Mervyn LeRoy signe un mélo aussi rocambolesque que touchant au service de son actrice fétiche Greer Garson (reine du mélo hollywoodien des années 40). L'idée centrale du film (adapté d'un roman de James Hilton paru en 1941) serait que l'amour véritable et la passion ne peut exister qu'à travers une forme de vulnérabilité où s'affirment les sentiments. Cette vulnérabilité est poussée à l'extrême avec Ronald Colman, traumatisé et amnésique après son expérience des tranchées de la Première Guerre Mondiale. Ses attitudes fébriles, son élocution laborieuse et sa mémoire vierge en font un enfant terrorisé (y compris dans un écart de violence incontrôlé) par le monde extérieur jusqu'à sa rencontre avec Paula (Greer Garson). L'amour se dispute à l'instinct maternel envers cet être chétif qu'elle veut protéger, qu'elle va aider à reprendre pied jusqu'à ce qu'ils s'avouent leurs sentiments mutuels.
Mervyn LeRoy filme toute cette première partie comme un songe, tour à tour cauchemar que Mr Smith (Ronald Colman) se trouve perdu dans le tumulte de la ville, puis le rêve dans sa vision de la romance avec Paula. Le réalisateur laisse transparaître une facticité volontaire et tonalité de conte dans les arrière-plans (les vues depuis la vitre du compartiment de train où le couple se fait face, celle depuis la fenêtre du domicile conjugal), les décors (la campagne de studio pour la scène de pique-nique) et même à travers la bienveillance de toutes les figures rencontrées par le couple. La mémoire défaillante de Mr Smith l'a forcé à s'ouvrir naturellement et sans fard à Paula qui trouve en lui l'écrin idéal à l'affection qu'elle est prête à offrir. La deuxième partie où Colman retrouve la mémoire renvoie donc la beauté des évènements qui ont précédés à leur nature de songe trop beau pour être vrai.
On pense à la demande en mariage toute en candeur pastorale du début de film et la quasi et glaciale "embauche" où la malheureuse Greer Garson passe d'idéal amoureux à simple tremplin de réussite politique. L'actrice est toute en élégance résignée et touchante, dans l'attente de l'étincelle où elle retrouvera l'identité de celui qu’elle a aimé. On regrettera juste que Mervyn LeRoy soit si sobre dans sa conclusion, plus de flamboyance dans les retrouvailles n'aurait pas été de refus. Il n'en reste pas moins un superbe mélo qui sera un des grands succès de la MGM cette année-là au box-office, récoltant également sept nomination aux Oscars.
Sorti en dvd zone français chez Warner
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