Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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mercredi 5 octobre 2011

In the Mood for Love - Fa yeung nin wa, Wong Kar Wai (2000)


Hong Kong, 1962. M. Chow, rédacteur en chef d'un journal local et Mme Chan, secrétaire de M. Ho, emménagent avec leurs conjoints, le même jour, dans des appartements voisins, le premier chez M. Koo et la seconde chez Mme Suen. La femme de M. Chow est souvent absente et le mari de Mme Chan est fréquemment parti à l'étranger. Très vite, ils vont comprendre que leurs conjoints respectifs entretiennent une relation amoureuse adultère en secret. Ensemble, M. Chow et Mme Chan vont tenter de saisir les éléments de la rencontre des deux amants et surtout la façon dont est né cet adultère. Mais l'amitié débouche rapidement sur d'autres sentiments.

Dans un de ses plus beaux films, Chungking Express il avait fallu à Wong Kar Wai deux partie distincte pour exprimer ce qu'il ce qu'il parvient merveilleusement à associer dans ce In the Mood For Love. Dans la première c'était le mystère, la mélancolie et la solitude urbaine à travers la rencontre entre Lin Ching Hsia et Takeshi Kaneshiro et pour la seconde partie candide et exaltante entre Faye Wong et Tony Leung Chiu Wai. Ici Wong Kar Wai en fait donc un tout cohérent auquel on peut ajouter la dimension nostalgique de Nos Années Sauvages.

Sous sa liberté et sa fougue manifeste, Chungking Express est un film tout aussi maitrisé et stylisé que In the Mood for love même si ce dernier apparaît plus ouvertement comme l'apogée visuelle d'un Wong Kar Wai qui saura apporter un tour plus maladif à son imagerie dans 2046 avant de sombrer dans sa propre caricature édulcorée avec My Blueberry Nights. Wong Kar Wai capture donc par son sens de l'atmosphère ici la solitude des personnages. La vie de couple morne de Mme Chan (Maggie Cheung) se devine ainsi par l'absence du mari, visuelle tout d'abord avec sa seule voix lors des échanges avec son épouse pour signifier son existence.

La femme de M Chow (Tony Leung) est-elle réduite à l'état de silhouette indistincte et de conversation téléphoniques fantomatique avant de totalement disparaître du récit à son tour. Wong Kar Wai procède ainsi par des motifs répétitifs pour signaler l'esseulement des héros, les heures supplémentaires de Tony Leung dans un bureau désert, les multiples sorties nocturne de Maggie Cheung pour acheter son repas et s'échapper un temps de cet appartement où elle étouffe. Les deux se croisant de plus souvent dans leurs pérégrinations, chaque frôlement, regard, se voit imperceptiblement chargé d'un sens plus fort. Le réalisateur évite toute lassitude dans ces répétitions en y insérant de brefs moments bouleversant telle cette scène où Maggie Cheung en quête d'une présence va faire la conversation à une voisine sans prévenir tandis que l'on lit toute la détresse dans son regard.

Lorsqu'arrive la fameuse révélation du double adultère, l'histoire d'amour peut naître. Là encore pour comparer avec l'autre grand récit romantique du réalisateur Chungking Express tout est opposé. L'un est moderne, percutant et juvénile tandis que In the Mood For love semble plus figé et codifié, faussement froid. Cette sur stylisation dans les postures très étudiées du couple (où même la manière de fumer une cigarette et souffler sa fumée est chargée de sens), dans le mime sur lequel repose leur rapport (reproduire des éléments du rapprochement qui a provoqué la liaison de leur conjoint) est un reflet de l'époque très différente où se déroule In the Mood For Love, le Hong Kong du début des années 50.

Le fétichisme de Wong Kar Wai tient autant de la nostalgie que du fait d'enfermer les personnages dans le rôle que leur donne cette société. Maggie Cheung au sommet de son aura glamour dans ses longues robes fendues à fleurs n'est qu'une prisonnière des apparences tout comme Tony Leung gominé et tiré à quatre épingles, les deux n'osant jamais le rapprochement physique manifeste attendu. C'est sur cette retenue que repose finalement la force de cette histoire d'amour et Wong Kar Wai après avoir longtemps tâtonné lors du tournage à rallonge l'a bien compris en coupant au montage la vraie scène d'amour où les héros couchaient ensemble dans la fameuse chambre d'hôtel 2046.

Wong Kar Wai rend certainement le plus bel hommage qui soit au Brève Rencontre de David Lean qu'il s'approprie en y ajoutant une dimension supplémentaire par cette façon qu'on les personnages de répéter les situations passées et fantasmée de leur conjoint adultère pour se guérir de leur blessures. On sent le basculement opéré dans la dernière partie (et l'amour qui unit désormais les personnages) lorsqu'ils répètent cette fois leur propre séparation future et prolonge ainsi ce sentiment d'attente.

Maggie Cheung, poupée de porcelaine prête à se briser à tout moment est magnifique d'émotion rentrée (la fameuse scène de fausse séparation où elle craque...) et Tony Leung Chiu Wai rayonne encore par sa présence magnétique et fragile. Le long épilogue fait d'espoir, de renoncement et de regret est d'une grande poésie. Un des plus beaux films de son auteur dont on attend qu'il retrouve à nouveau de tels sommets.

Sorti en dvd zone 2 français

3 commentaires:

  1. Si seulement Wong Kar Wai pouvait retrouver le sommet de beauté formelle et d'émotion narrative qu'est In the mood for love...

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  2. Oui on l'a vraiment perdu depuis le dernier My Blueberry Nights était vraiment une sorte de Chungking Express du pauvre aseptisé à l'américaine... Mais les échos et la bande annonce de son prochain, biopic du maître d'art martiaux Ip Man sont plutôt prometteur

    http://www.youtube.com/watch?v=7CfC_1_Wpmo

    Et il retrouve Tony Leung !

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  3. Très beau film, sans doute le plus beau de Wong Kar Wai, et difficile à dépasser sans doute...

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