1960. À la veille des Jeux de Rome, Mimì, un
garçon de Calabre, épris de course à pied, grand admirateur du
marathonien éthiopien Abebe Bikila, s'entraîne pour les futurs Jeux de
la Jeunesse à Rome. Il se heurte à l'hostilité de son père, soucieux de
sa scolarité. Il bénéficie, pourtant, du soutien d'un vieux conducteur
d'autocar, Felice, qui a su détecter en lui l'étoffe d'un champion...
La dernière partie de la filmographie de Luigi Comencini semble revenir à
son thème de prédilection de l'enfance et du récit d'apprentissage, qui
lui a déjà inspiré quelques-uns de ses plus beaux films comme Tu es mon fils (1956), L'Incompris (1967) ou encore Casanova, un adolescent à Venise (1969). Quatre films très différents le ramènent à ces sujets durant les années 80 avec le mélodrame désespéré de Eugenio (1980), le nostalgique Cuore (1984) ou le conte fantastique Marcellino (1991). Un enfant de Calabre
situé au début des années 60, se situe à une période, ainsi qu'un cadre
sociogéographique (l’Italie pauvre et rurale du Mezzogiorno, soit le
Sud) que Comencini n'avait plus visité depuis le diptyque Pain, amour et fantaisie (1953) et Pain, amour et jalousie
(1954). On ressent ce dénuement matériel dès les premières images, au
point qu'il faut attendre l'irruption d'un car scolaire puis du scooter
du père de famille Nicola (Diego Abatantuono) pour avoir l'assurance que
le récit se déroule bien au vingtième siècle. Nous découvrons le
quotidien modeste et laborieux du jeune Mimi (Santo Polimeno ) et de sa
famille, ne vivant plus de ses travaux fermiers et n'ayant pas le bagage
pour les métiers modernes d'une Italie dont le boom économique n'est
pas arrivé jusqu'à eux. Mimi oscille donc entre la menace de ce
déterminisme et la pression que lui met son père pour qu'il soit
studieux dans ses études pour aspirer à mieux.
Loin de ces préoccupations, Mimi ne se sent vraiment insouciant et
libéré que lorsqu'il court à en perdre haleine au sein des collines
vallonnées de la région. Et si cette soupape physique était son
passeport pour un autre destin ? C'est ce que va lui faire entrevoir
Felice (Gian Maria Volonté), chauffeur de car qui décèle en lui le
potentiel d'un champion. Reste à convaincre un père ombrageux et
réfractaire. Comme on le décelait déjà dans Pain, amour et fantaisie ou Tu es mon fils,
c'est paradoxalement en dépeignant les milieux les plus pauvres que
Comencini signe ses films les plus lumineux. On retrouve ici le sujet de
l'incommunicabilité parents/enfants, et plus spécifiquement père/fils.
Le carcan bourgeois troublait ce type de relation malgré les nobles
intentions dans L'Incompris et Eugenio,
amenant une distance involontaire entre les individus. Nicola (Diego
Abatantuono), malgré ses manières rugueuses voire violentes est une
figure paternelle dépassée, mais recherchant avec hargne et maladresse
un avenir meilleur pour sa famille. Tour à tour pathétique, brutal et
surtout maladroit, il ne peut inculquer à Mimi les valeurs qui l'ont
piégé dans sa condition, et ne sait pas réellement vers lesquelles le
diriger si ce n'est l'intitulé flou des "études". Cette incapacité le
rend tour à tour attachant et détestable quand ce pragmatisme le rend
imperméable à la volonté d'évasion et de rêve de son fils par la course à
pied. Felice, né boiteux, a malgré ce handicap cette propension au rêve
(et parfois à la mythomanie) et s'avère un modèle bien plus positif
pour le héros.
Comencini durant une scène laisse Mimi verbaliser (bien malgré lui dans
le cadre d'une rédaction scolaire) les émotions que lui procure la
course, et nous les fait ressentir par sa mise en scène. Mimi court pour
rattraper à vélo Crisolinda (Maria Giadda Faggioli), la jeune fille qui
lui plaît, il court effectuer le trajet jusqu'à l'école en dépassant le
car scolaire, chaque foulée est une manière d'échapper à son quotidien
morne. Ce n'est que tardivement qu'intervient la possibilité de la
compétition, et à l'exaltation et échappée intime de la course va alors
s'ajouter celle de transcender sa condition par le sport. Comencini
alterne entre les cadres sombres et confinés (la maison, l'école)
synonymes de contraintes, avec les grands espaces dans lesquels le corps
et l'esprit de Mimi se libèrent. Le réalisateur magnifie les paysages
ruraux où se perd la silhouette frêle et rapide de Mimi, avant
d'exprimer cet espoir d'ailleurs en capturant des environnements auquel
il n'aurait pas eu accès sans la course. Le tout culmine bien sûr avec
le final grandiose dans le stade romain, le petit bout de la lorgnette
(Felice et Nicola regardant la course à la télévision) alternant avec
l'imagerie sportive, olympique (le renouveau économique italien
s'affirmera avec l'organisation des Jeux d'été à Rome en 1960) voire
héroïque dans le superbe dépassement de soi de Mimi. Son émancipation
est parallèlement celle aussi de sa mère (Thérèse Liotard) qui s'est
affirmée pour le soutenir face à l'autorité patriarcale de son époux. La
dernière phrase du film, un commentaire sportif décrivant Mimi après sa
victoire, est "C'est un enfant de Calabre". L'image télévisée figée de
Mimi sur ces mots cesse de désigner cette origine comme un fardeau pour
enfin constituer une fierté.
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