Dragon Ball, Hokuto No Ken, Saint Seiya ou encore City
Hunter, soit autant de titres qui obtinrent une grande popularité en France
par l’intermédiaire de leur adaptation animée diffusée au sein du Club
Dorothée. Tous ont connus précédemment une publication papier en manga dans le
magazine de prépublication Shonen Jump, véritable institution et leader incontesté sur le créneau du shonen (manga pour garçon). Hiroko Gotto, membre de la revue
dans ses premières heures en 1970 puis son rédacteur en chef durant son âge d’or
du milieu à la fin des années 80, se charge donc de nos en conter l’histoire
dans cet ouvrage.
Le fil conducteur de l’ouvrage est de nous montrer comment
se sont constituées les valeurs principales du magazine, les titres
emblématiques qui les ont perpétuées et transcendées et ainsi scruter l’évolution
du monde de l’édition au Japon. Le Shonen Jump se caractérisa par une règle
aussi impitoyable qu’égalitaire entre les auteurs, celle de se soumettre aux
votes de popularité des lecteurs. Les fameuses valeurs furent déterminées d’après
un sondage soumis aux jeunes lecteurs sur les mots les plus vibrants pour eux
où se détachèrent l’effort, l’amitié et la victoire. La matrice des futurs
mangas « nekketsu » (combat et dépassement de soi), sportifs et d’aventure
se trouve là même si l’évocation des premiers titres à succès du Jump se
détache de ce modèle et surprend par ses audaces comme L’école impudique (humour grivois et provocateur entre professeurs
et élève d’une école primaire qui fit scandale) de Go Nagai. L’auteur s’attarde
sur des titres spécifiques à la fois selon son goût personnel et le tournant qu’il
estime y voir dans la dynamique du Jump. L’absence de retour sur des titres
populaires en France comme Cobra pourra
décevoir mais s’explique donc par la faible influence qu’y voit Gotto. Quand il
développe sur une série c’est pour aborder une mue majeure comme le calcul
anticipé sur le possible merchandising de Masami Kurumada quand il façonne tout
le décorum et accessoires de cloths/armures de Saint Seiya après avoir conçu un
manga nekketsu sans doute plus sincère avec le récit de boxe de Ring no Kakero. C’est donc tout aussi
intéressant dans l’analyse du ton et contenu des œuvres en elles-mêmes que dans
leur impact parfois négatif sur les productions à venir, notamment Yu Yu Hakusho qui marqua une rupture en
voyant ses volumes reliés (regroupement des chapitres paraissant de manière
hebdomadaire dans le Jump et seule modèle que nous connaissions en France)
dépasser en vente celle du Jump son
magazine d’accueil.
Il ne faut donc pas lire le livre en quête de révélations
extraordinaires sur la conception de ses titres favoris (parfois forts décevants
comme la notule succincte de City Hunter)
mais plutôt comme l’observation d’un modèle, standard et parfois cliché du
shonen classique. Les tâtonnements des premières heures constituent ainsi les
passages les plus captivants de l’ouvrage où malgré notre méconnaissance de
certains titres (souvent inédits en France) Gotto nous en dépeint
méticuleusement les spécificités narratives et stylistiques (passionnante
évocation du manga de base-ball Astro
Kyudan de Norihiro Nakajima). Les purs génies du manga sont largement
célébrés (Takehiko Inoue et son cultissime Slam
Dunk, Akira Toriyama évidemment) et les coulisses expliquent la dynamique
singulière de la création d’un titre entre le mangaka (parfois seulement
dessinateur et accompagné d’un scénariste) et son tanto, son éditeur au rôle
fondamental (et parfois très interventionniste) dans la direction d’un titre.
Tout juste reprochera –t-on quelques redondances et erreurs dans les noms (de
titres d’auteurs) qui auraient éventuellement pu être affinées lors de la
traduction. Quoiqu’il en soit une lecture indispensable pour le féru de manga
et de pop culture japonaise.
Publié aux éditions Kurokawa
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