Le film relate l'histoire de l'expédition Terra Nova de Robert Falcon Scott en Antarctique entre 1910 et 1912.
L'Épopée du capitaine Scott est une des productions
les plus ambitieuses produites par le studio Ealing à la fin des années 40.
Michael Balcon, patron du studio, souhaite alors renouer avec une certaine
tradition documentaire épique britannique initiée dans les années 30 et
grandement prolongée durant la Seconde Guerre Mondiale. Le réalisateur Charles Frend
va alors lui évoquer l’idée de produire un film sur la légendaire expédition
Terra Nova qui, dans sa quête pionnière d’atteindre le Pôle Sud s’acheva
tragiquement pour son initiateur Robert Falcon Scott et ses compagnons. Balcon
se montre partant pour le projet dont le mot d’ordre sera un profond réalisme
et respect pour la mémoire des disparus. Grâce à la collaboration de la veuve
de Scott (qui morte en 1947 n’aura pas l’opportunité de voir le film), la
consultation des différents journaux d’expédition et le témoignage des
survivants, un script rigoureux sera rédigé par Walter Meade, par la suite
retravaillé par Ivor Montagu et Mary Hayley Bell (épouse de John Mills qui
interprétera Robert Falcon Scott).
L’expédition en elle-même suit en effet avec méticulosité la chronologie des évènements. Formellement le résultat est très impressionnant grâce aux efforts déployés par Ealing. De réelles et nombreuses images de l’Antarctique sont présente dans le film, résultat du filmage intensif du caméraman canadien Osmond Borradaile (vétéran de la Première et de la Seconde Guerre Mondiale, habitué aux conditions extrême) qui aura parcouru près de 48 000 kilomètres durant six mois entre 1946 et 1947 pour offrir une matière crédible au film. Les plans larges de traversées de grands espaces enneigé ou de l’ascension de monts glaciers se fera entre la Suisse et la Norvège, offrant là encore son lot de panoramas impressionnants. Le récit, entrecoupé de la voix-off de John Mills reprenant des pans du journal de Scott, se déroule ainsi dans une tonalité linéaire et presque austère afin de nous faire comprendre la préparation rigoureuse de l’expédition. Quelques signes avant-coureurs du drame se dessinent néanmoins, telle la volonté louable de Scott de multiplier les moyens de transports (mécaniques en plus du recours aux poneys et aux chiens) mais qui se retournera contre lui, son attachement à ses compagnons d’aventures historiques dont la défaillance physique (le colosse Taff incarné par James Robertson Justice) sera également cause de déconvenues, et la course contre la montre imposée par l’expédition parallèle du norvégien Amundsen ayant soudainement décidé aussi d’atteindre le Pôle Sud. Charles Frend parvient à habilement alterner entre gigantisme et intimisme, froideur réaliste et vraie chaleur dans sa caractérisation du groupe d’aventuriers professionnels et solidaire. C’est cette approche qui rend prenant le récit tant qu’il reste dans cette ligne claire fidèle aux évènements. Formellement, le réalisateur impose progressivement un vrai changement d’atmosphère, notamment dans les scènes filmées en studio correspondant aux pauses et moments de partage collectifs dans les tentes. Les motifs correspondant à des apartés comiques (la célébration des vertus du cognac contre les différents maux physiques rencontrés dans le froid glacial d’Antarctiques) se répètent sous une tonalité tragique dans la dernière partie. L’intérieur des tentes si bruyant et rieurs devient le cadre de silences douloureux, où les visages éprouvés, les corps meurtris et les regards vacillants trahissent une volonté qui s’effrite. Le partage de la photo entre plusieurs chef opérateurs dont les prestigieux Jack Cardiff et Geoffrey Unsworth contribue à ces atmosphères hétérogènes dans la forme et bien sûr le fond pour traduire les aléas de cette odyssée. La dernière partie purement introspective transforme le récit en pur espace mental, la voix-off se faisant désormais chorale lorsque les pensées couchées sur leurs journaux respectifs des autres voyageurs se fait entendre en plus de celle de Scott dont les forces l’abandonnent. La volonté, l’abnégation, la solidarité puis la résignation traversent cette voix unique alors que les chances de survie s’estompent à cause d’une météo bien plus hostile que prévue. Le reproche de froideur parait ainsi assez injuste au vu de l’intensité dramatique et de l’émotion suscitée par ces derniers instants plus minimalistes. Une belle réussite à la fois humaniste, réaliste et épique.
Sorti en bluray anglais chez StudioCanal, et disponible en streaming sur Mycanal
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