À la mort de son père,
une jeune lycéenne voit sa vie bouleversée lorsqu'elle apprend qu'elle hérite
de la direction d'un clan de Yakuza.
Shinji Somai trouve dans la thématique de l’adolescence un
vrai fil rouge au sein de sa filmographie puisqu’il creuse ce sillon dans sept
de ses treize films. Pour le réalisateur le point culminant d’une perte d’innocence
à cette période fragile passe souvent par évènement extraordinaire pour ces
jeunes héros. Cela passe par une cohabitation inattendue des ados de The Terrible Couple (1980), le passage d’un
typhon le temps d’une nuit dans le magnifique Typhoon Club (1985) ou encore le déménagement avec en toile de fond
la séparation de ses parents pour la fillette de Déménagement (1993). Le postulat le plus fou de cette facette
intervient cependant dans Sailor Suit and
Machine, adaptation d’un roman de Jirō Akagawa où la lycéenne Izumi Hoshi (Hiroko
Yakushimaru) se retrouve bien malgré elle à la tête d’un clan yakuza.
Somai se plaît à introduire ses adolescents dans la fleur de
leur insouciance avant d’effectuer la bascule dans le déroulement du récit.
Ainsi avant les nageuses délurées en ouverture de Typhoon Club, on découvre
Izumi se contorsionnant la tête en bas. La trame policière (un chassé-croisé
autour d’une cargaison d’héroïne) est moyennement prenante, l’intérêt réside
dans la confrontation de la candeur d’Izumi face à l’impitoyable monde des
yakuzas. Somai joue dans un premier temps du décalage (les membres du clan
venant chercher Izumi au lycée) et de la parodie, la dévotion toujours extrême
des subordonnés incitant Izumi à accepter l’embarrassant héritage sans quoi ils
seraient partis en mission suicide. On découvre les différents codes yakuzas à
travers le regard ingénu d’Izumi où se détache néanmoins un vrai esprit
chevaleresque avec le personnage de Sakuma (Tsunehiko Watase), subtile et
touchante incarnation des premiers émois amoureux de notre héroïne.
Sous l’humour, le film participe néanmoins à la
déconstruction de la figure du yakuza qu’on trouve dans des films plus « sérieux »
comme Combat sans code d’honneur de
Kinji Fukasaku. Ainsi la dimension attachante et le sens de l’honneur entrevu
dans le clan d’Izumi est contrebalancé par les méthodes perverses et la
violence bien réelle de leur adversaires avec l’appât du gain que suscite l’héroïne.
Point de débordement trop féroce à la Fukasaku mais plusieurs situations
cruelles et de morts tragiques viennent briser l’innocence d’Izumi.
L’aspect le plus intéressant est la fonction de famille
reconstituée ou dysfonctionnelle que constitue le clan yakuza. Un dialogue
souligne dès le départ que les rôles s’étaient renversés entre Izumi et son
père défunt pour lequel elle occupait une fonction presque maternelle. Les
membres du clan sont des enfants égarés sollicitant une autorité, une affection
filiale qu’ils n’ont pas eues dans leur enfance. C’est par ce biais qu’est
désamorcée une scène potentiellement sordide où Izumi soigne un yakuza blessé
et que la proximité incite ce dernier à lui avouer que son parfum lui rappelle
celui de sa mère. Il finit par l’étreindre mais sans la moindre connotation
sexuelle, ce que Izumi comprends aisément en lui rendant cette marque d’affection
dans une pure gestuelle maternelle – le tout dans un superbe plan-séquence de
Somai.
A l’inverse de cette simplicité dans les relations et choix
filmiques, Somai témoigne de plus d’extravagances chez les antagonistes. Le
personnage de Mayumi (Yuki Kazamatsuri) est en quelque sorte le miroir inversé
d’Izumi, fille de yakuza à la destinée tragique. La stylisation des
environnements (cet antre de yakuza évoquant un temple démoniaque), la
caractérisation pittoresque (un méchant en fauteuil roulant qui réserve des surprises)
et les méthodes sadiques forment alors un tout négatif représentant cette
tournure néfaste du monde yakuza. Izumi va donc irrémédiablement va donc se
voir brutalement imposer la corruption des adultes et céder brièvement à ses bas-instincts
dans une scène qui donne son titre au film.
L’épilogue signe ce
désenchantement, croisant les premières expériences adolescentes (le premier
baiser final triste à souhait) à une vision plus adulte. La dernière scène l’exprime
parfaitement par l’image avec Izumi déambulant dans les rues en uniforme de
lycéenne en portant des talons hauts rouge de dame pour signifier cette dualité.
Le film sera un immense succès au box-office japonais et son œuvre la plus
populaire localement. L’actrice Hiroko Yakushimaru deviendra une vedette en
tant qu’Idol (elle chante la chanson du générique de fin) et actrice tandis que
le film connaîtra remake, déclinaison en série tv et diverses suites dans les
années suivantes.
Sorti en dvd zone US et en bluray japonais et doté de sous-titres anglais
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