Le Eastwood intimiste, sensible et romantique que beaucoup semblent avoir découvert avec Sur la route de Madison (même si les moins célébrés Bronco Billy, Honky Tonk Man ou même Un monde parfait montraient déjà une facette plus tendre) se dévoilait déjà dès ce joli troisième film. Si Sur la route Madison trace la voie de grand réalisateur classique qu'on va désormais lui attribuer Breezy était lui un vrai projet à contre-courant offrant une récréation à l'image de dur véhiculée par Eastwood qui pour exprimer cette sensibilité évite de jouer dans le film. D'ailleurs sa carrière de réalisateur n'est alors prise que pour un gentil caprice de star à l'époque par la Warner.
Pas dénué de petites longueur, maladresse et profondément marqué par sa patine 70's, Breezy s'avère pourtant réellement touchant par le regard tendre adopté par Eastwood ainsi que la conviction de son couple de héros. Le film est la rencontre improbable de deux solitudes. D'un côté Breezy jeune hippie insouciante vivant au jour le jour et dont les airs guillerets et avenant cachent un grand besoin d'affection qu'elle satisfait par des coucheries sans lendemain. De l'autre c'est l'opposé absolu avec le froid et cynique Frank (William Holden), célibataire dépourvu de toute attache.
Paradoxalement la plus expansive Breezy est entouré d'un voile relatif de mystère (malgré une scène où elle donne des explications dont on peut douter) où devine un passé difficile tandis que le taciturne Holden révèle un homme brisé par son divorce et qui voit une liaison qu'il n'a pas souhaité mener plus loin le quitter pour se marier. Les deux personnages se complètent ainsi bien dans leurs différences qui font souvent des étincelles (le premier échange en voiture où Holden supporte tant bien que mal la diarrhée verbale de Breezy) et crée une belle émotion quand Holden fend l'armure bien malgré lui face à cette espiègle jeune fille.
Kay Lenz (qu'on a malheureusement peu vue par la suite si ce n'est dans le feuilleton à succès Le Riche et le pauvre) est lumineuse et confondante de candeur tel ce moment où elle demande à Holden de l'emmener voir l'océan. Ce dernier en ours mal léché se laissant attendrir est excellent également, ses excès alcoolisé ayant donné à son visage une dureté (il fait plus que ses vrais cinquante ans de l'époque) qui sied bien au détachement de son personnage et rende d'autant plus émouvant les scènes où il se laisse progressivement attendrir puis cède à cette romance inattendue.
Eastwood accompagne ses moments tout en sobriété de la jeunesse hippie californienne de Laurel Canyon à la bonne société californienne fatiguée dont vont s'échapper nos héros pour des scénettes aussi anodines que précieuses qui vont les rapprocher. Cela crée un sentiment fugace et d'immédiateté à cette relation, ce qui fait sa force mais crée aussi le doute quant à sa pérennité. A l'inverse du futur Sur la route de Madison mis en scène par un homme plus mûr, c'est dans cet inconnu plein de questions et de promesse qu'Eastwood accepte de plonger ses personnages dans un beau final tout en retenue.
Sorti en dvd zone 2 chez Warner
extrait
Méconnu film de Clint et de Holden (je suis fan du second plus que du premier, et j'aime beaucoup le premier) et pourtant excellent. Dommage, ce vieux glaçon sec de Willy H est craquant. Et la jeune hippie pas si hippie que ça. Ce faux film politique est une véritable histoire d'amour légère et adorable.
RépondreSupprimerHigh tide !
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