Une jeune fille quitte la maison et part seule en voyage. Elle éprouve les joies et l'amertume du monde adulte...
Journey Into Solitude
est une œuvre emblématique du réalisateur Koichi Saito. Après des débuts
en tant que photographe de plateau au sein de la Nikkatsu, Saito durant les
années 60 et 70 signera une série de film en parfaite résonance
esthétique et thématique de la jeunesse de l'époque. Versant esthétique
cela passe par un côté stylisé et pop que l'on retrouve dans son premier
film Tsubuyaki no Jō (1968) sous
influence des œuvres anglaises de Richard Lester ou de Claude Lelouch.
Pour la dimension thématique Saito va se spécialiser dans les 70's dans
les récits d'errance et de retour à la nature, impliquant des
personnages juvéniles. Son film le plus célèbre dans cette veine est
certainement La Ballade de Tsugaru (1973)
qui lui vaudra une certaine renommée internationale. Tous les éléments
de cette formule se trouvent déjà dans le magnifique Journey into Solitude, adapté d'un roman de Kukiko Moto.
Le
postulat des plus simples voit une adolescente de 16 ans (Yôko
Takahashi) fuguer de chez elle pour prendre la route et explorer l'île
de Shikoku. Ce cadre est un célèbre lieu de pèlerinage bouddhiste pour
les japonais dont les 1 200 km de route abritent 88 temples en l'honneur
du moine du Kūkai. Autant d'information que notre héroïne partie à
l'aventure ignore et apprendra au fil des rencontres. La bande-son
folkeuse de Takuro Yoshida (portée par une ritournelle entêtante) pose
une tonalité rieuse ou mélancolique selon l'humeur de la jeune fille
tandis que la mise en scène de Sato magnifie dans de saisissants plans
d'ensemble les somptueux décors naturels. Saito perd la frêle silhouette
de la fille dans le panorama ou s'attarde sur son sourire radieux dans
les premières heures enjouées du voyage. La voix-off du personnage
énonce les lettres envoyées à sa mère mais constituent tout autant un
dialogue intérieur restant habilement nébuleux quant aux raisons de sa
fuite. Les micros flashbacks laisse également entendre une relation
mère/fille conflictuelle mais en conservant le mystère pour simplement
faire passer l'affection mutuelle qu'elles se vouent malgré la
séparation.
Les rencontres sont révélatrices du besoin paradoxal
de l'adolescente de s'arrêter alors qu'elle ne fait qu'avancer.
L'intégration à une communauté (la troupe de théâtre ambulant), les
premiers émois sexuels, les amitiés furtives, la quête initiatique du
personnage ne consiste pas à se retrouver dans la solitude mais bien de
trouver les autres. Ainsi même les individus douteux deviennent par le
besoin d'interaction de l'héroïne des interludes lumineux comme cet
homme aux mains baladeuses au cinéma qui finira penaud par lui payer un
déjeuner. L'imagerie se fait ample pour s'oublier dans le paysage tandis que
l'obsession des corps et de leur contact symbolise le sentiment
d'attrait et de rejet ressenti par l'adolescente.
Ces corps selon qu'ils
soient alanguis, caressants, admirés ou au contraire malmenés, méprisés
(le chauffeur routier raillant la mauvaise odeur de la fille) et
rejetés anticipent et/ou précèdent les pauses ou les départs du
personnage. L'apaisement ne viendra que lorsque, poussé à la rupture,
elle s'abandonne et se laisse à son tour soigner. L'atmosphère rurale évoque
un Japon plus ancien qui ne semble observé que de manière furtive mais
qui s'incarne enfin dans la dernière partie où un point d'attache semble
enfin se dessiner. Le schéma de rapprochement fébrile et pressant ne
débouche plus sur la fuite mais sur une affection délicieusement
indéterminée. Yôko Takahashi est magnifique de présence solaire,
incertaine entre candeur enfantine et désir féminin qui s'affirme et
dont Sato scrute les contradictions avec belle sensibilité. Une
touchante et inoubliable errance.
Sorti en dvd zone 2 et bluray japonais
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