Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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jeudi 20 novembre 2025

La Souris qui rugissait - The Mouse That Roared, Jack Arnold (1959)

 Le duché de Fenwick, modeste État d'Europe, exporte son vin aux États-Unis. Quand un businessman décide de fabriquer une contrefaçon de ce délicat breuvage, c'est la ruine pour le duché. Mobilisation générale, déclaration de guerre. Une centaine d'archers sont dépêchés vers le Nouveau Monde. Ils arrivent à New York en pleine alerte atomique et leur tenue ahurissante les fait prendre pour des Martiens.

La Souris qui rugissait est une savoureuse fable moquant contexte politique tendu de la fin des années 50. L’état imaginaire du duché de Fenwick et ses modestes réclamations est le miroir de toutes les peurs et tensions internationales du moment et passées. Ainsi, victime impuissante d’une contrefaçon sur ses exportations de vins aux Etats-Unis, le Fenwick décide de bénéficier des apports du plan Marshall sans les dommages collatéraux d’une vraie guerre mais le plan va presque trop bien fonctionner. Dans un triple rôle, Peter Sellers gagne ici ses galons de stars en incarnant trois visages du pouvoir de Fenwick. 

Il y a le pouvoir distant et détaché des réalités de la Grande Duchesse Gloriana XII, celui roublard et calculateur du premier ministre Rupert Mountjoy et enfin celui naïf et désintéressé de Tully Bascombe, chef des armées ou du moins ce qu’il en ressemble. Cela préfigure les rôles multiples de Sellers dans une satire bien plus corrosive sur la guerre et la peur du nucléaire, Docteur Folamour de Stanley Kubrick (1964). Tully Bascombe annonce aussi les personnages de candides faisant vaciller les institutions, qu’elle soit Hollywoodienne dans The Party de Blake Edwards (1968) ou politiques dans un de ses grands rôles tardif, le merveilleux Bienvenue Mister Chance de Hal Hashby (1979).

Jack Arnold, par ses choix d’adaptions du roman éponyme de Leonard Wibberley renforce grandement la dimension caustique du récit. L’inspiration des personnages de Sellers diffère du roman pour moquer des personnalités britanniques emblématiques. Du papier à l’écran, la Grande Duchesse passe de jeune fille moderne pleine d’allant (inspirée de la reine Elisabeth II) à la vieille rombière sénile lorgnant sur la reine mère Victoria, tandis que Rupert Mountjoy par ses instincts calculateurs et belliqueux à pour source Benjamin Disraeli, ancien premier ministre conservateur à poigne. 

Certains rebondissements sont édulcorés pour accentuer la farce, comme la confrontation de l’armée de Fenwick avec la police américaine bien plus sanglante dans le livre et tournant à la pantalonnade dans le film. Sous les rires, les angoisses du moment sont pourtant bien là, la réussite inattendue de « l’invasion » de Fenwick aux USA venant d’un exercice qui n’est pas sans rappeler ceux effectués en cas d’attaque nucléaire – et Fenwick est confondu avec des extraterrestres, métaphore de la peur de l’invasion communiste.

La peur de la bombe plane sur l’ensemble du récit, d’authentique images de champignon atomique laissant augurer le sort du monde en cas de possession de l’arme atomique entre les mains de bougres moins avenant que le Duché de Fenwick. Jack Arnold exploite avec brio son faible budget pour exploiter des images bucoliques, pastorales et délicieusement factices de l’inoffensif Duché de Fenwick, les autres puissances mondiales ayant largement plus d’idées nocives et d’ambitions pour exploiter la possession de l’arme nucléaire. Tout reste cependant ici très bienveillant à l’image de la romance entre Tully et Helen (Jean Seberg), fille du scientifique en charge de la bombe, mais le charme opère par les gags farfelus (l’hilarant détournement du logo de Columbia en ouverture, la partie de football avec la bombe) et somme toute par une résolution harmonieuse telle qu’on aimerait en voir plus souvent entre les grands de ce monde.Le film connaîtra un succès inattendu et bénéficiera même d'une suite quatre ans plus tard avec La Souris sur la lune réalisé par Richard Lester (1963).

Sorti en dvd zone 2 français chez Wild Side et actuellement visible en streaming sur MyCanal 

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