Gaspard, un jeune
homme comme il faut, est transféré dans une nouvelle cellule de la prison de la
Santé, dans laquelle il apprend que ses codétenus ont décidé de s'évader en
creusant un tunnel. Gaspard participe aux préparatifs et se lie d'amitié avec
ses nouveaux compagnons.
Le Trou est le
dernier film du grand Jacques Becker, décédé un mois avant sa sortie, et qui
adaptait là le premier roman de José Giovanni (qui collabora au scénario et aux
dialogues et le remercia à titre posthume avant le début du film) inspiré de sa
propre expérience carcérale. Dans cette œuvre somme, un réalisme de tous les
instants se manifeste dans la mise en scène épuré du cinéaste, claustrophobe et
oppressante à souhait avec de lents et sobres mouvements de caméra, de longs
plans fixes et une absence totale de musique.
Becker cherche véritablement à
plonger le spectateur dans la routine monotone de cette prison (qu'on explore
assez peu finalement sauf à des fins dramatiques, l'essentiel se déroulant dans
la cellule) rendant l'évasion d'autant plus vitale à l'équilibre des détenus
qui se trouvent là une motivation au quotidien, chacun ayant ses raisons de ne
pas aller au bout de sa probable lourde peine. Le déroulement de l'évasion
obéit à ce même principe réaliste avec un Becker qui s'attarde longuement sur
le moindre détail du plan des prisonniers, que ce soit le début laborieux
lorsqu'ils grattent le sol chacun avec un bout de miroir pendant de longues
heures, l'exploration des souterrains et le creusage interminable des tunnels.
Rien ne nous est épargné dans cette scénographie que Becker tourne en grande
partie dans des décors réels.
Cette entreprise originale et inédite dans le cinéma
français aurait pu aboutir à un spectacle très froid et clinique à la manière
Un condamné à mort s'est échappé de Robert Bresson (film qui fascinait Becker
et qui le mettait au défi de le dépasser), mais le réalisateur a su créer un
groupe de personnages très forts et attachants - et impeccablement interprétés
par des non-professionnels - qui suscitent l'adhésion d'emblée. Michel
Constantin une nouvelle fois parfait en grande gueule obsédé par les femmes,
Raymond Meunier en bonne pâte farceuse, Philippe Leroy-Beaulieu glacial et un
Jean Keraudy plus vrai que nature en dur-à-cuire expérimenté, ce qui n'est
guère étonnant puisqu'il s'agit d'un ancien codétenu de Giovanni ici
pratiquement dans son propre rôle.
Incroyablement prenant de bout en bout sans
que le sens du détail et la dilatation du temps ne provoquent l'ennui, Le Trou,
porté par un Jacques Becker obsessionnel qui lui insuffle ce qui lui reste de
force vitale, est une réussite magistrale avec une des conclusions des plus
stupéfiantes et sombres qui soient mais qui n'obscurcit en rien cet
expérimentation filmique viscérale, une odyssée intime puissante mais
douloureuse sur l'amitié, la quête de liberté et le poids de la trahison.
Sorti en bluray et dvd zone 52 chez Pathé
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