Acte de violence est un des premiers films hollywoodiens à évoquer le sort des vétérans de la Seconde Guerre Mondiale, thématique à laquelle reviendra d'ailleurs Fred Zinnemann avec son film suivant C’étaient des hommes (1950). Une grande majorité des œuvres abordant le sujet étaient de purs mélodrames abordant la difficile réinsertion des vétérans dans une vie normale (le classique Les Plus Belles Années de notre vie de William Wyler (1946) ou Till the End of Time de Edward Dmytryk (1946)), Acte de violence donne dans le film noir. Fred Zinnemann joue habilement dans le fond et la forme sur l'idée d'ombre et de lumière opposant Joe Parkson (Robert Ryan) et Frank Enley (Van Heflin). Le film s'ouvre la présence menaçante de Parkson s'emparant d'une arme et qui sa chambre d'hôtel animé d'un instinct meurtrier, tandis que la première apparition d'Enley se fait en pleine jour, le présentant comme un père de famille idéal et un homme adulé par la communauté.La narration suit ce schéma à travers les manœuvres de Parkson pour se rapprocher et tuer Enley, mais l'esthétique et l'atmosphère du film nous dit autre chose. La raideur d'Enley à la possible présence de Parkson ne trahit pas seulement une peur, mais quelque chose de plus trouble ressemblant à de la culpabilité. Dès lors la mise en scène de Zinnemann et la photo de Robert Surtees cultive cette ambiguïté en travaillant des jeux d'ombres altérant le quotidien domestique et la présence chaleureuse d'Enley. A l'inverse, tout agressif qu'il paraît être, Parkson ressemble davantage à un être meurtri et vulnérable (dans son corps et son esprit), dont malgré la haine l'on ne sent pas capable d'aller au bout de sa vengeance. Après avoir fait vaciller notre perception initiale par l'image, le scénario le justifie par les révélations sur le passé au front et dans un camp de prisonnier expliquant la cause du ressentiment de Parkson. Là encore le regard perdu de Robert Ryan trahi une forme de désespoir et une fuite en avant autodestructrice, alors que Van Heflin oscille entre la culpabilité et un instinct de survie qui l'a fait autrefois trahir ses camarades.
Les rôles féminins en forme de boussole morale sont très réussis, notamment Janet Leigh et Mary Astor, véritable moteur de la possible rédemption des personnages masculins. Tout en ayant une pure atmosphère tortueuse de film noir (et en en ajoutant des rebondissements un peu artificiels à la fin), c'est davantage l'étude de caractères des deux héros plutôt que le suspense qui suscite l'intérêt. Entre celui qui doit oublier pour se reconstruire (Parkson) et celui devant se souvenir afin d'être en paix avec lui-même (Enley), la tension dramatique est puissante grâce à la superbe prestation des deux acteurs. Si l'on a souvent déjà vu Robert Ryan dans ce registre fébrile et inquiétant, Van Heflin impressionne vraiment par sa finesse à effriter son image de monsieur tout le monde avenant notamment lors de la longue errance finale - ou l'altération de son univers domestique se prolonge à des environnements urbains expressionnistes et inquiétants pour traduire sa culpabilité. Hormis une conclusion un peu expédiée, une tentative très intéressante donc.
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