En 1944, à Londres, une jeune femme est tuée par asphyxie, puis violée par l'homme chez qui elle était venue demander de l'aide et qu'elle avait pris pour un médecin, John Reginald Christie, un policier suppléant. En 1949, le même Christie, toujours faux médecin, propose ses services à Beryl Evans, une jeune femme qui veut avorter de son deuxième enfant.
10 Rillington Place
est pour Richard Fleischer l’achèvement de ce qui forme dans sa filmographie
une trilogie consacrée à la figure du serial killer. Assassin sans visage (1949) avait posé tous les motifs narratifs
et visuels récurrents associés au serial killer mais bien que demeurant un
thriller efficace restait limité par sa nature de film noir et de série B à
petit budget. Fleischer allait s’affranchir de toutes ces règles avec le
mémorable L'Étrangleur de Boston (1968), rigoureuse et virtuose évocation des
méfaits du vrai assassin Albert De Salvo. Le réalisateur explore le thème une
dernière fois dans 10 Rillington Place où il saura à adopter une approche encore
différente des précédentes tentatives.
Fleischer semble ici tout à la fois dans
la continuité de L'Étrangleur de Boston
mais aussi dans son antithèse. Comme le film de 1968, le film s’inspire d’une
histoire vraie en retraçant le parcours meurtrier de John Reginald Christie en
Angleterre durant les années quarante et plus particulièrement de l’ouvrage
éponyme de Ludovic Kennedy. Fleischer retrouve également des velléités réalistes
en tournant sur les lieux même du drame (même si cela se fera au 6 plutôt qu’au
10 Rilngton Place) et en respectant méticuleusement la chronologie des évènements.
Les similitudes s’arrêtent là puisque Fleischer va totalement adapter la forme
à ce tout autre type de serial killer qu’est John Reginald Christie.
10 Rilington Place,
est un film beaucoup plus austère que les deux autres tentatives, presque plus
un drame intimiste qu’un thriller. L’intrigue s’attardera surtout sur le
meurtre de Beryl Evans et de son bébé, crime pour lequel le mari de la victime
fut accusé et exécuté. La théorie de Ludovic Kennedy (et de l’opinion publique
anglaise) et reprise par Fleischer faisait de Christie le vrai coupable bien
que cela n’ait jamais été prouvé au contraire de ses autres méfaits. Hormis
celui-là, tous les autres meurtres sont fugaces, seulement suggérés où
découverts après coup de manière macabre.
La scène d’ouverture pose l’ambiance
avec un meurtre nous présentant la méthode de Christie. Contrairement à Albert
De Salvo dont les pulsions surgissent de façons spontanées et bestiales,
Christie est un homme réfléchi et manipulateur qui murit et fantasme longuement
ces meurtres. Dans cette première scène, il accueille une collègue venu pour
tester le remède qu’il lui préconise contre sa bronchite, les médicaments étant
rares dans cette Angleterre soumise au Blitz. Incarné par un stupéfiant Richard
Attenborough, Christie apparaît comme un être inoffensif avec cette allure
rabougrie, cette voix fluette et le visage impassible derrière d’épaisse
lunettes. Il inspire confiance et pitié à la fois et vous piège en vous mettant
à l’aise avant que ses instincts primaires ne ressurgissent. Ce premier crime
déroule une scène quasi anodine de discussion avant que Christie fasse gouter
sa mixture à la malheureuse victime, le remède étant un gaz qui va l’endormir
et la laisser à la merci du tueur.
La suite déploie finalement sur une durée plus étendue le
déroulement de cette ouverture. Le couple Beryl (Judy Geeson) et Timothy (John
Hurt) Evans loue un appartement dans l’immeuble tenu par John Christie. Jeune,
inexpérimenté et ayant du mal à joindre les deux bouts, le couple se déchire et
se trouve dans une impasse lorsque Beryl va se trouver enceinte. Tout le
caractère suave et manipulateur de Christie va alors se manifester lorsqu’il
proposera ses services pour aider la jeune femme à avorter, prétexte à utiliser
son « savoir-faire » médical et abuser d’elle. Cette allure
quelconque dissimule une volonté de fer poussant autant Beryl à s’en remettre à
lui que plus tard une fois l’horreur commise Timothy (remarquable John Hurt en
homme faible et simple d’esprit) à s’accuser du crime.
A la virtuosité de L'Étrangleur
de Boston, Fleischer oppose là un ton glacial et claustrophobe. L’insaisissable
et longtemps invisible Alfred De Salvo amenait le réalisateur à varier les
lieux, les ambiances et la manière de nous y baigner par des choix esthétiques
forts (les split-screen ou le final neurasthénique). Cette fois la forme épouse
la médiocrité du tueur qui nous est connu d’emblée, avec cette photo terne de Denys
N. Coop, les appartements insalubres et un quartier quelconque qu’on ne quitte
jamais, renforçant le sentiment de claustrophobie.
On est enfermé dans ce cadre
grisâtre comme Christie l’est dans son existence triste. Ses crimes viennent
comme perturber ce contexte réaliste et Fleischer avec un minimum d’effet (les
yeux révulsé de Christie lorsque les effets du gaz font leur effet et que la
victime est en son pouvoir) crée un malaise saisissant, comme si le mal absolu
était venu soudain envahir le réel terne.
Sorti en dvd zone 2 anglais et doté de sous-titres anglais
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