Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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dimanche 20 juin 2021

Evil Dead Trap - Shiryo no wana, Toshiharu Ikeda (1988)

Une jeune fille travaillant pour une station de télévision reçoit une cassette vidéo aux allures de snuff movie sur laquelle on voit une fille attachée, torturée et enfin assassinée. Elle décide de faire une enquête et de partir avec une équipe sur les lieux de tournage de cette vidéo. Une fois sur place, les différents membres de l'équipe sont décimés par un étrange tueur masqué.

Toshiharu Ikeda avait montré dès ses débuts une vraie appétence pour le cinéma d'épouvante puisque même soumit au cahier des charges des Roman Porno de la Nikkatsu, il avait pu poser des atmosphères oppressantes et une vraie tension psychologique dans un film comme Angel Guts : Red Porno (1981). En conflit avec le studio lors de la production du film, il le quitte pour signer en indépendant Mermaid Legend (1984), mémorable film de vengeance au féminin où il démontre à nouveau de sacrés aptitudes pour le thriller. Il va donc enfin franchir le pas pour signer la première vraie variation japonaise du slasher avec Evil Dead Trap. Le scénario est signé Takashii Ishii, scénariste/mangaka/cinéaste à l'imaginaire aussi foisonnant que tordu, et fidèle collaborateur d'Ikeda (il est au script de Angel Guts : Red Porno et Mermaid Legend) qui excelle à mettre en image ses idées les plus folles. 

Le postulat voit Nami (Miyuki Ono qu'on verra l'année suivante dans Black Rain de Ridley Scott) la jeune présentatrice Nami d'une émission à sensation partir avec son équipe sur les traces d'une cassette vidéo sordide qui lui a été envoyée afin d'en ramener un scoop croustillant. En remontant la piste, le groupe se retrouve dans une usine désaffectée où ils vont être méthodiquement décimés par un tueur masqué adepte des pièges les plus pervers et douloureux. Rien de nouveau dans la routine du slasher mais l'imaginaire déviant de Takashi Ishii et la mise en scène de Toshiharu Ikeda vont faire toute la différence. On a souvent, en raison de son titre anglais vu le film comme un décalque japonais du Evil Dead de Sam Raimi (1982) et surtout comme une reprise de l'imagerie du Dario Argento de Suspiria (1977). En effet le décor insalubre de l'usine est un personnage à part entière qui place le spectateur dans un profond sentiment de malaise où Ikeda déploie la terreur et la violence en jouant sur plusieurs registres.

Cela peut surgir de façon frontale, sanglante et réaliste où le tueur manie avec dextérité l'arme blanche, psychologique avec un mystérieux individu dont la schizophrénie semble la cause du chaos ambiant, user du mindgame le plus cruel avec certains dispositifs de pièges d'un sadisme éprouvant. La photo de Masaki Tamura trouve un équilibre ténu entre crudité austère et stylisation gothique où se déploient des éclairages baroques teinté de bleu pour les moments d'attentes angoissées ou de couleurs chaude comme le rouge et le jaune lorsque l'impensable se produit, l'innommable surgit. Face au allusions fréquentes de la critique internationale, Ikeda déclara n'avoir jamais vu les films d'Argento. On peut tout à fait le croire en dépit des réminiscences évidentes (l'envoutante bande-son synthétique de Tomohiko Kira rappelant les Goblins, le mystère familial le fétichisme façon giallo) puisque l'imagerie du Argento de Suspiria se retrouve déjà dans un le cinéma d'exploitation japonais comme Le Couvent de la bête sacrée (1974) et c'est finalement une boucle d'une certaine esthétique qui traverse le cinéma de genre cette période 70/80.

Ikeda tire le meilleur de certains éléments connu du thriller et de l'horreur pour en faire une synthèse qui n'appartient qu'à lui, notamment par la forme. Un des meurtres les plus stupéfiants du film voit le découpage de l'exécution se faire en une suite de flashs saccadés (la victime étant une photographe délestée de son appareil) en vision infra-rouge où chaque image rapproche le bourreau de sa victime. Une autre exécution rend hommage à la scène choc de Un Chien andalou de Luis Bunuel. On passe de tunnels aux murs suintant à des environnements maniérés dont la topographie et l'éclairage reflète l'esprit torturé du tueur, où Nami représente l'obsession du prédateur dans une idée de mise en abîme (le travail sur la multiplicité des écrans) mais aussi de projection œdipienne. 

Mais même là où l'on croit voir venir des relents de Psychose, la confrontation finale lorgne sur la body-horror à la Cronenberg où les effets de Shinichi Wakasa (concepteur de costume sur de nombreux films de la saga Godzilla) révulsent autant qu'ils fascinent. Toshiharu Ikeda emprunte finalement le squelette d'intrigues, situations et idées du cinéma de genre de l'époque pour les transcender en les emmenant sur des terrains toujours surprenants et finalement assez précurseurs (James Wan entre les Saw et les Conjuring y a pioché à coup sûr). Du vrai cinéma d'horreur dans tout ce qu'il a d'inventif et de transgressif en somme. Le succès de ce film initiera deux suites, Evil Dead Trap 2 réalisé par Izō Hashimoto en 1991 et Evil Dead Trap 3 qui verra le retour de Toshiharu Ikeda. 

Sorti en dvd zone 2 anglais et américain et doté de sous-titres anglais

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