L'impératrice
douairière décide dans le plus grand secret d'instaurer la compétition de la
Tête de Lion, qui doit distinguer les plus grandes écoles de kung-fu de Chine.
Le Tournoi du Lion
est le troisième film de Tsui Hark consacré à l’icône chinoise Wong Fei Hung
après les mémorables Il était une fois en Chine (1991) et La Secte du lotus blanc (1992). Le film signe vraiment la conclusion d’une trilogie, que ce
soit dans l’équipe artistique (Tsui Hark à la mise en scène, Jet Li incarnant
Wong Fei Hung et Rosamund Kwan en Tante Yee) les thématiques et les arcs
narratifs des différents personnages. Trois autres films suivront mais où le
casting changera, pour des épisodes indépendants et moins cohérent en plus d’être
artistiquement très inférieur (La Danse
du dragon (1993) tout juste correct, Dr
Wong et les pirates virtuose qui voit le retour de Tsui Hark à la mise en
scène et Dr Wong en Amérique (1997)
catastrophique).
Wong Fei Hung (Jet Li) représente tout au long de la
trilogie l’hésitation de la Chine entre une dangereuse ouverture aux
occidentaux et un tout aussi néfaste repli sur soi. Dans Il était une fois en Chine une sous-intrigue montrait à la fois le danger de cet attrait de l’ailleurs
(des migrants chinois vers les USA réduits en esclavage) tout en affirmant les
beautés et curiosités de cette culture occidentale à travers le personnage cosmopolite
de Tante Yee. La Secte du lotus blanc
illustrait également les travers d’un peur de l’étranger virant au fanatisme. Le Tournoi du Lion fonctionne sur un
même équilibre avec une compétition instaurée par l’Impératrice suscitant à la
fois intimidation et barbarie parmi la population mais aussi une exposition aux
complots des services secrets russes. Wong Fei Hung tout en cherchant à
maintenir le calme ne peut se départir de sa méfiance envers « l’autre »
d’autant qu’il représente ici un rival amoureux avec le russe Tumanovsky (John
Wakefield catastrophique comme tout européen dans une production hongkongaise).
Dans les deux premiers volets Tsui Hark avait ramené l’intouchable personnage
de Wong Fei Hung à échelle humaine à travers l’interprétation de Jet Li, entre mythe
et homme-enfant dépassé. Toute l’idée était de fusionner ce mythe aux faillites
humaines de l’homme, que ce soit dans cette ignorance de l’étranger et sa
maladresse amoureuse avec Tante Yee. C’est ce pont indécis qui le faisait
osciller d’un statut à l’autre.
Le Tournoi du Lion
voit Wong Fei Hung se montrer plus ouvertement vulnérable émotionnellement,
amoureux transi et/ou jaloux de Tante Yee sans pouvoir le cacher sous la
posture héroïque. Les scènes romantiques maladroites dégagent donc un charme
fou en montrant un Wong Fei Hung dépassé par ses sentiments, perdu face à un
premier baiser ou trop démonstratif en retrouvant Tante Yee qu’il pensait
parti. C’est précisément en rendant son héros plus humain que Tsui Hark
refaçonne le mythe malicieusement par le prisme de la modernité occidentale.
Après l’appareil photo des deux premiers films, c’est cette fois le cinéma et
le vingtième siècle qui accompagne l’aventure avec la présence d’une caméra. Au
départ l’objet est juste une astuce de scénario où la caméra filme une
péripétie invisible, mais il servira aussi à refaire de Wong Fei Hung une
figure de cinéma en capturant ses démonstrations martiales.
C’est cet
accomplissement et identité de nouveau complète qui est au cœur du film. Cela
est d’autant plus vrai que Le Tournoi du
Lion tout en étant toujours aussi généreux et virtuose dans l’action ne
comporte pas d’antagoniste (Donnie Yen dans La
Secte du Lotus blanc) ni de morceau de bravoure aussi mémorable (le combat
sur les échelles de Il était une fois en
Chine) que les volets précédents. Le méchant est assez caricatural et l’adversaire
le plus intéressant est Pied-bot (Hung Yan-yan), un être qui se cherche
également et donnera lieu à une des plus belles scènes du film quand la bête
sauvage est apaisée par la bienveillance de Wong Fei Hung.
Les scènes de bataille du du tournoi du lion sont également
l’occasion pour Tsui Hark de renouveler l’action des premiers films. Le
réalisateur joue moins sur les pures joutes martiales et les techniques pour
plutôt miser sur une frénésie d’adversaires et d’obstacles. On oscille entre
une furie annonçant The Blade (1995)
comme la séquence où Wong Fei Hung stoppe une bagarre de rue, et une
stylisation dans les moments plus acrobatiques et chaotiques dans le découpage
furieux du tournoi. Le climax où il rejoue à sa façon celui de L’Homme qui en savait trop est un des
sommets de Tsui Hark. La trilogie s’achève en beauté et après avoir rénové un
mythe national, Tsui Hark allait en chambouler un autre cinématographique en s’appropriant
la figure du sabreur manchot dans The
Blade.
Sorti en bluray et dvd zone 2 français chez HK Vidéo
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