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jeudi 18 juillet 2024

Hellraiser : Le Pacte - Hellraiser, Clive Barker (1987)


 En possession d'une boîte à énigmes, le dépravé Frank Cotton amène à lui les Cénobites, créatures de l'au-delà qui le mettent au supplice de souffrances infinies. De retour du royaume des morts, il reprend peu à peu forme humaine grâce à sa maîtresse et belle-sœur, Julia, prête à toutes les abominations par amour pour lui...

Hellraiser est une date dans le cinéma fantastique et d’horreur, marquant l’avènement sur les écrans de l’univers sombre et torturé de Clive Barker. Révélé au début des années 80 comme un des nouveaux maîtres de la littérature d’épouvante avec ses recueils Les Livres de sang, Clive Barker s’intéresse très tôt au cinéma. Encore étudiant, il signe deux court-métrages au début des années 70 avec Salome (1970) et The Forbidden (1971). Une fois sa notoriété d’auteur établie, il va tenter des incursions plus concrètes dans le monde du cinéma avec les scénarios qu’il signera pour Transmutations (1985) et Rawhead Rex (1986), tout deux réalisés par George Pavlou. Ces productions forts ratées laissent Clive Barker profondément frustré, l’amenant pour son projet suivant à endosser lui-même la casquette de réalisateur. Il va ainsi adapter avec Hellraiser son court roman The Hellbound Heart publié en 1986.

Lorsqu’on évoque Hellraiser, y compris lorsqu’on ne connaît la sa saga que de nom, c’est immédiatement l’image des Cénobites, et en particulier la figure Pinehead, qui émerge. Le néophyte pourrait alors croire qu’il s’agit d’une autre figure de croquemitaine surnaturelle et iconique dans la lignée du Michael Myers d’Halloween, de Freddy Krueger ou encore Jason Voorhess de Vendredi 13. Si Barker paiera son tribut à ce type de monstre avec Candyman, les Cénobites servent davantage de révélateur et d’exploiteur de nos désirs secrets et coupables plutôt que de prédateur. Barker trouve à travers une argument surnaturel le moyen d’exploiter une imagerie correspondant à ses propres penchants et fantasmes sexuels, gravitant autour des pratiques BDSM. Hellraiser est donc à la fois une incursion du fantastique et de ce type de pratique dans le quotidien pour en pervertir la perception.

Après une introduction choc nous présentant fugacement la boite et ses promesses/menaces de plaisirs douloureux, Barker révèle l’envers pervers de ses protagonistes et par la même occasion celui d’un cadre respectable et normé. Cela se joue dans la caractérisation de Julia (Clare Higgins), réticente à emménager dans la vieille demeure familiale de son époux, jusqu’à ce qu’elle y découvre des traces du passage de son beau-frère Frank qui jadis lui fit découvrir une volupté brutale. Cette facette refoulée fonctionne aussi avec la topographie de la maison, la pièce renfermant ces pratiques secrètes se trouvant isolée au grenier. Frank en y refaçonnant sa chair écorchée en s’abreuvant du sang de ses victimes endosse, dans le monde des humains, la place du sado après avoir subi les ultimes outrages en tant que maso dans le monde des Cénobites. Le déclenchement de la boite est donc à la fois une ouverture vers la dimension parallèle des Cénobites, mais aussi un point de non-retour dans l’expérience du fantasme SM, dépassant pour le pire les attentes de celui qui s’y est risqué.

Il y a une vraie approche psychanalytique dans la démarche de Barker, l’onirisme gothique baignant les séquences révélant « l’outre-monde » des Cénobites exprimant une part d’excitation, de crainte et de refoulé - ambiguïté magnifiquement soulignée par la tagline de l'affiche, Demons for some, Angels to others. Le look SM, terrifiant et extravagant des Cénobites est une manifestation brute de ce désir délesté des ultimes pans d’amour-propre, de bienséance et retenue associée à l’éducation, la civilisation. Barker par sa mise en scènes des créatures parvient à installer un climat de crainte et d’exaltation, des émotions se partageant entre les personnages ayant gouté ses douleurs interdites mais craignant d’y replonger car connaissant leur tourment éternel (Frank), ceux tournant dangereusement autour (Julia), et les âmes plus innocentes comme Kirsty (Ashley Laurence) qui font des proies d’autant plus délectables pour les Cénobites.

Le film est remarquable sobre (budget modeste oblige) en comparaison des tableaux infernaux qu’offriront les suites, cette retenue participant à l’angoisse de l’ensemble. Les bascules oniriques déchirant le réel pour nous ouvrir les portes de l’autre monde, usent de procédés rappelant le film Phantasm de Don Coscarelli (1979) ou encore Les Griffes de la nuit (1984), tout en annonçant Cabal de Clive Barker (1990) lorsque l’horreur se déleste des oripeaux séduisants et mystérieux des Cénobites. Un des atouts majeurs pour distiller ce tourbillon d’émotions contradictoires et ces visions baroques réside dans la bande-originale vénéneuse à souhait de Christopher Young qui hante autant que les images. Le film remportera un grand succès que de (trop) nombreuses suites poursuivront dans une franchise horrifique très inégale. Mais qu’à cela ne tienne, avec Hellraiser Clive Barker enfonce son public dans une inextricable spirale de frayeur, de douleur et de jouissance.

Sorti en bluray chez L'Atelier d'image

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