Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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samedi 22 juin 2013

Frisco Jenny - William A. Wellman (1932)


Frisco Jenny est devenue orpheline durant le tremblement de terre de San Francisco en 1906. Plus tard, elle se retrouve patronne d'une maison de débauche. Ayant mis son fils dans une famille d'adoption, celui-ci, après avoir suivi des études de droit, devient procureur et est désigné pour instruire un procès afin d'éradiquer la prostitution dans la ville…

Un très grand mélodrame qui affirme définitivement Wellman comme un des maîtres du genre en ce début des années 30, lui qui signera l'un des plus grands de la décennie avec sa première version de une étoile est née en 1937. Avec Frisco Jenny il réalise en quelque sorte la matrice de quelques grands mélodrames "maternels" à venir comme À chacun son destin de Mitchell Leisen (1946) ou encore Madame X (1966) (encore que pour ce dernier le script de Wilson Mizner sur Frisco Jenny doit sans doute déjà pas mal à la pièce originale et antérieure de Alexandre Bisson) mais ici rehaussé par la provocation Pré-Code et le sens de la tragédie qu'instaure Wellman.

Le récit est celui d'une femme dont la maternité perdue représente le seul îlot d'une existence scandaleuse aux yeux des autres. Le début du film voit la jeune Jenny Sandoval (Ruth Chaterton) tout perdre dans le tragique tremblement de terre de 1906, sa situation, son père et son fiancé. Quelque chose a cependant survécu des décombres et constituera son seul lien émotionnel désormais : elle est enceinte. Ce fils deviendra l'objet de bien des renoncements et sacrifices pour Jenny, l'immoralité apparente du personnage (en plein ascension par la réussite dans le proxénétisme et le trafic d'alcool) contrebalançant constamment avec la mère dévouée que tout le monde ignore.

Le scénario la fait ainsi constamment naviguer entre deux eaux, le stupre et la pureté d'âme, la seconde provoquant cruellement le basculement dans la première. En début de film, ses fiançailles lui promettraient un horizon plus noble que le commerce douteux de son père mais le tremblement de terre vient briser ces beaux projets. Devenue mère, la pauvreté l'obligera à se prostituer puis à développer un talent certain dans le crime. Cette facette prendra un tour tragique dans la dernière partie où c'est celui auquel elle a tout sacrifié qui la conduira à perte, le fils adopté et devenu procureur se faisant l'inquisiteur impitoyable de sa propre mère.

Le brio narratif de Wellman fait merveille pour dépeindre cette destinée tragique, le récit fonctionnant ainsi par ellipse où nous faisant presque à chaque fois redécouvrir Jenny et son environnement toujours plus luxueux et scandaleux le rebondissement concluant la séquence précédente déterminant toujours un peu plus la dépravation croissante de la suivante.

Drame et perdition morale sont toujours constamment liés dans la trajectoire de notre héroïne, culminant lors de la formidable scène du tribunal. Le montage alternant la diatribe du procureur, le visage désapprobateur des jurés et le visage accablé de Jenny fait sonner chaque mot comme un coup de poignard quand on connaît les raisons de ses méfaits.

Ruth Chaterton (qui avait expérimenté justement ce type de personnage avec une version de Madam X en 1929) est bouleversante, visage de poupée de porcelaine progressivement altéré par la vie, tout aussi digne et déterminée des bouges sordides à la solitude de sa prison en conclusion. Dans ue magnifique idée visuelle finale, Wellman illustre symboliquement sa mort avec la brûlure des photos de son fils, la faisant disparaitre avec les images de celui pour lequel elle s'est tant raccrochée à la vie.

Sorti en dvd zone 2 français chez Warner dans la collection Pré-Code

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