Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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mardi 27 avril 2021

Doc Holliday - Doc, Frank Perry (1971)

Dans un saloon, Doc Holliday, joueur de cartes professionnel, joue son cheval contre une jolie prostituée blonde. Il gagne la partie et part donc avec son gain, Kate Elder, pour Tombstone. Là se trouve son ami marshall, Wyatt Earp. Pour gagner les élections, il compte sur la confiance des habitants, mais celle-ci est entamée car des petits fermiers, semeurs de troubles, les Clanton, prétendent qu'il est malhonnête. Earp cherche à éliminer le clan Clanton, ce qu'il parviendra à faire avec l'aide de Doc à Ok Corral.

L’ère désenchantée et démythificatrice des années 70 donne l’occasion avec ce Doc d’offrir une nouvelle variation de la fameuse fusillade d'O.K. Corral. Jusque-là on avait notamment eu la vision intimiste de John Ford dans My Darling Clementine (1946), celle purement mythologique de John Sturges avec Règlement de compte à OK Corral (1957) et la suite/variation plus âpre et réaliste de Sept secondes en enfer (1967) du même Sturges. Le scénario du romancier et journaliste Pete Hamill apporte une perspective à contre-courant, dénuée du romantisme héroïque, mythologique et idéalisé associé à ce haut fait de l’Ouest pour le ramener à une dimension plus terre à terre.

Cela passe par la vision sans concession des personnages. Le célèbre règlement de compte d’OK Corral n’est donc plus une ode à la bravoure du Marshall Wyatt Earp (Harris Yulin) et sa fratrie, mais un conflit d’intérêt et une vengeance personnelle après avoir été humilié le temps d’une bagarre par Ike Clanton. Mettre à mal ses ennemis assouvit une ambition personnelle (qui le rendrait crédible dans sa quête électorale) et un égo meurtri. Wyatt Earp apparait d’abord sous ses atours virils et imposants quand il met au pas les petites frappes de la ville, avant de montrer un visage peu reluisant dans les paroles (le dialogue où il révèle à Doc Holliday ses ambitions pécuniaires et politique pour Tombstone) et les actes où la corruption et la justice arbitraire fait loi. Frank Perry se rapproche d’une certaine réalité concernant Wyatt Earp et le déleste du semblant d’ambiguïté qu’il avait encore dans Sept secondes en enfer où son héroïsme était déjà mis à mal. Dans toutes les évocations de l’histoire, la vedette est volée par Doc Holliday et son interprète et c’est d’autant plus vrai ici où il est le vrai héros. 

La déconstruction de Doc (Stacy Keach) ne sert donc pas à le rendre plus négatif, son passif de joueur et tueur l’accompagne (et ce dès la magistrale scène d’ouverture) mais sert un personnage las et usé. La légende veut que la tuberculose qui rongeait Doc Holliday ait nourrit sa témérité, celui-ci préférant mourir les armes à la main plutôt que terrassé par son mal. C’est pourtant bien la conscience de sa mortalité, les abîmes dans lequel le plonge son mal qui vont au contraire l’humaniser. Il espère trouver une sortie plus paisible et tendre auprès de Kate Elder (Faye Dunaway) prostituée aguerrie de l’Ouest (et inspirée de la réelle compagne de Holliday « Big Nose Kate »). Les deux amants ont conscience de ce qu’ils sont, n’ont jamais connu d’autres vie que violence et débauche, et s’invectivent avec humour dans ce sens dès leur premier échanges – « Killer ! », « Whore ! ». 

Les dialogues soulignent à quel point leur destin décadent semble dicté par un déterminisme (la maîtrise des armes de Doc apprise par son père, la mère de Kate qui était déjà une prostituée) dont ils cherchent à s’affranchir - idée exprimée littéralement lorsqu'il entame une valse les yeux dans les yeux au milieu d'un saloon crasseux. Le passif du couple n’en fait pas des amoureux transis innocents, mais plutôt des adultes meurtris vivant comme un inespéré miracle ce qui leur arrive. Frank Perry capture cela dans de magnifiques scènes romantiques faites de rires, de longs regards silencieux et de gêne face à un contexte qui leur est inconnu. Stacy Keach est excellent, presque contraint quand il doit retrouver le stoïcisme du gunfighter et soulagé quand il retrouve le foyer et les bras de Faye Dunaway. 

Cette dernière n’est pas en reste, elle aussi comme en représentation quand elle doit renouer avec son identité de « traînée » (superbe premier adieu sobre à Holliday avant de reprendre son timbre gouailleur entourée d’hommes) et soudain authentique, belle et sincère en se liant à Doc. Nous sommes face à des personnages dont le vécu leur fait viser le bonheur non pas "malgré",mais "avec" ce qu'ils sont. Le parfum d’inéluctable ne guide pas la confrontation d’OK Corral, mais plutôt la mécanique primaire du pouvoir et de la violence que Wyatt Earp assume tandis que Doc ne sait pas s’y soustraire. C’est même sa propre bienveillance initiale qui l’amène malgré lui à construire son jeune antagoniste final qui se rêvait comme lui et renvoie un reflet qu’il devra détruire. L’atmosphère âpre et austère de cette relecture brille par son absence de manichéisme (les Clanton ne sont pas non plus les affreux dépeint dans d’autres adaptations) où le ton austère sert la fragile quête d’humanité des personnages. 

 Sorti en dvd zone 2 français chez Cinemalta

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