Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

Pages

lundi 3 octobre 2011

L'Insoumise - Jezebel, William Wyler (1938)


Sud des Etats-Unis, XIXe. Fâchée avec Pres, son fiancé, Julie profite de l'Olympic Ball, un important évènement social, pour projeter de l'humilier alors que leur mariage doit y être officiellement annoncé. Les femmes célibataires doivent y apparaître en blanc, elle viendra en rouge. Les fiançailles sont rompues. Trois ans plus tard, Pres revient dans la plantation, accompagné de sa femme Amy.

Un film racontant les amours tumultueuses d'une jeune fille capricieuse et arrogante issue de l'aristocratie sudiste de l'avant-guerre de Sécession, cela rappelle forcément quelque chose... Adapté d'une pièce sans succès du début des années 30, Jezebel est effectivement pour la Warner l'occasion de surfer sur le phénomène pour l'instant encore littéraire suscité par Autant en emporte le vent. C'est également pour Bette Davis l'occasion d'incarner "sa" Scarlett puisqu'elle fera partie des candidates éconduites par un O. Selznick désireux d'imposer une actrice peu connue dans le rôle pour le plus grand bonheur de Vivien Leigh.

Si la comparaison entre Jezebel et Gone with the wind est inévitable et qu'ils entretiennent (sorti de l'argument romanesque) de nombreux points communs thématiques (tout le passage de flambeau entre la tradition du vieux Sud et les mutations à venir qui entraîneront la Guerre de Sécession) ce sont deux œuvres bien différentes. Gone with the wind est un film total, baroque, outrancier et démesuré à tout point de vue quand le film de Wyler est plus ouvertement sobre et intimiste. Il est en quelque sorte ce que sera Ruby Gentry à Duel au soleil pour rester dans autre un titre jumeau à une production Selznick.

On reconnaît la subtilité de Wyler qui éclaire d'un jour tour à tour positif comme négatif les comportements de ses personnages. Bette Davis fait ainsi figure de rebelle dans ce Sud engoncé dans la tradition, mais son acte le plus osé (mettre une robe rouge au bal alors que le blanc est de mise pour les jeunes filles) est dicté par une vanité qui lui fera perdre son fiancé. Ce dernier joué par Henry Fonda est un homme du futur, conscient des changements à venir et souhaitant moderniser le visage de son pays. Cela ne l'empêchera pas d'avoir une attitude masculine rétrograde (l'entrevue où il emmène une canne pour corriger Julie même si on sait bien qu'il ne s'en servira pas) lors des velléités d'indépendance de sa fiancée.

Toute la dimension politique du sujet n'est d'ailleurs pas appuyée par Wyler (la censure des salles du Sud coupant sans vergogne ce qui leur déplaisaient dans les films évoquant leur Etat) qui l'exprime constamment à travers ses personnages, des situations faussement anodines (Henry Fonda qui propose un verre au domestique noir Oncle Cato, ce dernier refusant gentiment pour ne pas froisser l'assistance) ou des idées visuelles fabuleuses (la salle de bal qui isole Bette Davis et sa robe rouge la laissant danser seule avec Fonda).

Ainsi les rivaux amoureux que sont Henry Fonda et George Brent représentent aussi les deux courants du Sud, ségrégationniste et refermé sur lui-même pour Brent, ouvert sur l'avenir et aux nouveaux courant d'idées avec Fonda (qui durant un dialogue cite Voltaire à Brent qui n'y comprend rien). Pourtant à nouveau point de manichéisme lorsqu'on voit la réaction bien plus intelligente de Brent lors de l'épisode de la robe, et également le fait qu'il semble conscient d'être manipulé par Julie pour attiser la jalousie de Fonda.

Bette Davis est époustouflante comme toujours, passant de la candeur la plus sincère à un cruel égoïsme. Manifestant son amour par une volonté de domination et de soumission de l'autre, elle apprendra après bien des déconvenues à l'exprimer d'une manière désintéressée lors d'un touchant final sacrificiel. Narrativement Wyler s'appuie sur la photo d’Ernest Haller dont l'éclairage immaculé idéalise cette société Sudiste avant que des nuances plus sombres viennent imperceptiblement montrer les travers de ce monde et de ses personnages (Davis passant de la fraîcheur juvénile lors des gros plans à une aura presque maléfique).

Les décors de demeures luxueuses et imposantes glissent peu à peu vers les chambres sombres, les marécages menaçant et l'opulence de la Nouvelle Orléans (ce travelling d'ouverture sur le marché foisonnant) bascule dans une ville nocturne inquiétante rongée par la fièvre jaune. La reconstitution est splendide (même si on atteindra encore une autre dimension dans la magnificence avec Gone with the wind qui sort l'année suivante) et le récit surprend par sa noirceur et la manière étonnante avec laquelle il esquive la tentation de la grandiloquence avec cette conclusion où l'héroïne atteint au milieu du chaos une forme de sérénité. Un superbe film qui vaudra à Bette Davis son second Oscar.

Sorti en dvd zone 2 français chez Warner

1 commentaire:

  1. j'ai adoré ce film. Bette est très bien dirigée. Wyler a fait recommence 36 fois l'arrivée de Bette au sommet du perron où elle soulève sa jupe d'écuyère avec sa cravache. Quel panache ! Il est un peu palot, falot,
    l'amoureux Fonda. Le tournage terminé il ne reste pas un jour de plus : sa femme vient de mettre au monde… Jane. B&W on ne peut juger de l'effet de la robe rouge parmi les vierges en blanc. Le bal est formidable. Comme le sera à la fin
    ce départ avec les mourants de la fièvre jaune (je ne sais plus quel était le mot en anglais …)

    RépondreSupprimer