travers les deux héros du film. Koichi (Koki Maeda) et son frère cadet Ryūnosuke (Ōshirō Maeda) vivent séparés depuis le divorce de leurs parents, l’aîné vivant avec sa mère chez ses grands-parents et l’autre avec son père musicien dans une ville plus éloignée. Le réalisateur marque la séparation par la différence de leurs environnements. D’abord en opposant la campagne où vit Koichi à Kagoshima et l’environnement urbain qui entoure Ryūnosuke. Les grands espaces et la nature environnante nourrissent la mélancolie de Koichi qui lie son désir de voir sa famille réunie à des chimères infantile comme celle de voir le volcan local se réveiller pour de bon et les obliger à déménager. L’urgence de la ville, le plus jeune âge et le caractère sautillant de Ryūnosuke l’éloigne d’un tel spleen. Pourtant Kore-eda n’a de cesse dans une narration de croisée d’exprimer les manques et les avantages de chacun.

Ryūnosuke est le plus souvent livré à lui-même et forcé de grandir trop vite avec ce père musicien immature alors que Koichi malgré l’absence vit dans un environnement privilégié notamment dans le lien qu’il tissera avec son grand-père (Isao Hashizume). Le repas familial ou la préparation de karukan (gâteau traditionnel japonais) de l’un ont pour réponse les dîner en solitaire de l’autre avec des plats préparés. Les fêtes entourées de musiciens de l’un trouvent le dépit de l’autre dans sa chambre observant le paysage au loin. L’aîné semble plus enclin et vindicatif pour forcer l’union de la famille, le cadet a encore trop bien les disputes ayant menées à la séparation pour l’espérer aussi fort. Lors des rares entretiens téléphoniques avec ces parents éloignés, la philosophie de son père est incompréhensible à l’impatient Koichi tandis que le placide Ryūnosuke ne sait que répondre aux larmes de sa mère. En dépit de tout, les deux frères s’aiment et se manquent pourtant.

L’inauguration d’une nouvelle ligne du Shinkansen -TGV japonais - sur l'île de Kyushu offre donc l’argument de possibles retrouvailles. Une fable affirme que le passage où se croiseront les deux premiers trains produira une énergie équivalente à une étoile filante et permettant à celui qui y assiste de faire le vœu qu’il souhaite. Dès lors s’entame les préparatifs pour la grande expédition où les deux frères et leurs amis devront faire preuve d’astuce pour mener à bien leur projet. Kore-eda filme l’odyssée avec charme, chacun des enfants faisant preuve d’une énergie, d’une candeur et d’une foi en leur quête terriblement attachante. Le regard des adultes se fait si bienveillant, le ton si enjoué et l’atmosphère du film si lumineuse que l’on se doute bien qu’il ne peut rien arriver à nos aventuriers et ce en dépit de quelques péripéties surprenantes (la nuit chez les « grands-parents »). 

Cet allant ne doit cependant pas masquer la vraie pointe de noirceur exprimée à travers les personnages secondaires eux aussi confrontés certaines douleurs du monde adulte. L’aspirante actrice Megumi (Kyara Uchida) découvre ainsi la concurrence des castings juvéniles tandis que Makoto (Seinosuke Nagayoshi) goutera à la douleur de la perte avec la mort de son chien. Néanmoins on sent que Kore-eda souhaite laisser une part d’innocence subsister pour un temps chez ses jeunes héros, à l’inverse de Nobody Knows où ils les avaient mis à rude épreuve. Un courage et une vision du monde plus large subsistera toutefois de l’aventure, comme le montreront les vœux finalement différents exprimés par les frères. Une œuvre magnifique qui confirmera le statut d’Ozu contemporain associé à Kore-Eda.

Sorti en dvd zone 2 français chez Wild Side 

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