Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram
La Vénitienne - La Venexiana, Mauro Bolognini (1986)
A Venise, alors que la population
redécouvre la joie de vivre après les années de peste noire, Valeria et
Angela, deux femmes nobles et respectables, remarquent dans la foule un
jeune et bel étranger, plein de charme. Chacune d'elle va, à sa manière,
tenter de conquérir le jeune homme devenu objet de convoitise pour une
nuit d'amour. C'est d'abord Angela qui fait rechercher l'inconnu par son
valet Bernardo qui réussit à convaincre le jeune homme de le suivre...
Avant-dernier film de Mauro Bolognini, La Venexiana
voit le réalisateur offrir une véritable ode au désir et son œuvre la
plus charnelle. Bolognini cherche ici à capturer l'esprit régnant à une
période donnée de la Venise du XVIe siècle. De la mi-juin 1575 à
décembre 1576, la ville subit les ravages d'une épidémie de peste qui
décime la population. Longtemps cloitrés et/ou soumis à la quarantaine,
les survivants sont donc animés d'un désir de vivre pleinement se
traduisant par un éveil des sens qui imprègne la ville d'un torrent de
sensualité.
Bolognini explore cet état d'esprit à travers le destin de
trois personnages le temps d'une nuit fort animée. Un bel étranger
(Jason Connery) de passage à Venise et en quête de sensation va affoler
la libido d'Angela (Laura Antonelli) veuve trop longtemps isolée et
Valeria (Monica Guerritore), jeune femme mariée et également issue de la
noblesse. Ce statut social (ainsi que la stricte condition de veuvage
pour Angela) les soumet à une retenue d'autant plus pénible alors que le
stupre submerge la ville, la caméra de Bolognini voguant joyeusement
dans des ruelles où s'animent joyeusement seins nus des prostituées. Comme pour signifier le changement de mentalité, la rencontre et le coup
de foudre intervient durant une procession religieuse où les regards de
Valeria et l'étranger se croise, avant que ce dernier heurte
accidentellement Angela. Ce désir surgissant de manière brutale et
incontrôlable, Bolognini ne fait preuve d'aucune subtilité et
raffinement inutile en particulier concernant le personnage de Laura
Antonelli. Dès son réveil, Angela scrute avec envie les étreintes
animant les tableaux qui ornent sa demeure et lorsqu'elle percute Jason
Connery, son regard s'attarde autant sur ses traits angéliques que son
entrejambe.
Bolognini lorgne même sur l'érotisme soft lors d'une scène
presque saphique où Angela va faire part de son désarroi et demander
conseil sexuel à sa servante Nena (Clelia Rondinella) dans sa chambre,
le geste se joignant à la parole. La maîtrise visuelle coutumière de
Bolognini évite à l'ensemble de sombrer dans la vulgarité, le
réalisateur sachant faire monter la tension sexuelle puis la laisser
exploser dans un savant équilibre où les étreintes se font crues et
délicate à la fois. C'est d'ailleurs cette tonalité contrastée qui fait le charme du film.
Le joyeux marivaudage (les échanges piquants avec le pétillant
personnage d'Oria, servante de Valeria jouée par Cristina Noci) alterne
avec le romantisme le plus exalté (les envolées poétiques entre Jason
Connery et Laura Antonelli se dévorant des yeux) et une sensualité moite
où le sexe ardent et amusé (le montage alterné sur les galipettes plus
farceuses de la domestique d'Angela) cohabitent avec entrain. Ce côté
décomplexé fait éviter tous les pièges aux différentes directions de
l'intrigue. Chaque personnages suit ses envies et vit dans l'instant et
sans s'inscrire dans un cliché. Il n'y a plus de clivage homme/femme lorsqu'ils se confrontent à leur passions comme l'annonce la citation d'ouverture.
Jason Connery (jamais nommé) pourrait paraître machiste en bellâtre
profitant de deux jeunes femmes mais est au contraire aussi sincère
quand il déclare sa flamme à chacune d'elle dans cette nuit sans
lendemain. Monica Guerritore figure tout d'abord la noble hautaine
s'amusant du désir qu'elle provoque mais abandonnée à son tour mettra
toute fierté de côté pour rattraper déguisée en homme l'objet de ses
fantasmes. Laura Antonelli n'est quant à elle jamais meilleure que quand
elle joue des personnages inversement confiant du charme affolant
qu'ils affichent à l'écran, que ce soit dans un registre comique (la
femme au foyer soumise aux fantasmes de son époux dans Ma femme est un violon, l'aristocrate faussement prude de Mon dieu comment suis-je tombée si bas) ou dramatique (l'épouse trompée et introvertie de L'Innocentde
Visconti). Ici elle affiche une quarantaine resplendissante pour jouer
une femme mûre doutant de son attrait, dévoré par un désir incandescent
et qui va s'abandonner comme jamais le temps d'une nuit torride. C'est finalement la dernière occasion d'admirer sa beauté dans un grand rôle avant les déboires dramatiques qu'elle connaîtra avec la chirurgie esthétique.
Bolognini fait comme souvent des miracles dans sa reconstitution avec un
budget qu'on devine modeste. Il saisit dans des tableaux captivant les
tranches de vies de ce quotidien vénitien (gondoliers, travailleurs...)
qui s'estompe la nuit venue pour illustrer l'animation des tavernes,
l'ombres des couples dans les coins sombres des ruelles. Le resserrement
des environnements et donc les scènes d'intérieurs laissent voir les
cadres chargés de symboles et les scènes sexuelles où s'expriment
l'attente, la satisfaction et la langueur de l'après avec une force
rare. C'est ce sentiment d'éphémère qui fait si bien passer cette gamme
d'émotion, ce dont sont bien conscient nos personnages conscient d'avoir
vécu un instant unique auquel ils ne se raccrochent que par le souvenir
qu’ils sauront en garder, sans s'attarder. Laura Antonelli fermant ses
volets et ce plan final de gondole s'éloignant au loin dise cela de la
plus belle des façons, par l'image dans les sublimes derniers instants
du film.
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