Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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vendredi 28 octobre 2011

La Chambre indiscrète - The L-Shaped Room, Bryan Forbes (1962)


Jane, enceinte et célibataire, prend une chambre dans un hôtel minable. Elle est entourée d'étranges voisins.

Avec ce second film Bryan Forbes délivrait un magnifique mélodrame en plus d'offrir à Leslie Caron une de ses plus mémorables prestations. Adapté d'un roman de Lynne Reid Banks (plus connue pour sa série de livre pour enfant L'Indien du placard que sur ce type de sujet très adulte) le film aborde un sujet tabou sous un angle inattendu. Il est donc ici question de la difficile condition des mères célibataires à travers le récit Jane, jeune française (le personnage était anglais dans le livre le choix de Leslie Caron explique ce changement de nationalité) exilée à Londres et qui en début de film loue une chambre dans un hôtel insalubre.

Son comportement étrange, sa mine apeurée et la fragilité qu'elle dégage révèle d'emblée que quelque chose ne va pas et on découvrira qu'elle est enceinte. Cependant l'amitié et la chaleur exprimé par ses voisins (dont Brock Peters l'accusé de To Kill a Mockinbird ici en trompettiste enjoué) la déride vite et elle noue bientôt une histoire avec Tobey un aspirant écrivant. Seulement comment lui avouer son état sans craindre qu'il la quitte ?

Au vu de la période de sortie du film dans une Angleterre encore très moralisatrice (et des films du mouvement Free Cinema qui aborde la question de manière fort glauque comme Saturday Night and Sunday Morning) on devrait voir la grossesse de l'héroïne comme un poids et l'enjeu dramatique tourner autour de sa décision d'avorter. Si cette facette demeure, ce n'est pas le pivot du film, bien au contraire. Jane n'est pas une adolescente coupable d'un moment d'égarement mais une jeune femme de 27 ans ayant jusque-là vécue dans un milieu bourgeois étouffant (il faut voir sa mine terrifiée lors de sa première nuit dans sa chambre miteuse) et qui s'en est coupée en donnant sa virginité au premier flirt venu à son arrivée à Londres. Malgré cette erreur on constate alors que le sexe est pour elle une manière d'affirmer son indépendance.

La société ne l'entend pourtant pas de cette manière et le script multiplie les situations de répressions sexuelle plus ou moins affirmée : une policière qui vient interrompre dans un parc un innocent signe d'affection entre Tobey et Jane, la réaction dégoûtée de Brock Peters qui traite Jane de whore après avoir entendu ses ébats à travers la mince cloison séparant leurs chambres... Ce jugement moral est global et n'a pas de limite sociale.

Dans ce contexte, la grossesse d'une femme seule est une tâche dans le paysage, une tâche qu'il faut effacer. L'avortement synonyme d'autonomie et de libération pour la femme prend donc étonnement là une notion moralisatrice en étant l'outil permettant de faire disparaître la disgrâce. Alors que Jane hésite quant à la décision à prendre, absolument tous les personnages lui recommande d'avorter dans des séquences que Forbes rend terriblement oppressante comme cette entrevue avec un médecin désinvolte au début(pour lequel les options se résument à épouser le père ou avorter), la potion offerte par une voisine de bonne foi pour provoquer une fausse couche et surtout le mépris de Tobey lorsqu'il apprendra la vérité.

Dès lors, aller au bout de sa grossesse et élever son enfant signifie une affirmation de soi pour une Jane qui s'assume et ne dépend plus du regard des autres (le film a d'ailleurs adouci un élément intéressant du livre où l'hôtel était habité par des prostituées auxquelles l'héroïne dans son sentiment de culpabilité pouvait se trouver associée). Leslie Caron offre une prestation époustouflante ou le désespoir se dispute au courage et à la détermination. Ardente ou hébétée et en plein doute, elle dégage une intensité et une émotion de tous les instants. Sa performance lui vaudra un Golden Globe et une récompense au BFTA ainsi qu'une nomination à l'Oscar. La mise en scène sobre de Bryan Forbes saisit tous ses tourments porté par le beau noir et blanc de la photographie de Douglas Slocombe avec une poésie qui permet d'illustrer d'étonnement osées scènes charnelle mais cela aurait été un comble si le film avait été timoré là-dessus vu le sujet.

L'affiche annonce la couleur avec ce Sex is not a forbidden word comme slogan. Une belle et touchante fin ouverte laisse désormais Jane maîtresse de son destin même s'il lui en a coûté. La conclusion du livre était plus ouverte encore puisque Jane en laissant le manuscrit (nommé The L-Shaped Room) dans la chambre vide de Tobey lui disait qu'elle l'avait apprécié mais que l'histoire "n'était pas finie" et Lynne Reid Banks donna en effet deux suites à son ouvrage. Pour les amateurs de pop anglaise et fans des Smiths, le sample de "Take Me Back To Dear Old Blighty" entendu au début de leur chanson "The Queen is dead" provient d'une des séquences du film.

Sorti en dvd zone 2 anglais et dépourvu de sous-titres

Extrait

2 commentaires:

  1. J'adore le film et le livre! Tu parles toujours du cinéma que j'aime...

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  2. Merci ! Mine de rien Bryan Forbes est en train de devenir un de mes réalisateurs anglais favoris de cette période surtout avec avec ces premiers films. C'est à chaque fois de belle surprises mon préféré restant "Whistle down the wind". Il a un vrai talent pour traiter de sujets très difficile.

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