Dans l'Empire russe,
en 1885, les souris sont de plus en plus menacées par la race féline. La
famille Souriskewitz décide de mettre un terme à son triste sort en émigrant
aux États-Unis, terre pleine de promesses où, se murmure-t-il, il y a des
miettes de pain sur toutes les armoires et on n'y rencontre pas de chat.
Pendant le voyage en bateau, le fils de la famille, Fievel, est
malencontreusement séparé des siens lors d’une tempête et disparaît en mer.
Pensant que Fievel s'est noyé, les autres membres de la famille arrivent à New
York.
Don Bluth avait démontré avec Brisby et le Secret de NIHM (1982) qu’il était possible de réaliser
un film d’animation complexe et formellement ambitieux hors du giron des
Studios Disney alors en pleine déroute artistique. Malheureusement le public ne
fut pas au rendez-vous pour diverses raisons – la confusion dû à la dichotomie
entre l’univers inquiétant du film et le design des héros à la Disney -, et la
structure Don Bluth Productions
conçue pour produire le film mettra la clé sous la porte. Don Bluth se renfloue
en concevant avec ses acolytes de toujours Gary Goldman et John Pomeroy le jeu
vidéo Dragon's Lair qui surfe sur le
succès des salles d’arcade à l’époque. Cependant la beauté ténébreuse de Brisby aura marqué un certain Steven
Spielberg qui veut ajouter la corde animation à la l’arc de sa société de
production Amblin. Au-delà de l’aspect business, cela relève aussi d’un vœu
plus personnel de Spielberg qui souhaite rendre hommage à son grand-père
maternel, émigrant juif venu de Russie dont le surnom était Fievel. Il voit
donc en Don Bluth l’illustrateur idéal et relance celui-ci dans une production
ambitieuse financée par coproduite par Universal.
Spielberg engage donc les scénaristes Judy Freudberg, et Tony Geiss pour mettre en forme l’histoire sous sa supervision et celle de Don Bluth. Tous partagent (avec également la productrice Kathleen Kennedy) de même racines avec des grands-parents émigrants juifs ce qui marquera fortement le ton du film mais également certains choix comme associer justement les souris au peuple juif et les chats à des oppresseurs qu’on pourrait associer aux nazis. Don Bluth qui avait quitté Disney pour plus de liberté se trouve à nouveau corseté dans une logistique lourde où il doit en référer simultanément à Spielberg et Universal et manœuvrer avec un budget certes conséquent de 6,5 millions de dollars, mais loin des standards Disney avoisinant les 12 millions au vu de l’ambition du film. Néanmoins le film porte sa patte il parviendra à imposer nombre parti pris forts. Alors que Steven Spielberg souhaitait un univers entièrement anthropomorphique (façon Robin des bois de Disney), Bluth optera pour un monde des animaux coexistant avec celui des hommes (plutôt à la manière de Bernard et Bianca) et en offrant un parallèle miniature.
Spielberg engage donc les scénaristes Judy Freudberg, et Tony Geiss pour mettre en forme l’histoire sous sa supervision et celle de Don Bluth. Tous partagent (avec également la productrice Kathleen Kennedy) de même racines avec des grands-parents émigrants juifs ce qui marquera fortement le ton du film mais également certains choix comme associer justement les souris au peuple juif et les chats à des oppresseurs qu’on pourrait associer aux nazis. Don Bluth qui avait quitté Disney pour plus de liberté se trouve à nouveau corseté dans une logistique lourde où il doit en référer simultanément à Spielberg et Universal et manœuvrer avec un budget certes conséquent de 6,5 millions de dollars, mais loin des standards Disney avoisinant les 12 millions au vu de l’ambition du film. Néanmoins le film porte sa patte il parviendra à imposer nombre parti pris forts. Alors que Steven Spielberg souhaitait un univers entièrement anthropomorphique (façon Robin des bois de Disney), Bluth optera pour un monde des animaux coexistant avec celui des hommes (plutôt à la manière de Bernard et Bianca) et en offrant un parallèle miniature.
Brisby et le Secret de
NIHM et son oppressant cadre de fantasy s’était avéré trop intimidant pour
le jeune public et à l’inverse Anastasia
(1997) et sa Révolution Russe proprette se montrerait trop aseptisé. Avec Fievel et le Nouveau Monde, Don Bluth
trouve l’équilibre adéquat grâce à divers choix judicieux. Le fait de ne jamais
dériver du point de vue et de Fievel crée une empathie immédiate pour le petit
garçon séparé de ses parents dans un pays inconnu. Bluth a notamment retenu la
leçon de Walt Disney sur Pinocchio (1940) qui faisait de son héros un enfant chétif et
influençable plutôt qu’un pantin de bois garnement. Sans aller aussi loin dans
la noirceur que le classique de Disney, Don Bluth n’oublie jamais de
caractériser Fievel comme un enfant, curieux, turbulent mais qui peut également
se sentir apeuré et isolé seul dans la grande ville. Tous le début du film
amorce cela avec une témérité de Fievel qui l’emmène toujours un peu plus loin,
jusqu’à être arraché à ses parents. Cela alterne dans une veine trépidante
(l’attaque des chats qui suit l’assaut des cosaques en Russie), candide (Fievel
s’arrêtant et s’émerveillant à chaque objet, bâtiments ou créatures qu’il
croise alors qu’il monte sur le bateau emmenant la famille en Amérique) puis
franchement inquiétante avec l’impressionnante tempête qui va expulser Fievel
du bateau.
Les émotions de l’enfant guident dont le rapport à son environnement, la bascule se faisant avec la tempête où la mer prend les contours d’une créature monstrueuse. Dès lors le Nouveau Monde oscille entre rencontre sinistres et bienveillantes (le pigeon franchouillard), entre décorum lumineux et exploration des bas-fonds inquiétants. On sent les concessions de Don Bluth qui semble fortement abréger les péripéties les plus sombres (Fievel réduit en esclavage mais qui s’enfuit dans la foulée) et pour le coup Pinocchio allait bien plus loin dans les maux affligeant son jeune héros. Cette noirceur édulcorée est d’autant plus prononcée quand le visuel glaçant est contrebalancé par un revirement léger. Ainsi l’exploration d’égouts peuplés d’insectes gigantesques rappelle les visions les plus étouffantes de Brisby mais derrière c’est la rencontre légère avec le chat Tiger moins prédateur que ses congénères (et qui est en fait une redite du side-kick corbeau Jeremy de Brisby). On pourrait le regretter mais finalement Fievel est présenté dans une telle candeur qu’il est difficile d’accepter un rebondissement trop dur pour ce personnage chétif et attachant.
Le design y est notamment pour beaucoup, Don Bluth revient à un graphisme plus arrondi et doux avec ses petites mains, grands yeux et oreilles. Il revient en fait à un trait plus disneyen, loin des rongeur à la silhouette allongée anguleuse de Brisby et effectue finalement la même mue que fit Disney entre son Mickey Mouse initial et la refonte adoucie inaugurée dans Fantasia (1940) et le sketch L’Apprenti Sorcier. La vraie noirceur qu’il n’ose pas dans les péripéties, Don Bluth la défini par sa mise en scène où les plongées écrasent Fievel face à un interlocuteur intimidant ou dans un décor oppressant. De même certains plans larges l’isolent dans de grands espaces (le zoom arrière lorsqu’il est dans l’orphelinat et perd espoir) pour souligner sa solitude.
Ce qui fit également le succès du film, c’est la vision chaleureuse du rêve américain ou pour chaque chenapan ou oppresseur croisé, vous trouverez également une bonne âme prête à vous secourir. Le film donne pour cela dans une merveilleuse veine contemplative, tour à tour radieuse (les envols autour de la statue de la Liberté en construction, le film célébrant aussi le centenaire de son achèvement en 1886) et mélancolique telle la magnifique scène où Fievel et sa sœur entonnent à distance la chanson Somewhere Out There. Le travail sur la reconstitution et les décors est impressionnant, tout en restant constamment ludique par le pendant miniature du monde des souris (notamment le couloir d’arrivée où les migrants se déclarent). L’identité et l’assimilation est un des thèmes sous-jacents du film. Fievel n’est pas transformé négativement (ni même plus mûr) après ses aventures et reste ce petit garçon innocent.
Alors que les
origines et donc l’identité sont fortement ancrées dans le nom des personnages
(le nom de famille Mousekewitz), ils en sont délestés par assimilation à leur
arrivée en Amérique (Tanya étant rebaptisée Tilly). Cette assimilation rend
notre héros anonyme dans la faune de New York quand il est appelé Fillie et ce
n’est qu’en retrouvant son patronyme de Fievel, celui qui le rend unique, que
ses parents retrouveront sa trace. Fort de toutes ces qualités, le film boosté
par la capacité marketing d’Universal sera un triomphe inattendu au box-office
américain. Don Bluth prouve alors qu’il peut égaler aussi un Disney moribond en
terme de succès et Fievel deviendra une véritable icône, générant une suite
moins aboutie en 1991 avec Fievel au Far
West (1991). Toute l’équipe se retrouvera pour un autre grand succès
estampillé Amblin, Le Petit Dinosaure et
la Vallée des merveilles (1988).
Sorti en dvd zone 2 et bluray chez Universal
Sorti en dvd zone 2 et bluray chez Universal
Comme tu le dis, le film trouve un équilibre qui en font qualitativement peut-être le film le plus réussi, le plus satisfaisant de Bluth. Les visions terrifiantes ne manquent pas (tu mets quand même bien à l'honneur la scène de la tempête), et le registre mélo est judicieusement dosé. Et Bluth trouve sans doute dans son partenariat avec Spielberg les moyens de faire aboutir ses idées visuelles et ses trouvailles techniques.
RépondreSupprimerSur le sujet de l'immigration américaine de cette époque, je ne peux m'empêcher d'avoir ce film en tête (au point que j'avais presque l'impression face au The Immigrant de James Gray de voir un remake !).
E.
C'est drôle ce que tu dis sur The Immigrant car en y pensant effectivement dans le déroulement et les péripéties, toute proportions gardées je vois aussi dans grande similitude entre les deux films. Ce serait drôle que ce soit une vraie influence de Gray ^^
SupprimerC'est la même histoire, mais sans le filtre idéalisé des petite souris !
RépondreSupprimerE.