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samedi 22 février 2025

L’Aventure sans retour - Scott of the Antarctic, Charles Frend (1948)


 Le film relate l'histoire de l'expédition Terra Nova de Robert Falcon Scott en Antarctique entre 1910 et 1912.

L'Épopée du capitaine Scott est une des productions les plus ambitieuses produites par le studio Ealing à la fin des années 40. Michael Balcon, patron du studio, souhaite alors renouer avec une certaine tradition documentaire épique britannique initiée dans les années 30 et grandement prolongée durant la Seconde Guerre Mondiale. Le réalisateur Charles Frend va alors lui évoquer l’idée de produire un film sur la légendaire expédition Terra Nova qui, dans sa quête pionnière d’atteindre le Pôle Sud s’acheva tragiquement pour son initiateur Robert Falcon Scott et ses compagnons. Balcon se montre partant pour le projet dont le mot d’ordre sera un profond réalisme et respect pour la mémoire des disparus. Grâce à la collaboration de la veuve de Scott (qui morte en 1947 n’aura pas l’opportunité de voir le film), la consultation des différents journaux d’expédition et le témoignage des survivants, un script rigoureux sera rédigé par Walter Meade, par la suite retravaillé par Ivor Montagu et Mary Hayley Bell (épouse de John Mills qui interprétera Robert Falcon Scott).

Malgré son succès dans les salles anglaises, un des reproches qui sera fait au film sera sa dramaturgie ténue en raison de sa volonté de réalisme documentaire. La première partie du film narre le sentiment d’inachevé de Robert Falcon Scott (John Mills) à son retour de l’expédition Discovery (réalisée de 1901 à 1904 en Antarctique) et sa volonté durant les années suivantes d’en monter une nouvelle qui permettra à l’Angleterre d’apposer son sceau sur le territoire alors encore inexploré du Pôle Sud. John Mills dans un mélange de bonhomie et de détermination habitée rend le personnage fascinant durant cette phase de préparation. Le scénario prend le temps de dépeindre les longs mois de lobbying afin d’obtenir des financements, et la manière dont la foi de Scott attire les aventuriers divers cherchant à vivre cette expérience incroyable, mais aussi les mécènes parfois parmi les plus surprenants – cette lycéenne offrant le pécule réunit par ses camarades, avec pour récompense le nom de son école attribué à un des chiens de traîneau.
L’expédition en elle-même suit en effet avec méticulosité la chronologie des évènements. Formellement le résultat est très impressionnant grâce aux efforts déployés par Ealing. De réelles et nombreuses images de l’Antarctique sont présente dans le film, résultat du filmage intensif du caméraman canadien Osmond Borradaile (vétéran de la Première et de la Seconde Guerre Mondiale, habitué aux conditions extrême) qui aura parcouru près de 48 000 kilomètres durant six mois entre 1946 et 1947 pour offrir une matière crédible au film. Les plans larges de traversées de grands espaces enneigé ou de l’ascension de monts glaciers se fera entre la Suisse et la Norvège, offrant là encore son lot de panoramas impressionnants. 

Le récit, entrecoupé de la voix-off de John Mills reprenant des pans du journal de Scott, se déroule ainsi dans une tonalité linéaire et presque austère afin de nous faire comprendre la préparation rigoureuse de l’expédition. Quelques signes avant-coureurs du drame se dessinent néanmoins, telle la volonté louable de Scott de multiplier les moyens de transports (mécaniques en plus du recours aux poneys et aux chiens) mais qui se retournera contre lui, son attachement à ses compagnons d’aventures historiques dont la défaillance physique (le colosse Taff incarné par James Robertson Justice) sera également cause de déconvenues, et la course contre la montre imposée par l’expédition parallèle du norvégien Amundsen ayant soudainement décidé aussi d’atteindre le Pôle Sud. 

Charles Frend parvient à habilement alterner entre gigantisme et intimisme, froideur réaliste et vraie chaleur dans sa caractérisation du groupe d’aventuriers professionnels et solidaire. C’est cette approche qui rend prenant le récit tant qu’il reste dans cette ligne claire fidèle aux évènements. Formellement, le réalisateur impose progressivement un vrai changement d’atmosphère, notamment dans les scènes filmées en studio correspondant aux pauses et moments de partage collectifs dans les tentes. Les motifs correspondant à des apartés comiques (la célébration des vertus du cognac contre les différents maux physiques rencontrés dans le froid glacial d’Antarctiques) se répètent sous une tonalité tragique dans la dernière partie. L’intérieur des tentes si bruyant et rieurs devient le cadre de silences douloureux, où les visages éprouvés, les corps meurtris et les regards vacillants trahissent une volonté qui s’effrite. Le partage de la photo entre plusieurs chef opérateurs dont les prestigieux Jack Cardiff et Geoffrey Unsworth contribue à ces atmosphères hétérogènes dans la forme et bien sûr le fond pour traduire les aléas de cette odyssée. 

La dernière partie purement introspective transforme le récit en pur espace mental, la voix-off se faisant désormais chorale lorsque les pensées couchées sur leurs journaux respectifs des autres voyageurs se fait entendre en plus de celle de Scott dont les forces l’abandonnent. La volonté, l’abnégation, la solidarité puis la résignation traversent cette voix unique alors que les chances de survie s’estompent à cause d’une météo bien plus hostile que prévue. Le reproche de froideur parait ainsi assez injuste au vu de l’intensité dramatique et de l’émotion suscitée par ces derniers instants plus minimalistes. Une belle réussite à la fois humaniste, réaliste et épique. 

Sorti en bluray anglais chez StudioCanal, et disponible en streaming sur Mycanal 

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