Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

Pages

vendredi 16 avril 2021

Copie conforme - Jean Dréville (1947)

Gabriel Dupon est un modeste représentant en boutons. Manuel Isamora est un audacieux cambrioleur. Leur point commun ? Ils se ressemblent comme deux gouttes d'eau. Alors que la police confond les deux personnages, Isamora a l'idée d'utiliser Dupon comme alibi. Quant à ce dernier, il tombe bientôt amoureux de la fiancée du voleur, une sublime chanteuse de cabaret nommée Coraline.

Copie conforme est une comédie policière fort réussie qui permet à Jean Dréville, cinéaste doué mais inégal car rarement maître de ses projets, de collaborer avec Henri Jeanson et Louis Jouvet. D’un côté nous avons le dialoguiste le plus célèbre de l’époque qui faire briller le scénario de Jacques Companeez, et de l’autre Louis Jouvet pour qui le cinéma représente une plaisante récréation à ses activités théâtrales et qui va trouver un écrin idéal avec ce Copie conforme. Le film est un hommage/remake assumé du film Toute la ville en parle de John Ford (1935) dont il reprend en partie le postulat. Cette parenté n’est pas innocente tant la dynamique, le rythme et le type d’humour du film renvoie plutôt à la comédie anglo-saxonne. 

C’est notamment le cas dans le grand numéro transformiste offert par Louis Jouvet qui en plus du double rôle du naïf Gabriel Dupon et du rusé Manuel Isamora, endosse aussi les identités factices de ce dernier lors de ses escroqueries. Cela constitue tout le début jubilatoire du film où Jouvet s’en donne à cœur joie dans le cabotinage hilarant en vieil aristocrate, ouvrier prolo gouailleur ou le norvégien glacial. Louis Jouvet anticipe la prestation caméléonesque et rieuse d’Alec Guinness dans Noblesse Oblige (1949), et excelle à opposer la vulnérabilité terne mais touchante de Gabriel Dupon à la froideur calculatrice de Manuel Isamora. 

L’illusion est intacte tout au long du récit et le spectateur n’est jamais perdu sur qui est qui grâce au sens du détail de Jouvet et à la mise en scène de Dréville. Le phrasé sec, le regard fixe et l’élégante raideur d’Isamora se distingue donc toujours de la gestuelle empruntée et des multiples tics (raclements de gorge, phrasé saccadé) trahissant la timidité de Dupon. Cela prend même un tour passionnant quand le vaudeville s’en mêle et trahit la schizophrénie de l’amour féminin à travers Coraline (Suzy Delair). Elle semble soumise mais aussi nourrie de désir (la scène où il a rejoint devant son appartement et calme sa rancœur d’un baiser vigoureux) pour le sarcasme et le caractère dominant de mâle alpha d’Isamora, tandis que c’est la fragilité et douceur de Dupon qui semble réellement éveiller son amour.  Cet attrait contradictoire mais humain pour différents contours de la figure masculine existe aussi chez Charlotte (Annette Poivre) collègue amoureuse de Dupon malgré sa gaucherie mais dont l’excitation ne sera jamais aussi visible que quand celui-ci sera soupçonné par la police. Louis Jouvet incarne ainsi brillamment la séduction du danger comme l’âme sœur sensible et apaisante.

Jean Dréville traduit cette dualité en répondant au défi technique que réclame le récit. Louis Jouvet se dédouble à l’écran par la grâce d’un effet de découpage et collage de l’image minutieusement préparé dans l’éclairage notamment pour la continuité des deux moitiés d’écran où l’acteur joue sa partition. L’effet spécial nourrit néanmoins la thématique du film puisque le repère pour séparer puis rassembler les deux images nécessite une forme de ligne inscrite dans l’arrière-plan du décor. L’opposition est donc aussi spécifiquement formelle et quasi géométrique, ce à quoi s’ajoute des éléments plus triviaux mais judicieux pour exprimer la différence de caractère entre Dupon et Isamora – le chien de Coraline affectueux avec le premier et récalcitrant en présence du second. C’est d’ailleurs tout le film qui bénéficie d’un vrai soin dans ses atmosphères, ses décors studios, une manière pour Dréville n’ayant pas totalement la main sur le fond (demandant notamment à Jeanson l’autorisation d’éliminer certains dialogues superflus) fait le projet sien sur la forme. Le résultat est une pétillante et enlevée comédie. 

Sorti en bluray et dvd zone 2 chez Pathé
 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire