C'est l'histoire d'amour à sens unique entre A.
Pinks, serveur dans un music-hall et sa chanteuse vedette Gloria Lyons.
Pinks aime secrètement Gloria, entretenue par le patron de la boîte,
Case Ables, jusqu'au jour où elle se retrouve à l'hôpital à la suite
d'une chute provoquée par Ables, jaloux d'un riche oisif, Decatur Reed
pour qui elle s'apprête à le quitter. Pinks va mettre tout son temps et
son argent, avec l'aide de ses amis, à essayer de soigner Gloria, qu'il
vénère toujours comme "son altesse"
La Poupée brisée
est un joli mélo qui participe à l'évolution de l'emploi habituel
d'Henry Fonda de jeune homme naïf et bienveillant vers un registre plus
adulte tout en étant un des premiers rôles majeur de Lucille Ball au
cinéma (même si son succès se construira surtout dix ans plus tard à la
télévision). Le film adapte la nouvelle Little Pinks
de Damon Runyon et dépeint la romance à sens unique entre le modeste
serveur Pinks (Henry Fonda) et la chanteuse de music-hall et "gold
digger" Gloria Lyons (Lucille Ball). Les deux personnages sont des
rêveurs dont l'idéal ne se rejoint pas, Pinks aimant à distance une
Gloria rêvant de châteaux en Espagne par l'entremise du riche et
séduisant Decature Reed (William T. Orr).
Le rapport entre eux est
bienveillant et hautain pour Gloria envers Pinks et béat et énamouré
pour ce dernier. Les contours glamour, l'attitude hautaine et les
cadrages avantageux d'Irving Reis pour capturer Gloria sur scène
contrebalancent ainsi la gestuelle empruntée et la nature timide filmé
dans sa tenue de serveur et réduit à cette nature subalterne soumise par
la mise en scène et la composition de plan (toujours en retrait, raide
et en attente face à Gloria). Ce rapport se poursuivra de manière plus
injustifiée et cruelle après la déchéance physique et sociale de Gloria
qui maintient ses exigences de diva envers Pinks, seul bienfaiteur qui
voit par son aide dévouée une manière de se rapprocher d'elle.
Le
récit pourrait être sinistre mais le scénario contrebalance cela par la
description de la faune pittoresque (et les truculentes interprétations
de (Agnes Moorehead et Eugene Pallette notamment) de Broadway fait de
parieurs et d'escrocs en tout genre. Cela crée des moments décalés
déconcertants (le concours du plus gros mangeur en ouverture) mais qui
trouvent sa justification sur la longueur, l'esprit d'entraide de cette
cour des miracles contrebalançant tout le paraître et l'hypocrisie de la
haute société que Gloria idolâtre tant. Les héros évitent par cette
approche et les nuances des interprètes les clichés dans lesquels ils
s’inscrivent.
Henry Fonda exprime plus un amour éperdu que la naïveté,
et Lucille Ball (suggérée par son amie Carole Lombard initialement
envisagée par le studio) malgré quelques situations et répliques
cruelles s'agrippe de manière maladive et confinant à la folie à sa soif
de paillettes. Quelques rebondissements tarabiscotés nous amènent ainsi
au clou du film avec cette fastueuse soirée mondaine qu'organise Pinks
pour Gloria qui en sera la reine. Un bref instant, leurs attentes se
conjuguent pour une belle émotion dans une conclusion touchante.
Sorti en dvd zone 2 français aux Editions Montparnasse
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