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dimanche 24 août 2025

À toute épreuve - Lashou shentan, John Woo (1992)

 Un flic qui perd son coéquipier lors d’une fusillade avec des trafiquants d’armes part en mission pour les arrêter. Afin de se rapprocher des chefs du réseau, il s’associe à un policier sous couverture qui travaille comme tueur à gages.

Malgré un succès plus mitigé à Hong Kong, The Killer (1989) est véritablement le film qui établit la renommée internationale de John Woo. Les sirènes hollywoodiennes se font alors de plus en plus insistantes et après l’échec d’Une balle dans la tête (1990), une de ses œuvres les plus personnelles, puis la récréation de Les Associés (1991), envisage enfin l’exil. À toute épreuve est donc envisagé comme un véritable feu d’artifice final, ainsi qu’une carte de visite démontrant son savoir-faire aux studios hollywoodiens.

Le projet apparaît donc comme moins cathartique et romanesque que Le Syndicat du crime (1987), The Killer et Une balle dans la tête. Le scénario reprend des archétypes de différents sous-genre du cinéma d’action hongkongais, sans pousser leur logique émotionnelle jusqu’au bout d’autres films emblématiques. Il y a des éléments d’heroic-bloodshed mais sans avoir installé une amitié aussi intense que celle des œuvres précédentes de John Woo. On trouve aussi des bribes de film de « flic infiltré » mais résultant d’une édulcoration du scénario (le personnage de Tony Leung Chiu-wai devant être bien plus sombre initialement) qui fait par intermittences vaciller la cohérence dramatique de l’ensemble. Les coutures certes grossières tiennent autour de la raison d’être de À toute épreuve, ses trois énormes morceaux de bravoures : la maison de thé en ouverture, la confrontation dans l’entrepôt et le monumental climax de l’hôpital.

Malgré ce scénario presque prétexte, on reste admiratif devant le talent de John Woo qui en misant sur le charisme de ses acteurs, et par une mise en scène sensitive parvient à nous impliquer dramatiquement. Les émotions contradictoires exprimées par le visage Tony Leung avant d’abattre son boss (et maintenir sa couverture) instaurent une intensité rare, plus tard le détail des roses blanches permet à Teresa (Teresa Mo) d’identifier son messager, l’impitoyable homme de main incarné par Philip Kwok est capturé dans toute sa férocité et humanité finale avec peu de mots de façon crédible. Chow Yun-fat transcende quant à lui le cliché du flic dur à cuire (souligné par le titre anglais Hard-Boiled) par un jeu plus nuancé qu’il n’y paraît, apportant une douceur inattendue au milieu du chaos (la berceuse chantée au bébé en plein gunfight). Même ceux caractérisé à plus gros traits comme le génial Anthony Wong en marchand d’armes sanguinaire sont tellement habités que tous les excès passent – même si Wong ne manquera pas de dire le plus grand mal de sa collaboration avec John Woo (plus préoccupé par l’action que la direction d’acteur) durant les années suivantes.

Néanmoins on retrouve thématiquement cette notion d’amitié, de culpabilité et de revers d’une même pièce à travers les personnages de Tequila (Chow Yun-fat) et Tony (Tony Leung Chiu-wai). Le jusqu’auboutisme de leur action les poussent à sacrifier malgré eux des collègues, ce qui provoque chez chacun une forme différente et complémentaire et culpabilité. Tony s’enferme dans une noirceur autodestructrice et sacrificielle en faisant un être réellement torturé, préparant le terrain au personnage plus complexe que Tony Leung Chiu-wai incarnera dans Infernal Affair (2002). A l’inverse, les émotions semblent plus contenues et ne se manifeste que dans l’action pour Tequila aux véritables action casse-cou extériorisant par le mouvement cette quête de rédemption. Ce certes pas aussi fouillé que dans d’autres John Woo, mais bel et bien présent, contribuant à faire de À toute épreuve un film incarné et dépassant le statut de démo technique.

Les scènes d’action sont parmi les plus virtuoses de la carrière de John Woo. Le gunfight dans la maison de thé est une extension et perfection de ceux en lieux clos ouvrant Le Syndicat du crime et The Killer, par sa lente montée de tension puis son explosion. Il y a d’ailleurs un crescendo en termes d’environnement, d’assaillants et d’enjeux entre les trois scènes. La pyrotechnie extraordinaire entre cascades véhiculées, coups de feu et explosions dans l’entrepôt est un véritable ballet de chaos ne perdant jamais de vu sa dimension émotionnelle. La longue scène de l’hôpital est le moment le plus marqué « carte de visite ».  La découverte du repère du méchant lorgne sur James Bond, la prise d’otage, les civils menacés et l’urgence du siège armé paie son tribu à Piège de Cristal (1988) tandis que la dextérité surhumaine des personnages avec un fusil à pompe et les dégâts infligés sont un clin d’œil à Terminator 2 (1991). 

John Woo est aussi à l’aise pour plonger caméra à l’épaule dans un déluge de verre brisé, que d’accompagner par des travellings véloces des duels armes au poing lorgnant plus que jamais vers le wu xia pian – le long mano à mano entre Tony Leung et Philip Kwok. Enfin, il pose les tables du jeu vidéo FPS (le premier opus de la saga Doom sort l’année suivante en 1993), le temps d’un sidérant plan-séquence accompagnant l’avancée déterminée de Tequila et Tony décimant à tour de bras la multitude d’adversaires surarmés.

En ces heures de pré-numérique, ce morceau de bravoure n’a rien perdu de sa puissance destructrice et emporte tout sur son passage. On préférera certes d’autres John Woo pour le supplément d’âme et d’émotion, mais difficile de bouder ce spectacle d’un maître en pleine possession de ses moyens. 

Ressortie en salle le 27 août 

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