En écrivant l'histoire
de ses ancêtres, un jeune couple met au jour de sombres secrets familiaux,
tandis que la réalité refait soudain surface.
Julio Medem a depuis ses débuts développé un style
foisonnant où s’entrecroise esthétique étrange et densité narrative. Après
avoir maturée dans ses trois brillants premiers films (Vacas (1991), L’écureuil rouge (1993) et Tierra (1996)),
cette approche avait atteint son apogée avec les chefs d’œuvres Les Amants du cercle polaire (1998) et Lucia et le sexe (2000) avant de se
perdre dans un fascinant trop-plein dans Caotica Ana (2007). Depuis le réalisateur avait se réinventer, maintenant sa
singularité mais à travers une épure narrative voire spatiale dans ses deux
derniers films, la romance Room in Rome
(2010) et le mélodrame Ma ma (2015). El Árbol de La Sangre renoue avec l’excès
de la première manière de Medem mais malheureusement quelque chose semble s’être
perdu en route.
Sous la multitude des strates narratives et des exubérances
formelles, chaque film de Julio Medem est porté par un fil rouge thématique ou
narratif qui en faisait l’unité : la destinée et l’héritage dans Vacas, la quête d’identité avec Tierra, les spirales de la fiction et la
porosité avec le réel pour Lucia et le
sexe, l’idéal amoureux des Amants du
Cercle Polaire, ou encore l’état et les origines du monde pour Caotica Ana. Tous les excès, circonvolutions
et écarts tenaient par cette ligne conductrice et la maîtrise de Medem qui
semble absente de ce nouvel opus où au contraire il semble tout concentrer sans
choisir. On accepte l’entrée en matière nébuleuse mais intrigante qui voit ce
couple de jeune gens (Ursula Corbero et Alvaro Cervantès) se réunir dans une
maison de campagne pour coucher sur papier leurs secrets de famille. Leurs
destins semblent avoir toujours été liés et remonter aux tumultes de la Guerre
Civile espagnole, de la migration de certains de leur ancêtre en Russie puis de
leur retour au pays. Ce rapprochement se fait justement par une fratrie d’espagnols
élevés en Russie, Olmo (Joaquin Furiel) et Victor (Daniel Grao) qui seront pour
eux une parenté plus ou moins explicite.
Medem croise les lieux, temporalités et destinées par le
montage, la notion de point vue avec quelques idées visuelles intéressante où
les personnages du présent observent dans une même image, un même décor, les
actes passés des protagonistes qu’ils dépeignent – principalement cette maison
de campagne. Cette densité du récit donne cependant plus dans le soap opera que
le romanesque dont est capable Medem et les quelques fulgurances sont noyés
dans un ensemble qui nous perd et ennuie. Passé familial coupable, amours
contrariés, jeu du destin, on retrouve tout ce que l’on a pu apprécier
auparavant chez le réalisateur mais dans une boursouflure pénible à suivre.
La
patine numérique semble également avoir fait beaucoup de mal au style terreux
de Medem qui ancrait les envols onirique dans un entre-deux onirique et
psychanalytique, notamment l’esthétique publicitaire des scènes d’amour (un
comble pour le cinéaste du désir qu’est Medem) qu’il avait su éviter dans Room in Rome notamment. Le sacrifice
final d’un personnage prête ainsi plus au rire qu’à l’émotion alors que les
écarts les plus extravagants s’acceptaient sans ambages dans les œuvres précédentes. On décroche assez vite devant ce charivari lourdement feuilletonesque
seulement sauvé par des prestations convaincantes (Joaquin Furiel remarquable d’intensité
et qui porte le protagoniste le plus intéressant). Un sévère ratage qu’on
espère être un incident plutôt qu’un vrai déclin pour Julio Medem.
Disponible sur Netflix
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