mercredi 12 janvier 2011
La Furie du Désir - Ruby Gentry, King Vidor (1952)
Dans un refuge de chasseurs, les notables d'une petite ville de Virginie se retrouvent de temps à autre. Mais ne viennent-ils pas en fait pour la sauvage Ruby Gentry, la fille des marais ? Sauvageonne élevée par Letitia Gentry, l'épouse de Jim Gentry l'homme le plus puissant de la ville, Ruby n'a d'yeux que pour Boake Tackman, l'une des grosses fortunes de la région...
Ulcéré par la tyrannie de son producteur David O'Selznick durant la production de Duel au Soleil, King Vidor avait quitté le tournage de ce film dont il se voyait dépossédé avec fracas. Quelques années plus tard lui était donnée l'occasion de montrer ce qu'aurait dû être sa version de Duel au Soleil avec ce Ruby Gentry à la trame et aux thèmes voisins. S'étant mis à l'abri de toute interférence extérieure en produisant le film lui même, Vidor pousse le mimétisme jusqu'à reprendre Jennifer Jones dans une sorte de relecture du rôle de Pearl Chavez de Duel au Soleil, comme pour reprendre son brouillon où il l'avait laissé.
L'ensemble se déroule donc comme un Duel au Soleil dont on aurait retiré toute la grandiloquence baroque de O'Selznick, mais certainement pas la fièvre. Le cadre est plus modeste avec une petite ville côtière en essor de Caroline du Nord, où on retrouve un couple à la passion fiévreuse et destructrice non plus séparé par la race, mais par la question sociale. Ruby (Jennifer Jones) jeune fille de condition modeste n'a d'yeux que pour Boake (Charlton Heston) meilleur parti de la région qui la désire ardemment. Comme souvent chez Vidor (Le Rebelle ou Duel au Soleil encore) cette passion ne s'exprime totalement que dans une certaine brutalité et bestialité symbolisé par les étreintes furieuses des deux amants. Cette violence, Vidor parvient à l'incarner dans les personnalités de ses deux héros en l'associant à ce Sud des Etats-Unis encore régis par le clivage des classe. Ruby malgré ses origines a reçu une éducation de femme du monde et n'accepte plus la rudesse des assauts de Boake sans la promesse d'un engagement mais ce dernier par ambition va en épouser une autre.
Jennifer Jones dans un rôle qu'elle connaît bien (La Renarde et Duel au Soleil sont tout aussi emblématique de ses rôles de sauvageonnes indomptables) irradie l'écran d'intensité et de passion même si Vidor semble avoir réussi à apporter une certaine mesure à son jeu tout en excès. Charlton Heston pas encore auréolé du port princier de ses grands rôles historique affiche un mélange idéal de masculinité virile et de fragilité notamment lors de la très belle scène où il remonte en voiture avec Jennifer Jones après l'inondation de ses plantations. Le cadre rural tel que filmé par Vidor s'avère autant symbole de camaraderie chaleureuse qu'un monde restreint dont les habitants ne doivent surtout pas échapper. Les premières séquences nous montre une Ruby entourée, objet de toutes les attentions et d'une présence érotique sauvage et enivrante tel cette mémorable première apparition de Jennifer Jones en ombre aux courbes troublantes dans l'embrasure d'une cabane. C'est lorsqu'elle cherchera à sortir du rang et dépasser sa condition que le cadre se resserre, l'isole dans des espaces de plus en plus vide que ce soit une réception ratée ou ses appartements où elle rumine sa vengeance face à ceux qui l'ont méprisés.
Alors du coup Vidor fait il mieux que Duel au Soleil ? Pas forcément. Le côté hypertrophié qui pouvait déranger (et fasciner) dans le film de 1946 est absent, mais certaines scories qui pouvaient passer dans l'excès général sont plus dérangeante ici. La narration en voix off de l'insipide personnage du médecin n'était vraiment pas nécessaire et apporte une distance inutile sur les évènement et surtout celui du frère exalté religieux paraît très excessif (surtout la conclusion) dans la tonalité plus mesurée de Ruby Gentry. Vidor semble également vouloir opposer à la durée surgonflée de Duel au Soleil (amenée par la volonté de O'Selznick de refaire un Gone with the wind) une narration plus concise (le film dure à peine 1h22) mais du coup certaines séquence s'enchaînent bien trop vite comme le mariage avec Karl Malden qui se déroule dans la foulée de l'enterrement de sa femme où le final très abrupt.
Bien qu'imparfait le film est tout de même brillant par ses éclairs de cruautés et de noirceur, la terrible revanche de Ruby après la vindicte dont elle est victime (superbe scène où les automobilistes se déchaînent à sa porte) est saisissante Vidor trouve de belles idées pour faire savourer sa revanche comme ce plan sur son visage impassible en lunette noires lorsqu'elle ruine les espoirs de Boake. La dernière scène dans les marais brumeux de studio n'est d'ailleurs pas loin d'égaler celle inoubliable de Duel au Soleil s'il n'y avait cet épilogue en voix off lourdaud.
Sorti en dvd zone 1 chez MGM et doté de sous titres français.
Pour les intéressés une analyse filmique par Luc Moullet
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Elle m'a l'air bien fascinante, cette Jennifer Jones... ;)
RépondreSupprimerJ'ai déjà vu une vieille affiche promo du film, mais j'ignorais le lien avec "Duel au soleil".
Je note ces deux films dans mes tablettes !
Je suis en train d'écrire un billet où il est fait mention de ton blog, j'espère que ça ne t'ennuie pas. Enfin bon, tu verras bien quand l'article sera publié, mais c'est plutôt pour faire l'éloge de ce que tu écris qu'autre chose, alors... ^^
Pas de soucis pour l'article je ne vais pas me plaindre d'un peu de publicité ;-)
RépondreSupprimerEt sinon pour Jennifer Jones je crois que ceux qui suivent le blog régulièrement vont finir par tilter toutes mes actrices hollywoodiennes fétiches à forces de dithyrambes ^^
Ah ben finalement je viens de lire ce que tu as écris très touché merci ;-)
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