Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

Pages

lundi 17 novembre 2025

Le Cercle Infernal - Full Circle, Richard Loncraine (1977)

 Londres - Un petit-déjeuner vire au drame dans la demeure du couple Lofting, lorsque Kate, leur fille, s'étouffe avec un morceau de pomme. Paniquée, Julia, la mère, tend un couteau à son mari, Magnus, afin qu'il effectue en urgence une trachéotomie. Devant son refus, elle tente l'opération, sans parvenir à sauver la petite fille. Traumatisée, Julia fait un séjour en clinique psychiatrique. À sa sortie, elle quitte Magnus et emménage dans une vieille maison victorienne. L'endroit est bientôt le théâtre de manifestations étranges. Plus tard, Julia apprend, lors d'une séance de spiritisme, que l'esprit d'un enfant hanterait les lieux. Serait-ce Kate, comme Julia en nourrit l'espoir ?

La silhouette frêle, le teint pâle et les traits enfantins de Mia Farrow ont contribué à lui construire une persona filmique se prêtant particulièrement bien au thriller, dans des œuvres la mettant en proie à des menaces jouant avec une délicieuse ambiguïté autour de l’irruption du surnaturel ou le désordre psychique. Rosemary’s Baby de Roman Polanski est bien sûr la pierre angulaire et fondatrice de ce corpus, auquel il faut ajouter les tout aussi malsains Cérémonie Secrète de Joseph Losey (1968), Terreur aveugle de Richard Fleischer (1971) et donc Le Cercle Infernal de Richard Loncraine. Parmi les fils rouges à placer entre ces œuvres à travers la présence de Mia Farrow, il y a le motif récurrent de l’espace domestique et familial aliénant, la peur de grandir et le deuil.

Le Cercle Infernal (adapté du roman Julia de Peter Straub publié en 1975) comporte tous ces éléments, avec en premier lieu la maison dans laquelle vient s’installer seule Julia (Mia Farrow) après le terrible incident domestique durant lequel elle a perdu sa petite fille. Dans son processus de deuil, elle affronte des éléments extérieurs avec l’insistance agressive de son époux (Keir Dullea) qui souhaite la voir réintégrer leur ménage, intimes par la culpabilité qu’elle ressent dans le décès de l’enfant (pour lequel elle a échoué à procéder à une trachéotomie) et possiblement surnaturels lorsqu’une présence étrange semble se manifester dans la demeure dont le passé sombre se révèlera peu à peu. L’ensemble de ces obstacles contribue à l’ambiguïté constante qui entoure le récit, laissant penser d’abord à une manipulation, puis à dimension plus psychanalytique. Mais les rebondissements déroutants, certaines révélations et d’autres zones d’ombres laissent volontairement dans l’expectative.

Richard Loncraine installe une atmosphère mystérieuse, installant paradoxalement l’étrange dans les séquences diurnes et parfois même extérieures (les apparitions de Katie, les actions inconséquentes de Julia) et les désamorçant dans les scènes d’intérieur pour instaurer un malaise plus incertain, réaliste. Si parfois tout cela peut sembler nébuleux (dans les bonus Richard Loncraine regrette son intrigue trop opaque), cette indécision laisse toutes les pistes ouvertes et en distille d’autres, plus folle encore. Ainsi, lors du sauvetage raté de Julia durant la scène d’ouverture, Loncraine la filme comme une meurtrière, couverte de sang et portant « l’arme » ayant tué sa fille au lieu de la sauver. Une autre scène dans un jardin d’enfant la capture explicitement comme une meurtrière avec un animal et dans la même posture. Dès lors les circonstances similaires de la disparition d’un enfant dans la maison et la manière dont les obstacles au bien-être de Julia sont peu à peu éliminés posent question. On pense tout d’abord à une malédiction, un traumatisme à la manière de Ne vous retournez pas de Nicolas Roeg (1973) aux sujets voisins. 

Mais la boucle que semblent former la mortalité enfantine et surtout le matricide exprime dans un mouvement parallèle et cohérent les deux interprétations, psychanalytiques et fantastique. Julia est ainsi soit hantée par l’enfant disparu et maléfique, soit la fillette hantant la maison est Julia elle-même pour laquelle les lieux et l’histoire passée ne sont pas aussi inconnus qu’il n’y parait. La dernière scène trouble à souhait, soit dès lors une manière radicale de surmonter un deuil inconsolable ou alors d’accepter et ne faire qu’un avec sa part d’ombre - la division étant soulignée par la multitude d'images de Julia se reflétant dans un miroir tout au long du récit. 

Le panoramique final et l’apparition spectrale osent enfin l’onirisme uniquement sous-jacent dans l’ambiance vaporeuse du film, porté par l’entêtant thème de piano Colin Towns – composé avant le tournage et qui inspira grandement les idées formelle et l’atmosphère installée par Loncraine. Mia Farrow est absolument fascinante et parvient à renouveler son registre malgré les similitudes avec les rôles évoqués plus haut (et qui faillirent lui faire refuser le rôle à la dernière minute). Malgré un relatif échec commercial, Le Cercle infernal a marqué durablement les amateurs de fantastique dès sa sortie en remportant notamment le Grand Prix du Festival d’Avoriaz en 1978. 

Sorti en bluray français chez Le Chat qui fume 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire