Haruko, une jeune
employée de bureau au quotidien morose disparaît et son avis de recherche est
repris par des street-artists, son visage est désormais peint sur tous les murs
de la ville. Un mystérieux groupe de lycéennes non-identifiées se met à
attaquer des hommes apparemment par hasard. Ces séries d’évènements
s’entrecroisent, Haruko en serait-elle le lien ?
Dans ses mœurs quotidienne, son modèle de société voir même
dans ses fantasmes sexuel, la société japonaise s’avère profondément machiste
et patriarcale. Cet état fut été scruté de diverses manières dans l’histoire du
cinéma japonais : feutré, dramatique et étouffante dans les classiques de
Ozu ou Mizoguchi, racoleur ou vindicatif dans le cinéma d’exploitation selon
qu’on se place du côté du pinku eiga ou du film de vengeance façon La femme Scorpion. Avec son troisième
film le réalisateur se place au croisement de ses approches réalistes et/ou
stylisé pour traiter du machisme du Japon contemporain à travers le destin de
plusieurs jeunes femmes.
La narration éclatée livre toute les clés dans une scène
d’ouverture en kaléidoscope ou diverses scènes livrent tous les moments clés à
venir du récit. Par la suite malgré une construction plus linéaire le montage
agence toujours certaines séquences de façon décalée qui crée une étrangeté
suspendue captivante dans sa temporalité – les avis de recherche de Haruko (Yu
Aoi) parallèles à sa présence effective créant une tension quant au moment de
sa disparition. L’histoire dessine donc des situations ordinaires critiques
pour ses deux héroïnes subissant ou se soumettant à cet ordre machiste. Haruko
est une trentenaire au quotidien morne d’employée de bureau tandis que la plus
jeune Aina (Mitsuki Takahata) vivote après l’obtention de son diplôme.
L’infantilisation inhérente à la femme japonaise est mise en parallèle à
travers le traitement infligé par leur entourage (Haruko traitée comme une
enfant par ses parents par ses parents chez qui elle vit toujours) ou par leur
propre attitude maniérée (la tenue et les attitudes kawaï d’Aina).
Leur
caractère et tout simplement leur féminité les plie instinctivement à ce joug
masculin notamment dans les amours. Chacune des deux jeunes femmes représentent
une transition, une consommation passagère pour les hommes qu’elles aiment.
Matsui filme d’ailleurs les scènes d’amour à travers ses figures féminines en
demande. Ce sera de façon anxiogène durant l’étreinte dans une maison
abandonnée pour Haruko et son amour de jeunesse, et plus coquine pour Aina mais
cette manière de s’offrir les places en situation de faiblesse. Leur
construction intime leur fait espérer le grand amour pour des hommes indignes
quand la nature profonde de ses derniers (et ce quels que soient leur tranche
d’âge voir les patrons libidineux d’Haruko) les amènera toujours à viser un
fantasme, toujours plus jeune et docile.
Le film escamote pourtant ces relents sinistres par sa
constante soif de liberté. C’est là qu’interviennent les fulgurances pop
portées par ce montage éclaté, les errances nocturnes où la ville s’orne des
dessins de graffeurs en herbe. Là encore pourtant le regard de Matsui est
double. L’art des graffeurs exploitent encore symboliquement la femme en
faisant de la reprise stylisée des avis de recherche d’Haruko un instrument de
réussite masculine. Parallèlement ces mêmes nuits tisse une liberté et un art
vivant plus extrême où de jeunes lycéennes passent à tabacs des salarymen
amateur de très jeunes filles. A la lenteur, pâleur et désespoir du réel des
journées se substituent un déluge de couleurs, de ralenti et d’effet dans ce
déchaînement girl power nocturne. Toutes les amorces de scène abrégée où
biaisée par le réalisateur laissent ainsi voir une signification plus positive
qu’il n’y parait au départ.
La narration morcelée affirme en fait le
cheminement vers la liberté des deux héroïnes se perdant d’un monde d’artifices
et de d’(é)illusion nocturnes (magnifique retrouvailles finale dans le parc)
vers un jour plus chargé d’espoir et de liberté. C’est par la cinglante note
d’intention pop que le réalisateur exprime le mieux sa volonté avec une
séquence animée splendide de hargne et de virtuosité puis un affrontement en
lycéenne et policier qui renvoie aux plus belles heures de la pinky violence des 70’s et possible
influence de Matsui. L’émancipation sera pop ou ne sera pas !
Visible actuellement au festival du cinéma indépendant japonais Kinotayo
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