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jeudi 26 juin 2025

L'Île du docteur Moreau - Island of Lost Souls, Erle C. Kenton (1932)

 Recueilli sur un cargo, Edward Parker est jeté par-dessus bord après une dispute avec le capitaine, à proximité d'une petite île tropicale. Il y rencontre le Docteur Moreau : un scientifique fou, qui réalise des expériences génétiques épouvantables sur des animaux, cherchant à les rendre humains. Mais ses expériences ont donné lieu à des abominations, à l'exception de Lota, la belle femme panthère...

Cette première adaptation parlante du classique de H.G. Wells est une production lancée par Paramount après le succès du Docteur Jekyll et M. Hyde de Rouben Mamoulian (1931), ce dernier explorant déjà le thème de la mutation, de l’animalité trouble et du sexe. Le studio Paramount s’inscrivait ainsi dans le sillon lucratif de l’horreur initié par Universal avec ses adaptations de Dracula par Tod Browning et bien sûr les Frankenstein de James Whale. Cela se ressent dans les partis-pris du film, penchant largement plus sur le côté horrifique, dérangeant et inquiétant que sur les questionnements philosophiques et scientifiques du roman, ce que lui reprochera d’ailleurs H.G. Wells qui désavouera cette adaptation.

Le film s’inscrit dans un contexte passionnant où la période pré-code permet quelques éléments très dérangeants dans ce type de récit fantastique et d’aventure. L’île du Docteur Moreau, sorti en décembre 1932, suit ainsi Les Chasses du Comte Zarrof de Ernest B. Schoedsack et Irving Pichelsorti en novembre de la même année, et Freaks de Tod Browning sorti au mois de février. Les trois films partagent une dimension mystérieuse et exotique, une figure de démiurge pensant dominer les hommes et la nature, et une attirance/répulsion pour un « bestiaire » dont il faudra dépasser la monstruosité pour comprendre la souffrance et les tourments. Au mélodrame de Browning et à l’aventure de Schoedsack, Erle C. Kenton troque un résultat aussi irrégulier que fascinant.

Le choix est ici d’instaurer une atmosphère inquiétante, dérangeante, dans le fond et la forme. La dimension mutante bien sûr dégagée par les créations du Docteur Moreau (Charles Laughton) se répercute aussi sur la faune de la jungle conçu par le directeur artistique Hans Dreier où le sentiment « d’ailleurs » se ressent de façon plus contre-nature qu’exotique. Le bestiaire dégage une étrangeté à la fois menaçante et pathétique par la dualité ressentie entre leur animalité d’origine et l’humanité greffée par les manipulations du docteur Moreau. 

Cela se joue par leurs comportements incertains, mais aussi dans l’assujettissement mental que leur impose Moreau qui, tout en leur ayant conféré la parole et une pensée primitive, les soumet par le fouet comme des animaux. La photo de Karl Struss dégage un sentiment d’indicible et d’inquiétude par les jeux d’ombres sur des décors que Kenton se plaît à dévoiler progressivement, par des champs contre champs saisissant ou des panoramiques accompagnant la stupeur des personnages découvrant les créatures du docteur.

Charles Laugton se délecte dans une interprétation plus sournoise que menaçante, voyant un jeu dans les manipulations biologiques et psychologiques par lesquelles il va entrecroiser les espèces. Dans cette idée, le film développe une captivante création originale n’existant pas dans le livre avec la femme-panthère Kathleen Burke, les émois amoureux et sexuels féminins ressentis pour Parker (Richard Arlen) amenant des moments de sensualités troubles mais aussi une empathie plus prononcée que la pour la meute de créature. Malgré une narration abrupte, les excès et moments autres sont légion, notamment un sidérant final où la revanche des créatures adopte tout autant le déchaînement animal que le raffinement sadique humain en rendant au docteur la monnaie de sa pièce. 

Sorti en bluray français chez Elephant Films 

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