Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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mardi 2 septembre 2025

Un enfant de Calabre - Un ragazzo di Calabria, Luigi Comencini (1987)

1960. À la veille des Jeux de Rome, Mimì, un garçon de Calabre, épris de course à pied, grand admirateur du marathonien éthiopien Abebe Bikila, s'entraîne pour les futurs Jeux de la Jeunesse à Rome. Il se heurte à l'hostilité de son père, soucieux de sa scolarité. Il bénéficie, pourtant, du soutien d'un vieux conducteur d'autocar, Felice, qui a su détecter en lui l'étoffe d'un champion...

La dernière partie de la filmographie de Luigi Comencini semble revenir à son thème de prédilection de l'enfance et du récit d'apprentissage, qui lui a déjà inspiré quelques-uns de ses plus beaux films comme Tu es mon fils (1956), L'Incompris (1967) ou encore Casanova, un adolescent à Venise (1969). Quatre films très différents le ramènent à ces sujets durant les années 80 avec le mélodrame désespéré de Eugenio (1980), le nostalgique Cuore (1984) ou le conte fantastique Marcellino (1991). Un enfant de Calabre situé au début des années 60, se situe à une période, ainsi qu'un cadre sociogéographique (l’Italie pauvre et rurale du Mezzogiorno, soit le Sud) que Comencini n'avait plus visité depuis le diptyque Pain, amour et fantaisie (1953) et Pain, amour et jalousie (1954). 

On ressent ce dénuement matériel dès les premières images, au point qu'il faut attendre l'irruption d'un car scolaire puis du scooter du père de famille Nicola (Diego Abatantuono) pour avoir l'assurance que le récit se déroule bien au vingtième siècle. Nous découvrons le quotidien modeste et laborieux du jeune Mimi (Santo Polimeno ) et de sa famille, ne vivant plus de ses travaux fermiers et n'ayant pas le bagage pour les métiers modernes d'une Italie dont le boom économique n'est pas arrivé jusqu'à eux. Mimi oscille donc entre la menace de ce déterminisme et la pression que lui met son père pour qu'il soit studieux dans ses études pour aspirer à mieux.

Loin de ces préoccupations, Mimi ne se sent vraiment insouciant et libéré que lorsqu'il court à en perdre haleine au sein des collines vallonnées de la région. Et si cette soupape physique était son passeport pour un autre destin ? C'est ce que va lui faire entrevoir Felice (Gian Maria Volonté), chauffeur de car qui décèle en lui le potentiel d'un champion. Reste à convaincre un père ombrageux et réfractaire. Comme on le décelait déjà dans Pain, amour et fantaisie ou Tu es mon fils, c'est paradoxalement en dépeignant les milieux les plus pauvres que Comencini signe ses films les plus lumineux. On retrouve ici le sujet de l'incommunicabilité parents/enfants, et plus spécifiquement père/fils. Le carcan bourgeois troublait ce type de relation malgré les nobles intentions dans L'Incompris et Eugenio, amenant une distance involontaire entre les individus. Nicola (Diego Abatantuono), malgré ses manières rugueuses voire violentes est une figure paternelle dépassée, mais recherchant avec hargne et maladresse un avenir meilleur pour sa famille. 

Tour à tour pathétique, brutal et surtout maladroit, il ne peut inculquer à Mimi les valeurs qui l'ont piégé dans sa condition, et ne sait pas réellement vers lesquelles le diriger si ce n'est l'intitulé flou des "études". Cette incapacité le rend tour à tour attachant et détestable quand ce pragmatisme le rend imperméable à la volonté d'évasion et de rêve de son fils par la course à pied. Felice, né boiteux, a malgré ce handicap cette propension au rêve (et parfois à la mythomanie) et s'avère un modèle bien plus positif pour le héros.

Comencini durant une scène laisse Mimi verbaliser (bien malgré lui dans le cadre d'une rédaction scolaire) les émotions que lui procure la course, et nous les fait ressentir par sa mise en scène. Mimi court pour rattraper à vélo Crisolinda (Maria Giadda Faggioli), la jeune fille qui lui plaît, il court effectuer le trajet jusqu'à l'école en dépassant le car scolaire, chaque foulée est une manière d'échapper à son quotidien morne. Ce n'est que tardivement qu'intervient la possibilité de la compétition, et à l'exaltation et échappée intime de la course va alors s'ajouter celle de transcender sa condition par le sport. Comencini alterne entre les cadres sombres et confinés (la maison, l'école) synonymes de contraintes, avec les grands espaces dans lesquels le corps et l'esprit de Mimi se libèrent. Le réalisateur magnifie les paysages ruraux où se perd la silhouette frêle et rapide de Mimi, avant d'exprimer cet espoir d'ailleurs en capturant des environnements auquel il n'aurait pas eu accès sans la course. 

Le tout culmine bien sûr avec le final grandiose dans le stade romain, le petit bout de la lorgnette (Felice et Nicola regardant la course à la télévision) alternant avec l'imagerie sportive, olympique (le renouveau économique italien s'affirmera avec l'organisation des Jeux d'été à Rome en 1960) voire héroïque dans le superbe dépassement de soi de Mimi. Son émancipation est parallèlement celle aussi de sa mère (Thérèse Liotard) qui s'est affirmée pour le soutenir face à l'autorité patriarcale de son époux. La dernière phrase du film, un commentaire sportif décrivant Mimi après sa victoire, est "C'est un enfant de Calabre". L'image télévisée figée de Mimi sur ces mots cesse de désigner cette origine comme un fardeau pour enfin constituer une fierté. 

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