Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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mardi 8 juin 2021

Les Exilés romantiques - Los exiliados románticos, Jonas Trueba (2015)

Une fourgonnette, l’été devant soi et une envie de dévorer des kilomètres... soit les parfaits ingrédients d’un road movie alternatif entrepris par trois amis trentenaires en mal d’aventure. Sur fond de musique folk signée Tulsa, le trio s’arrête à Paris, Toulouse et Annecy, à la recherche d’amours éphémères et idylliques.

Quelques années avant son récent et magnifique Eva en août (2020), Jonas Trueba nous proposait déjà une belle errance estivale, romantique et existentielle avec Les Exilés romantiques. On trouve déjà là un récit à la narration volontairement lâche, ici avançant au rythme des pérégrinations d’un trio d’amis voyageant entre l’Espagne et la France. Luis (Luis E. Parés), Vito (Vito Sanz) et Francesco (Francesco Carill) sillonnent donc les routes à bord de leur fourgonnette orange, entre indolence et rires potaches. Sous la langueur apparente, le récit se structure à travers les villes et les rencontres que chacun des personnages va y faire, entre Toulouse, Paris et Annecy. Chaque étape correspondra à des retrouvailles amoureuses (effectives ou espérées) qui correspondront à un certain questionnement sur le passage à l’âge adulte, les responsabilités, la quête amoureuse. 

La très courte durée du film (un peu plus d’une heure) rend chacun de ces moments très fugaces, participant à l’inconséquence et aux atermoiements des personnages sans s’appesantir outre mesure. Ce ne sera qu’au fil des situations, interactions et bribes d’informations glanées au détour d’un dialogues que les petits manques de chacun se révèleront. Ainsi Francesco retrouve à Toulouse Renata (Renata Antonante), jeune femme amoureuse de lui mais avec laquelle il ne se résout pas à entamer une relation plus sérieuse. On devine un certain narcissisme et une habitude de se dissimuler sous un mal-être factice pour fuir les attentes, ce que Jonas Trueba laisse transparaître en situation lorsqu’il interprète à sa façon une lecture commune, mais aussi par le regard de ses amis qui ont l’habitude (et regrettent) de le voir se comporter ainsi face à ses petites amies. 

Plus tard ce seront les retrouvailles parisiennes entre Luis et Isabelle (Isabelle Stoffel), où cette fois la quête de stabilité un peu bohème de la jeune femme (qui souhaite devenir mère) se heurte à la fuite en avant de l’éternel étudiant Luis englué depuis des lustres dans sa thèse. Là encore l’éternelle post adolescence est un refuge, une manière de prolonger une jeunesse qui commence à nous échapper. Cette éternelle candeur s’incarnera avec Vito qui renoue avec une Française et amour d’un été (Vahina Giocante) à laquelle il vient faire une aussi touchante que maladroite déclaration d’amour. La réaction embarrassée de cette dernière annonce d’emblée l’échec de la tentative, qui donne un moment aussi poignant qu’embarrassant. Cette fois c’est le pragmatisme de l’âge adulte (la distance géographique qui rend difficile une vraie relation) qui vient briser les espoirs romantiques de Vito. 

Jonas Trueba ne fige aucun des protagonistes dans leur perspectives initiales, mais ne fait néanmoins pas reposer leur évolution sur une grand révélation, un aspect plus dramatique. Ce sont tout simplement les moments passés ensembles, les gestes furtifs et les regards tendres qui font changer les comportements initiaux. Le réalisateur travaille cette tendresse assumée avec pudeur, filmant chaque rapprochement à distance, dans des plans d’ensemble où le romantisme naît du décorum de chacune des villes et en illustrant l’accomplissement (le baiser et/ou les paroles douces échangées) et l’espoir (le regard des deux autres amis heureux et implicitement en attente d’un même bonheur) au sein de la même image. 

Même l’échec de Vito sera une forme de soulagement d’avoir ouvert son cœur et Trueba réunit alors l’ensemble de ses protagonistes libérés de leurs entraves intimes comme sociétales (le dernier dialogue sur le test de Bechdel) pour saluer leur communion le temps d’une baignade dans un magnifique panorama d’Annecy. Toutes les qualités qui brilleront dans une matière plus étirée et maîtrisée dans le futur Eva en août (la bande-son folk, le côté hors du temps notamment lorsque l’amorce d’une discussion politique est évacuée) s’expriment déjà là de fort belle manière. 


 Sorti en dvd zone 2 français chez Arizona Distrib en bonus du dvd de "Eva en août"

 

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