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mercredi 18 juin 2025

Numéro 17 - Number Seventeen, Alfred Hitchcock (1932)

Minuit. Un passant remarque une étrange lueur au n°17 de la rue, il s'agit d'une maison inhabitée mais dont la porte est ouverte. Intrigué, il entre et tombe sur un cadavre mais il s'aperçoit qu'à cette heure indue, il y a paradoxalement plus de monde qu'il pourrait le croire. En effet, il croise par la suite un vagabond légèrement dingue, des étranges « acheteurs » qui se présentent à la porte, armés, et une ravissante jeune femme qui tombe du ciel. Pour ne rien arranger les choses, le cadavre disparaît de lui-même ! La nuit risque d'être assez longue pour les protagonistes...

Numéro 17 est une des œuvres les plus méconnues d’Alfred Hitchcock, ce dernier la tenant en très basse estime puisqu’au moment de l’évoquer durant les fameux entretiens avec François Truffaut, il la balaiera d’un revers de la main en la qualifiant de « désastre ». C’est un avis bien sévère pour un opus qui, s’il est certes mineur, n’en constitue pas moins un jalon fondateur de l’art hitchcockien. Il s’agit en effet d’un des premiers films à instaurer au cœur de l’intrigue le MacGuffin, élément prétexte à la rencontre et confrontation entre les protagonistes, celui autour duquel ils vont s’agiter sans qu’il ait en définitive une importance fondamentale sur les enjeux du récit.

Pour ce qui est un de ses derniers films au sein de la firme British International Pictures Ltd, Hitchcock adapte le roman éponyme de Joseph Jefferson Farjeon, spécialiste du roman policier et d’aventures. Farjeon avait lui-même adapté son roman au théâtre en 1925, et on peut éventuellement supposer qu’Hitchcock assista à l’une des représentations tant le récit semble correspondre à ses goûts. C’est néanmoins contraint par le studio qu’il s’attaque au projet. L’argument est aussi mince qu’intrigant : un groupe d’individu se rencontrent de nuit dans une maison abandonnée, certains poursuivant quelque chose (un collier de diamants en guise de MacGuffin), quelqu’un (un policier traquant des voleurs se dissimulant dans le lot) et d’autres fuyant le pays pour un ferry partant à minuit et demi.

Le ton du film peut dans un premier temps décontenancer, car le ton du roman et de la pièce se voulait burlesque. Ainsi le personnage de Ben interprété par Leon M. Lion (également producteur de la pièce et sommité du théâtre britannique), sans-abri happé par les évènements, amène une tonalité rigolarde et truculente à travers des saillies hilarantes qui désamorcent la tension de son phrasé cockney imbuvable. Cela offre un contrepoint avec d’un côté la droiture du personnage de John Stuart, la gravité de celui d’Ann Grey, et les allures franchement intimidantes et sournoises de Donald Calthrop et Garry Marsh. Dans une première partie se déroulant essentiellement en huis-clos au sein de la maison, Hitchcock instaure une atmosphère oppressante par plusieurs idées. La bande-son jouant sur les bruits de la vieille demeure et la tempête à l’extérieur joue du ressort gothique, le travail sur les ombres auréole le moindre protagoniste d’une ambiguïté certaine dans une inspiration expressionniste. Lorsque l’histoire s’orne d’enjeux plus tangibles, des esquisses de films noirs et de récit à mystère s’ajoute à un ensemble qu’Hitchcock fait progressivement glisser vers le film d’action.

Quelques bagarres nerveuses et péripéties au sein de la maison amorcent la bascule, avant une dernière partie à l’extérieur laissant place à une impressionnante course-poursuite. C’est clairement un proto-blockbuster que nous offre Hitchcock par une folle traque entre un train et un bus, entrecoupées de cascades diverses entre les malfrats se disputant le collier dans et sur le train en marche. Les miniatures accusent certes leur âge, mais le spectacle devait faire son effet en salle à l’époque et, au-delà de ses arguments techniques, Hitchcock se montre inventif dans sa mise en scène pour dynamiser l’ensemble par ses choix d’angle, et fort généreux dans la pyrotechnie lors du sidérant climax voyant le déraillement du train qui s’encastre dans le ferry.

La générosité du spectacle et l’aspect ludique de l’intrigue (une légèreté qui sera reproché par le critique et le public ne connaissant pas forcément le matériau original) font de Numéro 17 une œuvre qui vaut bien plus que sa réputation.

Sorti en bluray français chez Carlotta 

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