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dimanche 30 juin 2013

L'Étrangleur de la Place Rillington - 10 Rillington Place, Richard Fleischer (1971)


En 1944, à Londres, une jeune femme est tuée par asphyxie, puis violée par l'homme chez qui elle était venue demander de l'aide et qu'elle avait pris pour un médecin, John Reginald Christie, un policier suppléant. En 1949, le même Christie, toujours faux médecin, propose ses services à Beryl Evans, une jeune femme qui veut avorter de son deuxième enfant.

10 Rillington Place est pour Richard Fleischer l’achèvement de ce qui forme dans sa filmographie une trilogie consacrée à la figure du serial killer. Assassin sans visage (1949) avait posé tous les motifs narratifs et visuels récurrents associés au serial killer mais bien que demeurant un thriller efficace restait limité par sa nature de film noir et de série B à petit budget. Fleischer allait s’affranchir de toutes ces règles avec le mémorable  L'Étrangleur de Boston (1968), rigoureuse et virtuose évocation des méfaits du vrai assassin Albert De Salvo. Le réalisateur explore le thème une dernière fois dans  10 Rillington Place où il saura à adopter une approche encore différente des précédentes tentatives.

Fleischer semble ici tout à la fois dans la continuité de L'Étrangleur de Boston mais aussi dans son antithèse. Comme le film de 1968, le film s’inspire d’une histoire vraie en retraçant le parcours meurtrier de John Reginald Christie en Angleterre durant les années quarante et plus particulièrement de l’ouvrage éponyme de Ludovic Kennedy. Fleischer retrouve également des velléités réalistes en tournant sur les lieux même du drame (même si cela se fera au 6 plutôt qu’au 10 Rilngton Place) et en respectant  méticuleusement la chronologie des évènements. Les similitudes s’arrêtent là puisque Fleischer va totalement adapter la forme à ce tout autre type de serial killer qu’est John Reginald Christie.

10 Rilington Place, est un film beaucoup plus austère que les deux autres tentatives, presque plus un drame intimiste qu’un thriller. L’intrigue s’attardera surtout sur le meurtre de Beryl Evans et de son bébé, crime pour lequel le mari de la victime fut accusé et exécuté. La théorie de Ludovic Kennedy (et de l’opinion publique anglaise) et reprise par Fleischer faisait de Christie le vrai coupable bien que cela n’ait jamais été prouvé au contraire de ses autres méfaits. Hormis celui-là, tous les autres meurtres sont fugaces, seulement suggérés où découverts après coup de manière macabre. 

La scène d’ouverture pose l’ambiance avec un meurtre nous présentant la méthode de Christie. Contrairement à Albert De Salvo dont les pulsions surgissent de façons spontanées et bestiales, Christie est un homme réfléchi et manipulateur qui murit et fantasme longuement ces meurtres. Dans cette première scène, il accueille une collègue venu pour tester le remède qu’il lui préconise contre sa bronchite, les médicaments étant rares dans cette Angleterre soumise au Blitz. Incarné par un stupéfiant Richard Attenborough, Christie apparaît comme un être inoffensif avec cette allure rabougrie, cette voix fluette et le visage impassible derrière d’épaisse lunettes. Il inspire confiance et pitié à la fois et vous piège en vous mettant à l’aise avant que ses instincts primaires ne ressurgissent. Ce premier crime déroule une scène quasi anodine de discussion avant que Christie fasse gouter sa mixture à la malheureuse victime, le remède étant un gaz qui va l’endormir et la laisser à la merci du tueur. 

La suite déploie finalement sur une durée plus étendue le déroulement de cette ouverture. Le couple Beryl (Judy Geeson) et Timothy (John Hurt) Evans loue un appartement dans l’immeuble tenu par John Christie. Jeune, inexpérimenté et ayant du mal à joindre les deux bouts, le couple se déchire et se trouve dans une impasse lorsque Beryl va se trouver enceinte. Tout le caractère suave et manipulateur de Christie va alors se manifester lorsqu’il proposera ses services pour aider la jeune femme à avorter, prétexte à utiliser son « savoir-faire » médical et abuser d’elle. Cette allure quelconque dissimule une volonté de fer poussant autant Beryl à s’en remettre à lui que plus tard une fois l’horreur commise Timothy (remarquable John Hurt en homme faible et simple d’esprit) à s’accuser du crime.

A la virtuosité de L'Étrangleur de Boston, Fleischer oppose là un ton glacial et claustrophobe. L’insaisissable et longtemps invisible Alfred De Salvo amenait le réalisateur à varier les lieux, les ambiances et la manière de nous y baigner par des choix esthétiques forts (les split-screen ou le final neurasthénique). Cette fois la forme épouse la médiocrité du tueur qui nous est connu d’emblée, avec cette photo terne de Denys N. Coop, les appartements insalubres et un quartier quelconque qu’on ne quitte jamais, renforçant le sentiment de claustrophobie.

On est enfermé dans ce cadre grisâtre comme Christie l’est dans son existence triste. Ses crimes viennent comme perturber ce contexte réaliste et Fleischer avec un minimum d’effet (les yeux révulsé de Christie lorsque les effets du gaz font leur effet et que la victime est en son pouvoir) crée un malaise saisissant, comme si le mal absolu était venu soudain envahir le réel terne.

La conclusion suivant la vraie arrestation de Christie bien après les évènements lui offre la déchéance et la chute qu’il mérite, bien loin de la flamboyance du final de L'Étrangleur de Boston. 10 Rillington Place est sans doute le plus glaçant des trois films par sa sobriété. Jamais la possible existence d’un monstre tapi au coin de la rue ne nous aura parue aussi plausible.

Sorti en dvd zone 2 anglais et doté de sous-titres anglais 

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