Nombreux sont ceux qui vinrent aux Etats-Unis, en cette fin de XIXe siècle, pour croire de toutes leurs forces au rêve américain. Ils venaient de tous les pays, souvent d'Europe Centrale ainsi cet ouvrier tchèque fait-il le long chemin de sa promotion sociale à travers les différentes régions, en espérant trouver du travail...
A mi-chemin entre ses œuvres proches du peuple comme
La Foule ou
Street Scene et la célébration de la réussite individuelle du
Rebelle, King Vidor endossait avec
An American Romance sa veine la plus épique pour cette épopée individuelle et industrielle. Né au Texas, King Vidor comme de nombreux américains à des racines en Europe avec un grand-père émigrant venu de Hongrie et le film lui donne l'occasion de s'attacher au destin d'un de ses nombreux anonymes venus tenter l'aventure au pays de tous les possibles.
Partagé constamment entre tonalité intimiste et pure grandiloquence, le film rattache constamment l'existence de son héros aux grands soubresauts que vit l'Amérique. Le ton se fait féérique et grandiose dès la scène d'ouverture où l'on assiste à l'arrivée d'un bateau d'émigrants à New York. Dans la foule se distingue déjà notre héros Steve Dangols (Brian Donlevy) la mine déterminée puis à l'instar de ses voisins émerveillée quand surgit de la brume comme dans un rêve les hauts bâtiments new yorkais.
Ceci est l'Amérique et il compte bien y réussir. King Vidor enchaîne ainsi les grandes visions "americana" et chaleureuse illustrant la bienveillance et la beauté de la contrée s'offrant aux nouveaux venus (le long voyage de Dangols de New York au Minnesota) tandis que s'affirme avec tendresse et humour la maladresse de Dangols dans la découverte des us et coutume de sa terre d'adoption.
Le script n'en fera pourtant pas un simple travailleur satisfait de sa condition, à la différence de ses camarades Dangols à la soif de s'élever et d'apprendre. L'imagerie du film s'élève donc au fil de la connaissance grandissante acquise par Dangols sur son obsession, la fabrication de l'acier. On démarre sur la plus simple des échelles lorsque Dangols interroge sa future épouse institutrice (Ann Richards) sur la manière de passer de la motte de terre qu'il tient dans sa main gauche à l'outil de métal de sa main droite. Au fil de son ascension dans des séquences quasi documentaires les mines exigües deviennent des fonderies plus vastes et étouffantes puis des ateliers de fabrication aux proportions titanesques, le pic étant atteint lors d'une scène finale en forme de célébration absolue de l'industrie triomphante.
Vidor eut à subir quelques déconvenues lorsque la MGM amputa son film de trente minutes pour le réduire à une durée de deux heures. Cela se ressent dans le positivisme parfois forcé (tout semble réussir à Dangols sans le moindre obstacle majeur) et la manière quelque peu elliptique dont sont traités le quotidien de la famille et les moments dramatiques, tel la mort du fils aîné au front mise en parallèle de l'acquisition de la nationalité américaine par Dangols qui le lui avait promis. La scène est néanmoins touchante mais aurait pu être plus puissante encore. De même il y a une forme d'édulcoration dans la volonté d'assombrir le caractère de Dangols, homme qui s'est construit seul à la dure et devenu entrepreneur ne saura comprendre les revendications légitimes de ses ouvriers mené par son propre fils à la tête d'un syndicat.
Même si on rêve à l'interprétation fabuleuse qu'aurait pu en donner Spencer Tracy prévu à l'origine (tandis qu'Ingrid Bergman devait interpréter l'épouse finalement jouée par la solide mais moins charismatique Ann Richards), Brian Donlevy est excellent dans le mélange de naïveté, chaleur et détermination avec cet immigrant qui saura aller au bout de sa vision.
Les moments le voyant tâtonner puis s'affirmer par son ingéniosité dans le milieu de l'automobile sont fort ludique et Vidor annonce déjà
Le Rebelle dans les scènes où Dangols sûr de sa réussite refuse de céder aux financiers voulant lui imposer leurs exigences. Les architectures déroutantes du film de 1949 illustration de la personnalité de Gary Cooper cèdent ici la place aux usines (automobiles puis aéronautiques) surchauffées et débordant d'activités.
Si
Le Rebelle célèbre le respect du génie individuel,
An American Romance est plus un ode à l'abnégation, à la volonté et à la collectivité par ce destin embrassant le rêve américain. Dans les deux cas, le caractère inflexible des héros fera leur réussite en dépit de tout. Un beau film qui sera néanmoins un échec commercial cuisant pour Vidor...
Sorti en dvd zone 1 dans la collection Warner Archives et donc dépourvu de sous-titres.
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