L'enfance du jeune Vénitien Giacomo Casanova auprès de sa grand-mère, puis la redécouverte de ses parents, dont une mère plusieurs fois infidèle. Ceux-ci l'envoient, ensuite, étudier dans une misérable école à Padoue, où il finit, néanmoins, par être remarqué par un prêtre, Don Gozzi, qui l'incitera à embrasser la carrière ecclésiastique. En 1742, Casanova retournera donc à Venise sous l'uniforme religieux. Mais la rencontre avec le vieux marquis Malipiero, devenu son protecteur, influera, désormais, sur le cours de son évolution.
Situé entre L'Incompris et Les Aventures de Pinocchio dans l'oeuvre de Comencini, cette relecture de la figure de Casanova s'inscrit dans la thématique sur l'enfance, l'adolescence et la perte de l'innocence de ces films. La version filmée la plus célèbre aujourd'hui des aventures du mythique séducteur reste celle de Fellini qui brassait la grandeur et la décadence de cette existence tumultueuse dans un tourbillon d'inventivité. La démarche de Comencini est bien différente puisqu'il n'adapte là que les cinq premier chapitre des Mémoires de Casanova, celle consacrée à son enfance et adolescence dans les villes de Venise et Padoue.
On constatera pourtant assez vite que la destinée de Casanova, plus que le centre du film est une entrée pour ce qui intéresse vraiment Comencini à savoir la description des moeurs de cette société Vénitienne du XVIIIe siècle. L'histoire s'applique ainsi à démontrer comment progressivement un esprit innocent et vertueux va se laisser contaminer par le vice. Souvent très inspiré pour dépeindre la misère, Comencini atteint ici des sommets dans la premières partie du film où la cruauté ordinaire se dispute à l'humour noir et la dérision. On découvre d'abord ainsi lors des brillants générique hommage au muet les épisodes familiaux scabreux ayant amenés à la naissance de Giacomo Casanova qui nous apparaît alors comme un gamin chétif et à la santé fragile.
La luxure et l'attrait pour le clinquant de sa mère (jouée par une plantureuse et cabotine Maria Grazia Bucella) l'en sépare rapidement tandis qu'une médecine irresponsable le prive de son père lors d'une traumatisante scène d'opération de trépanation de l'oreille. Comencini complète le tableaux en montrant ensuite la profonde insalubrité des établissements où est confié le jeune Giacomo avant de narrer la première déconvenue amoureuse de l'enfant où l'hypocrisie de la piété éclate au grand jour.
Ces éléments brillamment esquissés, le réalisateur les approfondi dans la seconde partie où la carrière d'aspirant ecclésiastique de Casanova va tourner court. Leonard Whiting prête parfaitement ses traits fins et angélique au jeune Casanova (le petit Claudio De Kunert est tout aussi bon pour la partie de l'enfance) avec de belles idées pour traduire sa dépravation progressive tel sa tenue de prêtre de plus en plus apprêtés d'atours superflus témoignant de la conscience qu'il prend de son apparence. Encore ingénu, la concupiscence outrancière de toutes les figures féminines du film à son égard, quel que soit leur âge et leur origines sociales (nonne, courtisanes entretenue...) achève de rendre inéluctable le chemin du libertinage pour le héros. Comencini confère un parfum de stupre et de vice palpable dans la profonde vulgarité de l'expression de l'érotisme, que ce soit par les corsets prêts à éclater, des décolletés aux profondeurs vertigineuses où les attitudes lascives et provocatrices de toute les figures féminines.
Les couches les plus nobles ou honorables de la société sont touchée comme le montrera un couvent plus proche de la plaque tournante d'entremetteuse que du lieu de culte. D'une irrésistible drôlerie et d'une ironie féroce, le film regorge de moments hilarant. L'un des plus fameux (et sensuel) reste sûrement lorsque Senta Berger fait abandonner au propre comme au figuré ses habits religieux à Giacomo, tout comme celui qui suit où on le voit aller célébrer la messe débraillé et mal rasé après une nuit de débauche.
Après l'avoir montré comme pantin du monde qui l'entoure dans son escalade dans le libertinage, Comencini (qui semble mépriser ce bellâtre sans personnalité) laisse enfin son héros devenir le Casanova tel que nous le connaissons dans une conclusion mémorable. En voulant dans un effort désespéré échapper au piège de la luxure (plus par peur que par dégoût) Giacomo atteint paradoxalement le point de non retour et effectue sa première (et sûrement pas dernière) grande trahison sentimentale envers Angela (jouée par la propre fille de Comencini). L'autre point fort du film est son esthétique particulièrement réfléchie pour faire résonance à la thématique du récit. Alors que le Casanova de Fellini justement laissera éclater de mille feux l'imagerie fantasmée du Venise de l'époque, Comencini emprunte le chemin inverse. Piero Gherardi (collaborateur fameux de Fellini aux décors et costumes) évite tout les lieux connus et attractifs rattachée à une magnificence passée de la ville et quand il doit s'y plier c'est de manière détournée tel la Place Saint Marc filmée de nuit lors de la sordide scène où Giacomo enfant doit reconnaître un cadavre de noyé comme étant celui de son père.
Comencini aura ajouté au clinquant des écrits de Casanova une inspiration picturale réaliste de Pietro Longhi mais aussi documentaire de mémorialiste de l'époque comme Molmenti ou De Brosses. Pour raconter la déchéance morale d'un être à travers celle d'une société entière, la forme ne pouvait adopter le clinquant facile d'un film en costume classique. Une des grande réussite du réalisateur.
Toujours inédit en dvd mais SNC/M6 Vidéo annonce enfin une édition pour le 16 novembre prochain.
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