L'histoire vraie
d'Alvin Cullum York, un jeune campagnard croyant et pacifiste qui s'enrôle dans
l'armée américaine en tant qu'objecteur de conscience et qui deviendra un héros
de la Première Guerre mondiale.
Sergent York est
une œuvre de propagande qui participe de la volonté des démocrates d’Hollywood
de pousser les Etats-Unis hésitants à s’engager dans la Deuxième Guerre
Mondiale. Quoi de mieux du coup que la célébration d’un des grands héros de la
Première Guerre Mondiale avec un biopic du sergent Alvin Cullum York ?
Celui-ci par un exploit héroïque fameux fut un des soldats américain les plus
décorés du conflit et devint une vraie célébrité dans le pays. Dès son retour
du front en 1919 et durant les festivités qui entoure York, le producteur Jesse
Lasky cherche à monter un film sur son destin mais se heurte au refus de l’intéressé.
York va ainsi retourner à une existence calme dans son Tennessee natal et n’usera
de sa célébrité que pour ses actions caritatives notamment sa fondation visant
à développer l’instruction dans la région. Ce n’est que pour financer ces
activités qu’il cède dans un premier temps à une biographie en 1930 (Sergent York : His Own Life Story and War
Diary de Tom Skeyhill d’après le journal intime tenu par York) puis plus
tard à une énième relance de Jesse Lasky. Les gains lui serviront financer une
école biblique interconfessionnelle et sa principale exigence sera d’être
incarné à l’écran par Gary Cooper. Cela nécessitera quelques tractations entre
studios, Warner qui coproduit le film prêtant Bette Davis à la MGM chez qui
Gary Cooper est sous contrat) et le choix de Howard Hawks à la mise en scène
sera décisif pour convaincre un Cooper (ils avaient déjà tournés ensemble le beau Après nous le déluge (1933)) intimidé par le rôle.
Hawks fera largement remanier le script initial de Abem
Finkel notamment par John Huston, pour en accentuer la dimension « americana »
et destin individuel qui passe notamment par l’humour. La première partie du
film nous montre ainsi un Alvin York dont le quotidien se partage entre le
travail de forçat sur la terre aride qu’il cultive pour sa famille et les
échappées alcoolisées pour oublier ce destin terne. Cette approche americana se
caractérise par le ton bon enfant et truculent qui appuie sur la facette
pittoresque de cette région loin des problématiques du monde. York n’aspire qu’à
acheter un lopin de terre dans la vallée pour avoir une ferme plus exploitable
en vue de séduire la belle Gracie (Joan Leslie). Tout cela s’incarne dans la
figure du pasteur Pile (Walter Brennan), tourné en ridicule par les facéties de
York (l’ouverture où son prêche est interrompu) mais n’abandonnant jamais la
volonté de le placer sur le droit chemin.
Cette ruralité bienveillante idéalise
ainsi les piliers de la religion, de la famille (« Ma » York la bonté
même sous les traits de Margaret Wycherly) et de la patrie dans l’attachement
qui noue à cet environnement et ces habitants. Hawks prend plus d’une heure à
poser cette atmosphère chaleureuse où, de York à ses rivaux amoureux en passant
par ses interlocuteurs d’affaires, personne n’est vraiment mauvais et aura
forcément l’occasion de se montrer sous un bon jour. Les différents éveils de
York passent donc par une imagerie puissante de cette americana rendue féérique
dans une conception essentiellement en studio. On pense à la scène où Gracie
vient retrouver York en train de labourer, à la composition puissamment
évocatrice, et l’épiphanie de notre héros dont un éclair foudroyant va stopper
les funestes desseins.
Cet apaisement intime va devoir ensuite servir la nation
avec l’engagement de York dont les obligations de soldats entrent en
contradiction avec ses nouvelles convictions religieuses. Le film dans sa
volonté lumineuse idéalise sans doute trop le cadre de l’armée, ne fait pas
montre d’une ambiguïté possiblement intéressante et rend le dilemme de York
assez simple à résoudre. C’est un personnage simple et modeste qui fera au
mieux selon les élans de sa conscience et dont les doutes se dissiperont à travers
le baptême du feu où les atermoiements n’ont plus court. Ce simplisme (du
traitement mais pas du personnage) est une nouvelle fois rattraper par la
recherche formelle de Hawks avec ce magnifique plan de York parti méditer sur
colline avec un livre sur l’histoire des Etats-Unis. La facette americana comme
religieuse (les méditations d’un Moïse attendant la parole divine avant d’aller
délivrer son peuple) s’impose dans cette vignette puissante ainsi que la
prestation habitée de Gary Cooper.
C’est vraiment là que ce ressent la patte de
Hawks (autrement plus profond sur la notion d’héroïsme dans Seul les anges ontdes ailes (1939)) mais également dans les formidables scènes de guerre. Le but
n’est clairement pas de montrer l’horreur de la Grande Guerre à l’instar de A l’Ouest rien de nouveau de Lewis
Milestone (1930) mais d’accompagner le destin individuel de York. La mort
ambiante, les camarades tombant cruellement et la menace allemande, tout cela n’existe
que pour galvaniser l’héroïsme désintéressé mais flamboyant de York. Hawks met
constamment en montage alterné les silhouettes des frères d’armes de York avec
sa folle avancée où il va décimer et emprisonner à lui seul un bataillon
allemand.
Le collectif existe dans la fraternité face à la menace mais c’est
bien York seul qui s’élève pour redresser la situation. Hawks parvient
néanmoins à rendre son personnage héroïque tout en restant à l’échelle de sa
personnalité modeste. Gary Cooper est absolument parfait (et y gagnera un Oscar
au passage), le parallèle avec son futur rôle de Ceux de Cordura de Robert
Rossen (où il est montré à l’inverse la difficulté d’être à la hauteur de cet
héroïsme) qu’il jouera plus tard est d’ailleurs passionnant. Pas le plus
personnel ni incisif des Hawks, mais un très beau et attachant portrait.
Sorti en dvd zone 2 français chez Warner
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