Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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jeudi 20 octobre 2011

Emma, l'entremetteuse - Emma, Douglas McGrath (1996)

Une jeune et jolie fille qui s'ennuie dans une petite ville d'Angleterre au début du XIXe siècle se met dans la tête de chercher un mari pour sa nouvelle amie. Mais chaque jeune homme trouvé tombe amoureux d'Emma. En s'occupant de la vie des autres, Emma ne voit pas le cœur qui bat pour elle.

Après avoir passé l’été à dévorer l’intégrale de Jane Austen (bon reste encore Northanger Abbey) le moment est donc venu d’attaquer les nombreuses adaptations. Produit sans doute pour surfer sur le succès du Raisons et Sentiments d’Ang Lee sorti l’année précédente, cet Emma l’Entremetteuse peine cependant à en atteindre la qualité. La difficulté vient sans doute du roman en lui-même, sommet stylistique de Jane Austen mais à la construction pas évidente. Les trois premier romans de Jane Austen se dotaient d’héroïne espiègles mais fragile à la fois ce qui provoquait l’attachement du lecteur lorsqu’il les voyait subir ou se jouer des lois du paraître de cette haute société anglaise provinciale. Les dialogues piquants et caustiques laissaient pointer ironie, moquerie mais aussi profond désarroi à la fois dans un nœud d’intrigues sentimentales contrariées. Emma s’avérait quelque peu différent en semblant donner le premier rôle à une héroïne semblable aux personnages superficiels aperçu dans les ouvrages précédent.

Emma jeune fille hautaine mais néanmoins attachante et maladroite chercher donc à jouer tout au long du livre un rôle de marieuse pour laquelle sa jeunesse et son manque de jugement n’est pas approprié. Le roman adoptait donc constamment son regard biaisé et trop assuré, constamment dans l’erreur sur les évènements et le cœur des personnages qu’elle cherche à lier tandis que la notion de classe n’a jamais été plus prononcée dans un roman d’Austen. L’intrigue joue ainsi sur cette nonchalance de la vie bourgeoise provinciale, paraissant presque froid et lent puisque Emma ne regarde jamais où il faut et la touche sentimentale n’arrive finalement que sur la toute fin même si on la devinait.

Pour exprimer toute cette subtilité il aurait fallu un cinéaste aguerri ou alors une transposition qui prenne le temps de développer ces aspects, comme les feuilletons de la BBC par exemple. Pour son premier film, Douglas McGrath fait preuve d’une fidélité exemplaire mais manque le coche. Le sens de la narration et les dialogues de Jane Austen rendait passionnante une histoire qui se résume finalement à une série de dîner mondain, de bal et de pique-nique.

Ici c’est le regard du réalisateur qui aurait dû jouer ce rôle mais la mise en scène transparente de McGrath se contente d’aligner platement les passages obligés mais reste en surface. Il y a bien quelques idées comme la touche quelque peu colorée apportée aux décors pour appuyer la superficialité d’Emma ou les sauts narratifs dynamisant les conversations comme l’échange entre Emma et Miss Bates sur Jane Fairfax qui par la grâce du montage devient un dialogue entre Emma et Jane Fairfax.

Malheureusement cela se suit avec un intérêt poli pour le lecteur et un vrai ennui pour le non connaisseur tant l’ensemble demeure dans un académisme figé. L’interprétation va dans ce sens un peu creux notamment Gwyneth Paltrow qui passe le film à faire la moue, cligner des yeux et froncer les sourcils, adoucissant un peu trop Emma.

Jeremy Northam n’a guère la prestance et le charisme requis en Mr Knightley, Toni Collette joue trop de la simplicité d’esprit de Harriet Smith et pas de sa fragilité (et c’est le problème de l’ensemble du film qui est plus une farce décalée en costume qu'un récit romantique feutré). Bonne surprise par contre avec Alan Cumming excellent en sournois et intéressé Mr Elton et également Ewan Mcgregor très bon Frank Churchill. Assez oubliable donc et un peu longuet mieux vaut sans doute tenter la version récente avec Romola Garai pour la BBC…

Sorti en dvd zone 2 français chez Studio Canal, attention bizarrement l'édition a juste vo et vf mais uniquement des sous-titres anglais.

10 commentaires:

  1. Le fan de Gwyneth Paltrow que je suis se laisserait presque tenter par ce film à cause des quelques images qui décorent ta critique... Mais non quand même pas, tu m'as bien mis en garde !

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  2. Hé hé j'aime beaucoup Gwyneth Paltrow aussi mais là elle nn'est vraiment pas à son meilleur ^^. Gwyneth en costume mieux vaut revoir le très sympa "Shakespeare in Love" !

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  3. Une catastrophe,ce film, pour les amoureux d'Austen !! Il est vrai que les roman de Miss Austen se prètent très mal à l'adaptation cinématographique... Tout ce qui fait le sel de son style, l'ironie (parfois au vitriol), le sous-entendu, la force de l'évocation, le déterminisme social, l'analyse socio-psychologique, sont totalement perdus dans cette adaptation. On a droit à un "film en costume" façon Hollywood, qui louche plus sur Barbara Cartland que l'époque Regency ! Le format court n'aide pas... et même les adaptations BBC (dont certaines sont superbes, comme le Persuasion de 1995 avec Amanda Root et Ciaràn Hinds, qui reste l'une des meilleures) ont parfois du mal...
    Si l'on veut aborder Austen par le cinéma, il vaut mieux reprendre les coffrets BBC, Persuasion (1995) et Pride & Prejudice (1995), même si dans ce cas, Darcy devient un épigone déplacé de Mr Rochester et Heathcliff... tout ce dont Austen se moquait !

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  4. Tout à fait même si Ang Lee s'en était bien sorti avec "Raisons et Sentiments". Mais c il est plus simple à adapter vu qu'il y a de vrai rebondissements bien perceptible quand dans "Emma" tout est dans la finesse, le sens de l'observation et les sous-entendus, dur à rendre en image et là c'est bien raté. Bon il va vraiment falloir que je regarde la série BBC de "Orgueil et Préjugés" " (que j'ai sous la main depuis un moment) même si maintenant j'ai peur si Darcy devient un simili Heathcliff.

    J'ai vraiment beaucoup aimé Persuasion (surement mon préféré avec "Orgueil et Préjugés" et "Mansfield Park") là à par le format feuilleton tv -et encore- c'est quasi impossible à rendre en image je suis curieux de voir ce que ça peut donner...

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  5. "Persuasion" est le dernier roman achevé d'Austen et il est donc bien plus "mûr" que P&P, ce qui n’est guère étonnant. Miracle, on possède même un premier jet du dernier chapitre, ce qui est unique pour son oeuvre, premier jet d'ailleurs repris dans la version ITV de 2007, nettement moins convaincante que la BBC 1995... En général, les adaptations en costumes font toujours trop "neuves", pas "habitées" physiquement par les personnages… et "Persuasion (’95) " évite cet écueil…
    Le "problème" avec P&P BBC 95, c’est que le scénariste-producteur a absolument voulu expliciter certaines actions de Darcy, alors que chez Austen, tout est vu du côté de ce monde féminin ; on ne voit quasiment jamais les héros dans leur sphère purement masculine. Il y a donc eu une insistance sur le personnage, ce qui du coup, l’a poussé du côté des héros romantiques (et il suffit de voir à quel point Austen s’est moquée des conventions du roman sentimental de l’époque pour savoir que c’est une erreur…) Au contraire, selon la logique des années 1790-1810, il me semble que Darcy est quelqu’un de responsable et pragmatique, et dans la logique du temps, c’est Elizabeth qui fait erreur : Charlotte a tout à fait raison, en fait, et les hésitations de Darcy vis-à-vis de la famille Bennett sont bien fondées… Cela a pourtant fonctionné du feu de Dieu, il y a eu une vague de Darcy-mania délirante sur l’Angleterre (laquelle a culminé avec Bridget Jones I et II –les romans, qui font spécifiquement allusion et sont des décalques de P&P et Persuasion…, ce qui a été relativement peu conservé dans les films, hélas.) Et le pauvre Colin Firth, qui est un merveilleux acteur, a eu bien du mal à décoller ce "typecasting" !
    Cela a aussi lancé une vo/ague de "fan-fiction" autour d’Austen, phénomène fascinant à observer pour un Français : fictions amateurs plus ou moins (plutôt moins !) inspirées de l’univers d’Austen avec suites, versions alternatives, etc… Là, on tombe souvent dans l’incompréhension culturelle et on se met à regretter B. Cartland ! On en trouve des palanquées sur Internet, et c’est assez bidonnant. Et désolant, pour cet immense écrivain.

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  6. (suite)
    Et une fois que vous aurez vu la série, regardez donc la parodie, "Lost in Austen" (http://en.wikipedia.org/wiki/Lost_in_Austen ), où une groupie du feuilleton se retrouve (via une porte dans sa salle de bain !!!) transportée dans l’univers de P&P, avec Elizabeth coincée au XXe siècle. Le principe est très rigolo et totalement délirant, même si le traitement ne tient pas totalement ses promesses… dans les anachronismes et les perturbations que l’intruse apporte dans le roman.

    Pour en revenir au cinéma, je suis assez étonnée qu’il n’y ait pas eu sur votre excellent blog de chroniques de la filmographie de Colin Firth…. Est-ce dû à un Oscar décerné à un de ses rôles les moins intéressants ? Il vaut bien mieux que cela…. Ceci dit, il a un point commun avec James Mason (qui compte parmi les interprètes j’admire le plus) : ils campent magnifiquement des personnages taciturnes et byroniens ! ;-D
    Essayez de regarder par exemple,
    - "A Month in the Country" (1987) : adaptation du délicieux roman de JL Carr, avec K Branagh. Deux vétérans de 14-18, un peintre qui doit restaurer une fresque médiévale et un archéologue, passent un mois à la campagne près d’une vieille église.
    - "The Advocate /The Hour of the Pig" (1993), au Moyen-Age français, un avocat parisien se retrouve employé dans une petite ville, et se retrouve coincé entre les intérêts locaux, un procès en sorcellerie, et le cochon meurtrier qui devient son client ! (à partir de cas similaires !) Film très divertissant et qui tient historiquement debout.
    - "Fever Pitch" (1997, Carton Jaune), Paul, un professeur fan absolu d’Arsenal, va-t-il passer à côté de sa vie à cause de cette passion ? Une jolie étude du phénomène du groupie.
    - "Conspiracy" (2001), avec presque tout le gratin du théâtre-cinéma anglais. Sur la réunion de Wannsee qui a décidé de la Solution Finale. Glaçant.
    -"And When Did You Last See Your Father ? " (2007) : un homme revisite la relation conflictuelle qu’il a eue avec son père, qui est mourant…
    Cela m’intéresserait fort d’avoir votre point de vue.

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  7. J'ai exactement la même lecture que vous sur le Darcy d'Austen mais sans doute qu'un héros masculin pragmatique, clairvoyant et avec les pieds sur terre n'est pas très flamboyant à rendre à l'écran d'où le côté romantique plus appuyé après tant mieux pour Colin Firth qui y a gagné en notoriété je jugerai en voyant la série.

    C'est vrai qu'à part ses films récents (oubliable Love Actually, sympathique Bridget Jones le premier surtout,excellent A Single man, Un Mariage de Rêve un Eté italien et j'aime plutôt bien Le Discours d'un Roi même si l'Oscar n'est pas mérité) je connais assez mal la filmo de Colin Firth je note les titres surtout Fever Pitch j'adore le livre de Nick Hornby !

    Et effectivement c'est très amusant tous ses détournements et variations autour de l'oeuvre d'Austen je ne manquerai pas de jeter un oeil à Lost in Austen quand j'aurais vu la série. Je ne me souviens plus de l'auteur ni du titre mais dans le genre j'étais tombé sur un livre qui racontait l'histoire cachée entre Jane Fairfax et frank Chuchill soit tout ce qui est masqué dans "Emma" ça ne doit pas être fameux j'imagine mais ça rend curieux... En tout cas merci de tout ces éclaircissements !

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  8. Oui, Firth a sans doute eu l'Oscar pour l'ensemble de son oeuvre, plus que pour ce film particulier... "My life so far" est également une très jolie chronique familiale et un superbe "film choral".

    En ce qui concerne les suites d'Austen, la meilleure reste "Pemberley Shades" publiée dans les années 40, qui ne tente pas de singer le style et qui respecte la psychologie des personnages.... Dans le domaine public, apparemment, et réédité par http://www.laughingmanpublications.com/chapter_one_excerpt.htm
    On trouve des horreurs sur Internet et une bonne partie des "fanfiction" est désormais auto-publié aux USA... C'est tout à fait passionnant pour l'étude du phénomène littéraire !
    Un des sites les moins farfelus est http://www.pemberley.com/

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  9. Tiens, je découvre seulement ce billet et ses commentaires, et il se trouve que je suis sans le vouloir complètement dans la note, puisque je viens de poster sur mon blog un comparatif des deux adaptations existantes de Persuasion (à ce sujet, je partage l'avis d'Emma ; je préfère celle de 1995).

    Je n'aime pas non plus l'adaptation cinématographique d'Emma que tu évoques, Justin, parce qu'elle renvoie les romans de Jane Austen au rayon des livres roses bonbon ; or je crois qu'elle n'a pas grand chose à voir avec cette catégorie de romans, car bien que ses livres parlent des sentiments, elle le fait avec beaucoup d'intelligence et d'ironie, et ne perd jamais de vue la complexité des rapports sociaux et l'importance de la question financière dans la vie des femmes de son époque.

    Cependant, il est intéressant de comparer cette adaptation cinématographique à la télévisée de la même période, et à celle de 2009, qui est très aboutie.

    Concernant l'adaptation d'Orgueil et Préjugés 1995 : il faut la voir ! Ce serait criminel de passer à côté, même si Emma a raison d'évoquer ce léger bémol (la façon dont Darcy est traité dans le scénario, qui effectivement, si on l'analyse, peut sembler contestable). Dans l'esprit, c'est quand même l'adaptation la plus fidèle à l'oeuvre...

    Colin Firth est un excellent comédien, dans cette adaptation là comme dans la plupart des films qui composent sa filmographie ; le problème, c'est qu'à part ces dernières années où son rôle dans A single man lui a permis d'aborder des rôles plus intéressants, une bonne partie des films dans lesquels il a joué sont très oubliables (beaucoup sont des navets).

    Dernière chose : Northanger Abbey a fait l'objet d'une excellent adaptation télévisée, et l'adaptation de Mansfield Park par Patricia Rozema en 1999, quoique très particulière, vaut vraiment le coup d'oeil.

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  10. J'avais repéré l'adaptation de Mansfield Park de 1999 effectivement je pensais me la prendre (apparemment une nouvelle version a été produite en 2007 aussi) Northanger Abbey je vais commencer par le lire ^^ j'avais fait une petite pose Austen je m'y remettrais bientôt ! Sinon quand je disais Oscar pas mérité je pensais plus au film (qui est très bien mais je trouvais la concurrence avec The Social Network, Black Swan et Fighter supérieure) qu'à la prestation de Colin Firth qui ne l'a pas volé il aurait déjà dû l'avoir pour A Single man. En tout cas Austen sorti des livre c'est assez fascinant cet univers environnant qui reste à explorer...

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