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dimanche 2 février 2025

Land and Freedom - Ken Loach (1995)


 Au printemps de l'année 1936, David, jeune chômeur désenchanté de Liverpool, estime qu'il n'a plus d'avenir en Angleterre. Sur un coup de tête, il décide de se rendre en Espagne afin de rallier les forces républicaines qui luttent contre les troupes franquistes. Incorporé dans une section clandestine combattant en Aragon, David tombe immédiatement sous le charme de la belle Blanca.

Ken Loach signe une de ses œuvres majeures avec Land and Freedom, captivante évocation de la Guerre Civile espagnole. Le scénario semble librement inspiré d’ Hommage à la Catalogne de George Orwell, récit par le futur auteur de 1984 de son expérience au sein des milices communistes. Les écrans nous narrant les origines du conflit en ouverture semblent dépeindre une situation simple, avec le gouvernement Républicain faisant face au bloc bourgeois représenté par l’armée, l’église et les riches menés par Franco, ces derniers craignant la fin de leurs privilèges avec une part de pouvoir plus grande pour les ouvriers. Ce sont également des images parlantes et un discours d’adhésion limpides qui motivent l’anglais et militant communiste David (Ian Hart) à s’engager dans ce qui représente un combat contre le fascisme.

Ken Loach va bien sûr complexifier le propos en observant l’apprentissage du jeune homme et les désillusions qui en découleront. Dans un premier temps, nous restons au cœur de la milice, de sa diversité sociale, géographique et de genre pour une vision idéale de la vie en communauté. Intellectuels anglo-saxons en quête d’aventures et d’un idéal avec Lawrence (Tom Gilroy), jeune femme espagnole prolétaire trouvant l’émancipation dans la cause pour Maïté (Icíar Bollaín), militant française la rage au ventre concernant Bernard (Frédéric Pierrot) ou passionara vivant l’amour et la combat dans une même fièvre pour Bianca (Rosana Pastor), c’est un microcosme bouillonnant et complexe.   

On y voit que la compréhension commune et la solidarité prévalent sur l’autorité militaire sans entraver la vie collective ou l’organisation au combat, et que convaincre est plus naturel qu’ordonner (la première apparition de Maïté rattrapée amicalement par un soldat après un exercice militaire fastidieux). Les escarmouches militaires au sein des villages alternent ainsi avec la belle description du groupe.

L’ennemi franquiste reste caractérisé à gros traits, dépeint dans sa vilénie et ses exactions abjectes (le prêtre dénonciateur). En effet, la complexité est placée au sein des divisions agitant les forces républicaines pour Loach. Une passionnante scène introduit ces questionnements lors du débat au sein de la communauté d’un village libéré, incapable de se décider entre la collectivisation des terres ou le maintien de la possession individuelle. L’application stricte des idéaux révolutionnaires et l’avancée de la cause appelle au collectivisme, mais ces notions divisent les prolétaires entre eux. Lorsque les membres de la milice tentent d’arbitrer le débat, leurs propres ambigüités surgissent. 

Lawrence appelle à une souplesse des pans les plus radicaux de la révolution pour s’attirer les faveurs de puissances étrangères soutenant Franco (France, Angleterre, Etats-Unis) mais dont la politique capitaliste est aux antipodes de la cause. Si à cette petite échelle, le débat trouvera sa résolution, il anticipe tout un schisme chez les Républicains qui finira par étouffer les idéaux progressistes. La nécessité d’être fourni en arme oblige à être noyé dans les troupes communes et se soumettre à leurs règles renouant avec les codes sociaux archaïques – les femmes interdites de prendre les armes.

Loach à travers les espoirs meurtris de David équilibre vrai fibre romanesque avec description réellement didactique d’une situation géopolitique instable. Parfois une scène est plus efficace que les discours pour expliciter les choses, telle cette séquence nocturne ou trois sous-divisions républicaine (milicien du POUM, pro-stalinien et armée républicaine) se tirent dessus de nuit comme les adversaires qu’il ne sont pourtant pas. Le réalisateur, notamment par sa narration en flashback (les coupures de journaux sur l’actualité sociale anglaise, la dernière scène au cimetière) semble clairement vouloir faire un parallèle avec les luttes contemporaines et la manière dont peut être noyé la cause de gauche pour une « acceptation » extérieure faisant office de compromission. 

Ce fut la cause de la défaite hier en Espagne, c’est le risque qui tend les bras aujourd’hui. C’est captivant même si un peu trop appuyé (et avec ce risque du manichéisme pendant toujours au-dessus de Ken Loach), et voir un film au sujet voisin comme Libertarias de Vincente Aranda (1996) est un complément recommandé sur la question. En tout cas une belle réussite et une des œuvres les plus ambitieuses de Ken Loach.

Sorti en dvd zone 2 français chez TF1 Vidéo

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