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samedi 6 juillet 2019

Le Trou - Jacques Becker (1960)


Gaspard, un jeune homme comme il faut, est transféré dans une nouvelle cellule de la prison de la Santé, dans laquelle il apprend que ses codétenus ont décidé de s'évader en creusant un tunnel. Gaspard participe aux préparatifs et se lie d'amitié avec ses nouveaux compagnons.

Le Trou est le dernier film du grand Jacques Becker, décédé un mois avant sa sortie, et qui adaptait là le premier roman de José Giovanni (qui collabora au scénario et aux dialogues et le remercia à titre posthume avant le début du film) inspiré de sa propre expérience carcérale. Dans cette œuvre somme, un réalisme de tous les instants se manifeste dans la mise en scène épuré du cinéaste, claustrophobe et oppressante à souhait avec de lents et sobres mouvements de caméra, de longs plans fixes et une absence totale de musique.

Becker cherche véritablement à plonger le spectateur dans la routine monotone de cette prison (qu'on explore assez peu finalement sauf à des fins dramatiques, l'essentiel se déroulant dans la cellule) rendant l'évasion d'autant plus vitale à l'équilibre des détenus qui se trouvent là une motivation au quotidien, chacun ayant ses raisons de ne pas aller au bout de sa probable lourde peine. Le déroulement de l'évasion obéit à ce même principe réaliste avec un Becker qui s'attarde longuement sur le moindre détail du plan des prisonniers, que ce soit le début laborieux lorsqu'ils grattent le sol chacun avec un bout de miroir pendant de longues heures, l'exploration des souterrains et le creusage interminable des tunnels. Rien ne nous est épargné dans cette scénographie que Becker tourne en grande partie dans des décors réels.

Cette entreprise originale et inédite dans le cinéma français aurait pu aboutir à un spectacle très froid et clinique à la manière Un condamné à mort s'est échappé de Robert Bresson (film qui fascinait Becker et qui le mettait au défi de le dépasser), mais le réalisateur a su créer un groupe de personnages très forts et attachants - et impeccablement interprétés par des non-professionnels - qui suscitent l'adhésion d'emblée. Michel Constantin une nouvelle fois parfait en grande gueule obsédé par les femmes, Raymond Meunier en bonne pâte farceuse, Philippe Leroy-Beaulieu glacial et un Jean Keraudy plus vrai que nature en dur-à-cuire expérimenté, ce qui n'est guère étonnant puisqu'il s'agit d'un ancien codétenu de Giovanni ici pratiquement dans son propre rôle. 

Incroyablement prenant de bout en bout sans que le sens du détail et la dilatation du temps ne provoquent l'ennui, Le Trou, porté par un Jacques Becker obsessionnel qui lui insuffle ce qui lui reste de force vitale, est une réussite magistrale avec une des conclusions des plus stupéfiantes et sombres qui soient mais qui n'obscurcit en rien cet expérimentation filmique viscérale, une odyssée intime puissante mais douloureuse sur l'amitié, la quête de liberté et le poids de la trahison.

Sorti en bluray et dvd zone 52 chez Pathé 

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