Renko, onze ans, rêve
d'une famille unie et heureuse mais voit avec douleur ses parents se séparer.
La petite fille se révolte d'abord intérieurement puis finit, traumatisée, par
commettre des actes insensés prouvant combien son psychisme est perturbé. D'une
surprenante maturité, elle refuse cependant d'accepter la situation et son
attitude devient de plus en plus extrême et dangereuse pour elle-même et son
entourage.
Dans le cycle de l’adolescence de Shinji Somai, chaque intrigue
part d’un bouleversement pour les jeunes protagonistes. Celui-ci peut être
symbolique (le typhon enfermant les personnages dans Typhoon Club (1985)) ou intime (le décès du père dans Sailor Suit and Machine Gun (1983)) mais
constituera une maturité à travers l’épreuve des maux du monde des adultes.
Pour la jeune Ren (Tomoko Tabata), ce bouleversement va concerner la séparation
de ses parents qu’elle n’acceptera jamais vraiment. La scène d’ouverture scelle
à la fois le dernier moment d’union familiale, révèle les non-dits qui amorcent
la rupture et surtout l’impact que cela a déjà sur Ren. Cette scène de repas
dans son découpage et la disposition des personnages séparent ainsi les
parents, réunis au sein d’un même plan uniquement avec Ren au centre de l’image
en tant que victime de la scission mais aussi seul lien qui rapproche encore le
couple.
L’intrigue montrera ce divorce comme une forme de
soulagement pour les adultes. Pour le père (Kiichi Nakai) qui a quitté le foyer
c’est une échappée libératoire face aux responsabilités qu’impose la société
japonaise aux hommes quand la mère (Junko Sakurada) y voit également une
émancipation à la soumission féminine attendue - un échange vindicatif évoquant
les motifs de rancœurs et déception de chacun. Ces subtilités et surtout cette
acceptation tranquille de ce bouleversement est insupportable pour Ren. Somai
situe cette perte de repères face à l’extérieur où cette position d’enfant de
parents divorcés suscite la malveillance des autres camarades de son âge pour
lesquels ce modèle familial est encore peu répandu. C’est également un désordre
intime où Ren se confronte à la solitude, à des responsabilités domestiques anticipées.
La fillette en détresse répond à chaque situation par un excès aussi désespéré
que buté.
Ses caprices provoquent un rapprochement forcé des parents
qui ravivent des plaies à vif, notamment la longue séquence où elle s’enferme à
la salle de bain. L’appartement illustre tout ce qui sépare la famille
désormais dans chacune de ses pièces. La promiscuité du couloir remets en avant
les reproches passés, la composition de plan dans le salon unit le couple par l’image
mais les éloigne dans le jeu de focales, et enfin un mur empêche toute
communication entre Ren et ses parents – la vitre de la salle de bain brisée
par la mère, le père prostré face à la chambre de Ren. Dès lors ce refus
véhément de notre héroïne repose sur la fuite en avant, dans une course
effrénée pour ne pas regarder en face un état qu’elle refuse, pour ne pas
écouter des explications qu’elle ne veut pas entendre.
Le traitement de Somai totalement à fleur de peau, propose
une manière assez unique d’aborder ce thème du divorce. La dimension sociale
est sous-jacente mais c’est clairement la douloureuse expérience morale et
physique de cette séparation qui guide la mise en scène. Cela donnera l’atmosphère
pastorale tour à tour apaisante puis hallucinée et éprouvante de la dernière
partie. Ren apprend à isoler le souvenir auprès de ceux ayant perdu bien plus
qu’elle, et les festivités du matsuri d’été donneront lieux à une expérience
mystique poignante. Les rires et les larmes s’entremêlent face au souvenir, où
Ren semble enfin prête à grandir. Tomoko Tabata livre une performance
bouleversante pour son jeune âge, suscitant une émotion et empathie de tous les
instants. Shinji Somai s’avère définitivement un maître pour filmer l’enfance
dans cette œuvre s’offrant comme un pendant japonais de Luigi Comencini sur les
même thématiques (L’Incompris(1966), Eugenio (1980)…)
Sorti en bluray anglais chez Arrow
Extrait
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